DES DUCS D E FRANCE.
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CHRONOLOGIE HISTORIQUE
DES DUCS DE F R A N C E.
Le Duché de France ne paroît pas avoir eu dans son origine Ia même étendue quil avoit lorsqu’il fut réuiii
à la Couronne. II seroit même difficile de la déterminer exadement dans ce dernier période. On sait seu-
lement qu’il étoit compris alors pour la très grande partie entre la Seine & la Loire, & qu’outre les
Comtés de Paris & d’Orléans il comprenoit le Gâtinois, le Chartrain, le Blaisois, le Perche, la Tou-
raine, l’Anjou, le Maine, les terres de la Sologne situées au Midi de la Loire , le Beauvailis & une
partie de l’Âmiénois.
ROBERT L E FORT.
Robert dit le Fort à cause de sa valeur, 8c I’Angevin, soit
parcequ’Angers ctoit le lieu de sa naisfance, soit parceque cette
ville fut Ie chef-lieu de la province dont il eut dans la suite le
commandement , arriere-petit-fils de Childebrand , frere de
Charles Martel, comrae on l’aprouvé ci-devant (T. I, p. 566,)
& fils de Théotbcrt, Comte de Madtic, entreEvreux, Vernon
& la Seine, étant devenu beau-frere de Pepiu I, Roi d’Aqui-
taine, pat le mariage d’ingeltrude, sa sœur , avec ce Prince,
le servit avec succès dans les guerres qu’il eut à soutenir. Pepin
étant mort sur la fin de l’an 8 39, Robert cpousa ies intérêts de
son neveu Pepin II, que l’Ernpereur Louis le Débonnaire avoit
privé du Royaume d’Aquitaine pour Ie donner à son fils Char-
les le Chauve. Mais ce dernier ayant depuis regagné Robert,
lui donna, l’an 861, au Parlement de Compiegne, sous le titre
de Duché & Marquisat de France, Ja province située entre la
Seine & Ia Loire, pour l’opposer aux Bretons. ( Annal. Met.
& Bertin ) Ce n’étoit pas un département nouveau. On conserve
au dépot des Chartres un Diplôme dc Charlcmagne, contenant
des privileges accordés à l’Abbaye de S. Denis, dans lequcl il
ellfait mention d’une province lituée entre la Loire & la Seine.
( Daniel, nouv. édit. T. II, part. z, p. 407. ) Ce qu’il y eut de
bizarrc en cette rencontre, c’est qu’après la réconciliation de
Robert, avec Charles le Chauve, deux Seigneurs françois,
Gontfroi & Gozfroi, qui avoient été ses médiateurs auprès du
Roi, se jetterent dans le parti du Duc de Bretagne ( Salomon ),
ennemi de la France : tant ils étoient jaloux & irrirés de ce
qu’onleur avoit préféré Robert pour ce gouvernement 1 ( Ann.
Bertin. ) Louis ( leBegue) , fils dc Charles le Chauve, s’étant
mis à la tête des Seigneurs révolte's contre le nouveau Duc de
France , avoit obtenu de Salomon un corps de troupes à Ia téte
duquel il attaqua Robcrt, l’an 8615 & il le fit avec tant d’a-
vantage que, l’ayant obligé de rcculer, il entra dans la ville
d’Angers, & la pilla. Mais Robert étant tombé sur les Bretons
à leur retour, en tua 2.00 des principaux 8c leur arracha le
butin. Louis voulut prendre sa revanche , mais il fut mis en
fuite par Robert. Salomon cependant traitoit avec Weland,
Chefdes Normands, pour acquérir les vaisieaux qu’ilavoit sur
la Loire. Mais à peinc les eut-il obtenus qu’ils furent cnlevés
par B.obertj ce qui réduisit le Duc de Bretagne à demander
la paix l’année suivante ( 863 ) au Roi de France. ( Annal.
Bertin. Morice , Hisi. de Brét. T. I, p. 47. )
Vers le même terns deux Seigneurs , Acfrid , qu’on croit
sans beaucoup de fondcment étre le même qui fut depuis
Cornte dc Bourges, & Etienne, avoient engagé lc jeime Char-
les, autre fils de Charîes le Chauve, à se révolter contre son
pere. Robert fit raison au Monarque du premier de ces deux
traîtres, qu’il prit & amena dans un Parlement que le Roi te-
noit. Mais, content de l’avoir humilié, il demanda sa grace &
l’obtint. ( Annal. Bert 'm. ) Robett à peine étoit de retour de
cette Asfemblée qu’il fut obligé dc marcher contre deux corps
de Normands, retranchés dans les Isles de la Lon'e, d’où ils fai-
soient des incursions dans l’Anjou. II détruisit entièrement, à un
seul homme près, lapremieredivision ; maisilrcçut en combat-
tant contre la seconde une blessurc qui lc força à la retraite après
avoir perdu quelques-uns de ses gens. Le coup qu’il avoit reçu
n’étoit point dangereux , & il guérit de sa blesiure au bout de
quelques jours. ( Annal. Bertin.) L’an 863 , il remporte une
nouvelle vicloire sur ces barbares dont il tailie en pieces plus
de cinq cens 3 & s’étant emparé de lcurs armes 8c de leurs éten-
dards, il lcs cnvoie au Roi Charles. L’année suivante ( 866)
fut le terme de ses jours. Apprenant que les Notmands rava-
ravageoient Ie Mainc , il y vole, leur Iivre baraille près de
Biilerte, 8c perd la vie dans la mêlée le z j Juillet. De son ma-
riage avcc Adelaîde, veuve de Conrad , Comte de Paris, il
laillà Eudes qui suit 3 Robert qui vient cnsuite , & Richilde ,
femme de Richard , Comte Bénéficiaire de Troyes. Robert le
Fott meritale titre de Maccabée de son fiecle'p'àx. savaleur qu’il
signala principalement contre les Infideles.
E U D E S.
866. Eudes, fils aînc de Robert Ie Fort, lui sùccéda au
Duché de France. Les Ecrivains du tems ne Iui donnent cepen-
dant que le titre de Comte de Paris dont il étoit revètu , quoi-
que très jeune , du vivant de son pete, avec lcquel il fut battu
par les Normands près de Melun au commencement de l’an
866. ( Annal. Bertin. ) Lothaire, P>.oi de Lorraine , étant mort
le 8 Août 869, le Roi Charles le Chauve envoya l’année sui-
vante au Roi Louis le Germanique, son frere , à Francfort,
uneambasiTade composée d’Eudes, Evéque de Beauvais, & des
Comtes Eudes & Hardouin , pour l’engager à partager amia-
blement entre eux les Etats de leur frere défunt. II ïallut bien
des allées 8c des venues des Ambassadeurs des deux Princespour
les amener à ce partage, qui fut enfin conclu le zj Juillet de la
méme année à Mosen sur la Meuse. ( Ibid. ) Sigefroi, Roi des
Normands, étant venu faire Ie siége de Paris en 885 , mit cette
capitale dans Ic plus grand danger. Eudes, secondé par Robert
son frere, le Comte Ragenaire , Gozlin , Evêque de Paris,
qui fit les fonèlions de Pasteur & de Capitaine, & plusieurs
autres braves, soutint avec toute la valeur imaginable les efforts
des assiégeans. Deux aslauts qu’ils donnerent le zj 8c le z8 No-
vembre, furent sans effet. Mais ce double échec ne fit point
lever le siége. Les Normands ie continuerent avec un redou-
blement de fureur. La force étant toujours contrebalancée par
la force, Sigefroi appelle la ruse à son secours. Pour surprendre
Eudes, il lui fit proposer une entrevue qu’il accepta. Mais tan-
dis qu’ils conféroient ensemble, Eudes s’apperçut que des sol-
dats normands se couloient l’un après l’autre dans des chemins
creux. Se voyant investi, il met le sabre à la main , 8c se fait
jour au travers des ennemis qui le poursùivirent jusques sur le
bord du fussé. Les soldats de Ja garnison sortirent sur eux dès
qu’on cut reconnu la trahison, & les repousserent. Ceci arriva
au commencement de l’an 88 6. Eudes, par Ies préparatifs que
firent ensuite Ies ennemis, jugeaqu’ils se disposoient à donner
encore nn asfaut général. II ne se découragea point, & prit de
son côté toutes les mesures convenabies pour une bonne dé-
fcnse. Elle fut telle que par-tout ils éprouverent une résistance
instmnontable. C’étoit contre l’avis de Sigefroi que s’étoit en-
gagée cettenouvelîe adion, où grand nombre des siens se noye-
rent dans la Scine. Alors il quitta le siége , & prit la route de
la Prise. Mais une partie des Normands ayant refusé de le sui-
vre, s’obstinerent à rester devant la place, déterminés à la
prendre ou à périr. La disette 8c Ia peste s’étant mises dans
Paris , secondcrcnt leurs efforts, & leur faisoient espérer de
s’en rendre bientôt maîtres. Eudes faisoit cependant solliciter
l’Empereur Charles le Cros de venir à son secours. Ne rece-
vant point de réponse satisfaisante, ilpart lui-mémepour i’alier
trouver cn Germanie , lailsant pour commander en sa place
Ebles, Abbé de S. Germain-des-Prés, dont la valenr & l’habi-
lcté s’étoicnt déjà signalées en diffèrentes occasions. A sonre-
tour il force les retranchemens que les ennemis avoient élevés
pour l’arrêter, & rentre dans la ville, annonçant un sccours
amené par le Comte Henri. Bientôt après le Comte paroît avec
un foiblc renfort, 8c veut forcer le camp dcs Normands 3 mais
il tombe dans un picge qu’on Iui avoit préparé, 8c il y périt
Torne 11.
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