DES COMTES OU DUCS D E GASCOGNE.
*53
CHRONOLOGIE HISTORIQÜE
D E S
COMTES OU DUCS DE GASCOGNE.
Tous les anciens Historiens qni ont traité des Gascons, avons-nous dit dans la préface du douzieme tome
du Recudl dcs Hijtoriens de France, p. xviij 8c suiv. leur donnent EEspagne pour premiere habitation.
Mais une partie d’entre euxlavoit abandonnée dès lepremiersieclede l’Eglise, 8c s’étoit transportéeen-
deçà des Pyrénées. Ce sont les Vastees que Piine compte parmi les peuples d’Aquitaine 8c qu’il place au
voisinage des Tarusates, anciens habitans du pays de Tursan au diocèie d’Aire.
La carte géographique de l’anciennne Gaule, drestee par M. le Beuf 8c D. Bouquet, place les Gascons I
dans le pays de Labourd, appellé depuis le pays des Basques. Soit que le pays fût désert lorsqu’ils y entre- I
rent, soit qn’ils en aient chaste les anciens habitans, ou qu’ils les aient aiservis, ils ont toujours conservé S
les mœurs qu’ils y avoient apportées, cle mème que leur ancien idiôme, sans autre changement que celui de
quelques lettresdeleurnom; ce qui a fait qLi’ilsont étéappeliés succestivement Fajjei, Vasci, Fafcones,
Basci, Basculi, d’où s’est formé le nom de Basques qui leur est resté. Le nom du pays a souffert les mèmes chan-
^emens. Ce Fut d’abord Vascitania, ensuite Vasonia , Gafconia, ensin lepays des Basques. Celui de pays
de Labourd est emprunté de la ville frontiere du côté de l’Aquitaine, qui s’appelle aujourd’hui Bayonne.
Transplantés en-deçà de Pyrénées, lesGascons ne se montrerent pas plus dociles queleurs compatriotes
qu’ils laisterent au-delà de ces monts. C’étoit un peuple idolàtre de sa liberté 8c incapable de subir aucun
joug. Ii est mèmedouteux s’ils subirent jamais celui des Romains. Ce qu’ily a de certain, c’est que les
Empereurs tenoient une garnison dans la viile de Labourd, 8c probabiement c’étoit pour les tenir en res-
peèb ôc s’opposer à letirs incursions dans la NovempopLiianie. Tribunus cohortis Novempopulaniâ La-
purdo. ( Notit. dignit. Imper. ) QLioi qu’il en soit de cette conje&ure, les Gascons ne voulurent recevoir
la loi nides Rois de France, ni des Rois d’Espagne. Ce fut en vain que le Roi Chüpéric estaya de ies
réduire sous sa domination. Le Duc Bladaste, dit Grégoire de Tours, étant allé ( par ordre de Chilpéric )
en Gascogne, y perdit la plus grande partie de son armée. Ce revers, suivant D. Ruinart, est de i’an 581.
Fiers de leur vidoire, les Gascons porterent le fer 8c le feu dans la Novempopulanie qu’ils ravagerent ci’un
bout à l’autre. Le Duc Atistrovalde, envoyé pour venger Biadaste , n’eut pas un meilleur succès que lui
dans les difFérentes attaques qu’il iivra aux Gascons. Mais la fortune se lasta enfin de les favoriser, 8c leur
fit sentir les effets de son inconstance. Les deLix freres, Thierri, Roi de Bourgogne, &c Théodebert, *
Roi d’Austrasie, ayant réuni leurs forces contre etix, vinrent à bout, i’an 602, de dompter cette orgueil-
leuse nation 8c de l’ajouter à l’Empire françois. Pour la contenir, ils lui donnerent pour Commandant, \
après l’avoir astujettie à un tribtit, le Duc Génialis, dont le gouvernement satisfit également ies vain- •
queurs 8c les vaincus. C’est lui que l’on compte pour le premier Duc de Gascogne. Aighin, qu’on lui
donne pour sLiccesseur, n’est connu que par le trait fuivant qu’011 lit dans Frédégaire. Cette année ( 6x6 ), ;
dit-il, Pallade & Sidoc, fonsils , Evèque d'Eause . j'ont condamnés a sexil fur Vaccufation de révolte in-
tentée contre eux par le Duc Aighin. Mais fut-il réeüement Duc de Gascogne ou seulement Commis-
saire royal de ce pays? (doubie interprétation dont est susceptible le texte de Frédégaire. ) C’est sur quoi |
nous nous abstenons de prononcer. Nous en disons autant de Génialis. Ce qui est pius certain, c’est que |
les Gascons toujours renfermés dans le pays des Basques, avoient pour Duc , en 6x8, Amand, époux
d’Amantia, fille de Serenus, Gouverneur d’Aquitaine & pere de Gisele mariée à Caribert, qui, l’an 630,
par traité fait avec le Roi Dagobert, son frere, obtint ie royaume d’Aquitaine ou cle Toulouse. Amand
eut besoin du secours du Roi son gendre pour faire rentrer dans le devoir ies Gascons soulevés contre
iui , 8c il réustît à ies réduire après une grande vidoire que Caribert remporta sur eux au printems de
l’an 6}i. Ce Monarque étant mort la même année, 8c son fils Chiidéric l’ayant suivi de près au tom-
beau, le Roi Dagobert, comrne on l’a dit ci-devant, voulut enlever à Boggis & Bertrand, les deux autres
fiis de Caribert, l’héritage de leur pere. Mais ils trouverent dans Amand, leur aïeul, un défenseur
qui entraîna toute l’Aquitaine dans leur parti. Le Référendaire Chandoind, envoyé dans le pays avec
dix Ducs à la tête d’une armée ievce en Bourgogne, obiigea les Gascons, tro^) foibies pour tenir la
campagne, à se retrancher dans des lieux escarpcs. ils n’y trouverent pas la sûrete qu’ils y étoient venus
chercher. Chandoind ies ayant poursuivis dans ces retraites, leur fit estuyer différens échecs 3 màis ils
eurent à la fin leur revanche. Le Dlic Arimbert, l’un des dix, traversant la valiée de Soule sans précau-
tion , ils le surprirent 8c le taillerent en pieces avec sa troupe. Ce revers disposa le Référendaire à
écouter les propositions de paix que les Gascons lui firent. En conséquence Amand étant venu trouver
l’année suivante le Roi Dagobert à Ciichi, avec les Chefs de sa nation, débuta par lui demander par-
don j après quoi il obtint que l’Aquitaine seroit abandonnée à ses petits-fils Boggis 8c Bertrand, pour
en jouir sous sa garde 8c la transmettre à leurs descendans avec ie titre de Duché. Le nom de Gas-
cogne commença dès lors à devenir commun à toute l’Aquitaine, sans néanmoins que les Gascons
se soient étendus au-delà de la Garonne, ni mème qu’ils se soient emparés de toute ia Novempopu-
lanie (car ia suite de l’histoire montre que long-tems après la mort de Charibert ils étoient encore con-
centrés dans le pays des Basques ) ; mais la vraie raison de cette dénomination est que l’Aquitaine étoit
alors gouvernée par un Duc gascon, comme tuteur de ses petits-fils qui en étoient les propriétaires.
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CHRONOLOGIE HISTORIQÜE
D E S
COMTES OU DUCS DE GASCOGNE.
Tous les anciens Historiens qni ont traité des Gascons, avons-nous dit dans la préface du douzieme tome
du Recudl dcs Hijtoriens de France, p. xviij 8c suiv. leur donnent EEspagne pour premiere habitation.
Mais une partie d’entre euxlavoit abandonnée dès lepremiersieclede l’Eglise, 8c s’étoit transportéeen-
deçà des Pyrénées. Ce sont les Vastees que Piine compte parmi les peuples d’Aquitaine 8c qu’il place au
voisinage des Tarusates, anciens habitans du pays de Tursan au diocèie d’Aire.
La carte géographique de l’anciennne Gaule, drestee par M. le Beuf 8c D. Bouquet, place les Gascons I
dans le pays de Labourd, appellé depuis le pays des Basques. Soit que le pays fût désert lorsqu’ils y entre- I
rent, soit qn’ils en aient chaste les anciens habitans, ou qu’ils les aient aiservis, ils ont toujours conservé S
les mœurs qu’ils y avoient apportées, cle mème que leur ancien idiôme, sans autre changement que celui de
quelques lettresdeleurnom; ce qui a fait qLi’ilsont étéappeliés succestivement Fajjei, Vasci, Fafcones,
Basci, Basculi, d’où s’est formé le nom de Basques qui leur est resté. Le nom du pays a souffert les mèmes chan-
^emens. Ce Fut d’abord Vascitania, ensuite Vasonia , Gafconia, ensin lepays des Basques. Celui de pays
de Labourd est emprunté de la ville frontiere du côté de l’Aquitaine, qui s’appelle aujourd’hui Bayonne.
Transplantés en-deçà de Pyrénées, lesGascons ne se montrerent pas plus dociles queleurs compatriotes
qu’ils laisterent au-delà de ces monts. C’étoit un peuple idolàtre de sa liberté 8c incapable de subir aucun
joug. Ii est mèmedouteux s’ils subirent jamais celui des Romains. Ce qu’ily a de certain, c’est que les
Empereurs tenoient une garnison dans la viile de Labourd, 8c probabiement c’étoit pour les tenir en res-
peèb ôc s’opposer à letirs incursions dans la NovempopLiianie. Tribunus cohortis Novempopulaniâ La-
purdo. ( Notit. dignit. Imper. ) QLioi qu’il en soit de cette conje&ure, les Gascons ne voulurent recevoir
la loi nides Rois de France, ni des Rois d’Espagne. Ce fut en vain que le Roi Chüpéric estaya de ies
réduire sous sa domination. Le Duc Bladaste, dit Grégoire de Tours, étant allé ( par ordre de Chilpéric )
en Gascogne, y perdit la plus grande partie de son armée. Ce revers, suivant D. Ruinart, est de i’an 581.
Fiers de leur vidoire, les Gascons porterent le fer 8c le feu dans la Novempopulanie qu’ils ravagerent ci’un
bout à l’autre. Le Duc Atistrovalde, envoyé pour venger Biadaste , n’eut pas un meilleur succès que lui
dans les difFérentes attaques qu’il iivra aux Gascons. Mais la fortune se lasta enfin de les favoriser, 8c leur
fit sentir les effets de son inconstance. Les deLix freres, Thierri, Roi de Bourgogne, &c Théodebert, *
Roi d’Austrasie, ayant réuni leurs forces contre etix, vinrent à bout, i’an 602, de dompter cette orgueil-
leuse nation 8c de l’ajouter à l’Empire françois. Pour la contenir, ils lui donnerent pour Commandant, \
après l’avoir astujettie à un tribtit, le Duc Génialis, dont le gouvernement satisfit également ies vain- •
queurs 8c les vaincus. C’est lui que l’on compte pour le premier Duc de Gascogne. Aighin, qu’on lui
donne pour sLiccesseur, n’est connu que par le trait fuivant qu’011 lit dans Frédégaire. Cette année ( 6x6 ), ;
dit-il, Pallade & Sidoc, fonsils , Evèque d'Eause . j'ont condamnés a sexil fur Vaccufation de révolte in-
tentée contre eux par le Duc Aighin. Mais fut-il réeüement Duc de Gascogne ou seulement Commis-
saire royal de ce pays? (doubie interprétation dont est susceptible le texte de Frédégaire. ) C’est sur quoi |
nous nous abstenons de prononcer. Nous en disons autant de Génialis. Ce qui est pius certain, c’est que |
les Gascons toujours renfermés dans le pays des Basques, avoient pour Duc , en 6x8, Amand, époux
d’Amantia, fille de Serenus, Gouverneur d’Aquitaine & pere de Gisele mariée à Caribert, qui, l’an 630,
par traité fait avec le Roi Dagobert, son frere, obtint ie royaume d’Aquitaine ou cle Toulouse. Amand
eut besoin du secours du Roi son gendre pour faire rentrer dans le devoir ies Gascons soulevés contre
iui , 8c il réustît à ies réduire après une grande vidoire que Caribert remporta sur eux au printems de
l’an 6}i. Ce Monarque étant mort la même année, 8c son fils Chiidéric l’ayant suivi de près au tom-
beau, le Roi Dagobert, comrne on l’a dit ci-devant, voulut enlever à Boggis & Bertrand, les deux autres
fiis de Caribert, l’héritage de leur pere. Mais ils trouverent dans Amand, leur aïeul, un défenseur
qui entraîna toute l’Aquitaine dans leur parti. Le Référendaire Chandoind, envoyé dans le pays avec
dix Ducs à la tête d’une armée ievce en Bourgogne, obiigea les Gascons, tro^) foibies pour tenir la
campagne, à se retrancher dans des lieux escarpcs. ils n’y trouverent pas la sûrete qu’ils y étoient venus
chercher. Chandoind ies ayant poursuivis dans ces retraites, leur fit estuyer différens échecs 3 màis ils
eurent à la fin leur revanche. Le Dlic Arimbert, l’un des dix, traversant la valiée de Soule sans précau-
tion , ils le surprirent 8c le taillerent en pieces avec sa troupe. Ce revers disposa le Référendaire à
écouter les propositions de paix que les Gascons lui firent. En conséquence Amand étant venu trouver
l’année suivante le Roi Dagobert à Ciichi, avec les Chefs de sa nation, débuta par lui demander par-
don j après quoi il obtint que l’Aquitaine seroit abandonnée à ses petits-fils Boggis 8c Bertrand, pour
en jouir sous sa garde 8c la transmettre à leurs descendans avec ie titre de Duché. Le nom de Gas-
cogne commença dès lors à devenir commun à toute l’Aquitaine, sans néanmoins que les Gascons
se soient étendus au-delà de la Garonne, ni mème qu’ils se soient emparés de toute ia Novempopu-
lanie (car ia suite de l’histoire montre que long-tems après la mort de Charibert ils étoient encore con-
centrés dans le pays des Basques ) ; mais la vraie raison de cette dénomination est que l’Aquitaine étoit
alors gouvernée par un Duc gascon, comme tuteur de ses petits-fils qui en étoient les propriétaires.