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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 5.1879 (Teil 3)

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Pougin, Arthur: Madame Favart
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https://doi.org/10.11588/diglit.17801#0246

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194 L'ART.

un peu fort, la bouche était expressive et mutine, le menton rond, le front pur et élevé, et la
physionomie était comme illuminée par deux beaux yeux pleins d'éclat, dont le regard intelligent
était ombragé et en quelque sorte enveloppé par des sourcils fournis, bien dessinés et bien arqués.

Mm° Favart était à peine âgée de dix-sept ans lorsqu'elle parut pour la première fois devant
le public parisien, qu'elle captiva dès l'abord. L'excellent poète Favart, qui devait être son mari,
était alors directeur de l'Opéra-Comique de la foire Saint-Germain, et c'est sur ce théâtre qu'elle
parut en premier lieu. J'emprunterai aux Mémoires mêmes de Favart, si sincères et si touchants,
quelques lignes de l'intéressante notice que cet honnête homme consacra à sa femme, peu de
jours après la mort de celle-ci. Elles nous feront connaître exactement les commencements de
cette artiste si originale et si distinguée :

« Marie-Justine-Benoîte Duronceray naquit à Avignon le i y juin 1727, sur la paroisse
Saint-Agricole. Elle était fille d'André-René Duronceray, ancien musicien de la chapelle de
Sa Majesté, et depuis musicien du feu roi Stanislas, et de Pierrette-Claudine Bied, aussi
musicienne de la chapelle du roi de Pologne. Ce prince, qui s'intéressoit au bonheur de tous ceux
qui l'environnoient, eut la bonté de contribuer lui-même à l'éducation de la petite Duronceray,
qui s'annonçoit déjà par des talents prématurés. Les plus habiles maîtres la formèrent pour la
danse, la musique, les différents instruments et les éléments de la langue. En. 1744, sa mère
obtint un congé du roi Stanislas pour venir à Paris. M"e Duronceray parut à l'Opéra-Comique, à
la foire Saint-Germain, sous le nom de M"' Chantilly première danseuse du roi de Pologne.
Elle débuta par le rôle de Laurence, qu'elle joua d'original dans une pièce intitulée les Fêtes
publiques, faite à l'occasion du premier mariage de feu Mgr le Dauphin. Elle eut beaucoup de
succès, tant dans la danse que dans le chant et le dialogue.

« Cette même année l'Opéra-Comique fut entièrement supprimé, parce que ses progrès
alarmoient les autres spectacles. Le sieur Favart, qui étoit alors directeur général de l'Opéra-
Comique pour le compte de l'Académie royale de musique, obtint une permission de donner un
spectacle pantomime à la foire Saint-Laurent, sous le nom de Matheus, danseur anglais, toujours
pour le compte du Grand-Opéra, afin de remplir les engagements que l'on avoit pris avec les
acteurs de l'Opéra-Comique. M"e Chantilly et M"e Gobé en firent la réussite par la façon dont
elles exécutèrent une pantomime en un acte, intitulée les Vendanges de Tempe. Sur la fin de la
même année, au mois de décembre, M"c Chantilly épousa le sieur Favart, qu'elle suivit à
Bruxelles, parce qu'il étoit chargé de la direction du spectacle de cette ville. Ce fut là que ses
talents se développèrent, talents dangereux qui lui attirèrent, ainsi qu'à son mari, les plus cruelles
persécutions de la part de ceux qui dévoient les protéger. Ils aimèrent mieux, pour s'y soustraire,
sacrifier toute leur fortune ; ce qu'ils exécutèrent, après avoir satisfait à tous les engagements et
payé les dettes de la direction.

« Mme Favart vint donc à Paris et débuta au Théâtre-Italien le y août 1749. H n'y a point eu
d'exemple d'un plus grand succès ; mais les persécutions se renouvelèrent et l'empêchèrent de
continuer son début ; enfin, elle en triompha, et l'année suivante, elle reparut sur le même
théâtre, le 18 janvier, avec encore plus d'avantage; elle fut reçue d'abord à part entière (faveur
assez rare, et qu'elle ne devoit qu'à ses seuls talents). Une gaieté franche et naturelle rendoit
son jeu agréable et piquant : elle n'eut point de modèles, et en servit. Propre à tous les
caractères, elle les rendoit avec une vérité surprenante. Soubrettes, amoureuses, paysannes, rùles
naïfs, rôles de caractère, tout lui devenoit propre ; en un mot, elle se multiplioit à l'infini, et l'on
étoit étonné de lui voir jouer, le même jour, dans quatre pièces différentes, des rôles entièrement
opposés. La Servante maîtresse, Bastien et Bastienne, Ninette à la cour, les Sultanes, Annette et
Lubin, la Fée TJrgèle, les Moissonneurs, etc., ont prouvé qu'elle saisissoit toutes les nuances, et
que, n'étant jamais semblable à elle-même, elle se transformoit et paroissoit réellement tous les
personnages qu'elle représentoit ; elle imitoit si parfaitement les différents idiomes et dialectes,
que les personnes dont elle empruntoit l'accent la croyoient leur compatriote. .. »

1. Elje prit ce nom par égard pour sa famille, qui habitait Paris, et pour ne l.i point choquer.
 
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