DES COMTES DE GUINES. 785
CHRONOLOGIE HISTORIQUE
D E S
COMTES D E GUINES.
Guines, ou Ghisnes (en latin Ghisnœ), ville de Picardie située à deux lieues de la mer et environ autant de
Calais au Nord-Est, a donné son nom à un Comté qui comprenoit autrefois les villes d’Ardres , d’Hardewic,
de Brédenarde, et de Tornehen avec le port de Witsan, et dont relevoient douze Baronies avec autant de
Pairies. Les sentimens des anciens et cles modernes sont partagés sur l’origine des Comtes de Guines. Voici
ce qui nous a paru de plus probable après un sérieux examen.
S I F R I D.
965. Sisrid, ou Sisroid, Prince danois, suivant la
Chronique de S. Bertin , et non François d’extrac-
tion , comme le prétend Lambert d’Ardres , doit
passer pour le premier Comte propriétaire de Guines.
Cette terre appartenoit originairement à l’Abbaye de
Sithiu ou S. Bertin. Nous en avons la preuve dans
la Charte ou Pancarte donnée, l’an 877, par Charles
leChauve pour confirmer toutes les possessions de cette
Abbaye. L’FIistorien moderne de Calais forme con-
tre l’authenticité de cette piece des objections qu’on
peut résoudre avec les premieres notions de la science
diplomatique. La terre de Guines tornba depuis (on
ne sait comment ) dans le Domaine des Comtes de
Flandre. Guillaume I, Comte de Ponthieu, dans la
guerre qu’il eut , en 96b , avec Arnoul II, dit le
Jeune, Comte de Flandre, lui ayant enlevé les pays
du Boulonois, de Guines et de S. Paul, ce dernier ap-
pella à son secours les Danois, qui vinrent en troupes
sous laconduite de Canut,frere du Roi de DanemarcK,
et de Sifrid, son cousin. Leur expédition fut assez
heureuse. Ils remirent Arnoul en possession d’une
partie des terres que le Comte de Ponthieu lui avoit
enlevées. Arnoul, pour reconnoître ce service, donna
la terre de Guines à Sifrid, et lui Ht épouser Elstrude ,
sa sœur, dont il eut Adolphe, qui suit. Ce mariage
étoit nécessaire, parce qu’ii avoit été précédé, suivant
Lambert d’Ardres et Ipérius, d’un commerce de Sifrid
avec Elstrude. Ces deux Ecrivains disent qu’il Hnit par
se pendre pour se soustraire au ressentiment d’Arnoul,
qui n’apprit qu’après coup le déshonneur de sa soeur.
Duchêne met sa mort en 965.
A D O L P H E.
Adolphe , ou Ardolphe , fds de Sifrid, né vers l’àn
966, après la mort de son pere, fut pourvu du Comté
de Guines , presque au moment de sa naissance , par
ArnoulII, Comte de Flandre, son oncle maternel, qui
le fit élever à sa Cour. A ce Comté Arnoul ajouta la
terre de Brédenarde , et fit épouser depuis à son neveu
Mahaut , fille , suivant Lambert d’Ardres , d’Erni-
cule , Comte de Boulogne. Adolphe, selon le même
Ecrivain, fit entourer d’un double fossé le château de
Guines, nommé la Cuve à cause de sa figure , que son
pere avoit commencé. II vivoit encore en 996. En
mourant, il laissa un Hls, qui suit.
N. B. On s’est trompé ci-dessus , pag. 761, col. 2, à l’article
d’ERNicuLE, en disant qu’Ardolphe étoit Seigneur d’Ardres.
R A O U L.
Raoul, Hls d’Adolphe et son successeur, épousa,
l’an 1000 au plutôt, Rosslla, fille d’un Comte de
S. Paul, suivant la Chronique de S. Bertin. Mauvais
économe, il devint un tyran par une suite de ses pro-
digalités. Entre les impositions dont il chargea ses su-
jets, on remarque une capitation d’un denier annuel
sans distinction d’âge , de sexe, ni de condition, de
quatre deniers pour les noces, et de pareille somme pour
la sépulture. La crainte des révoltes lui fit introcîuire
une autre servitude qu’on nomma Colvékerlie , ou
Massuerie , par laquelle il étoit délendu aux paysans
de porter d’autres arrnes que des massues ; ce qui les
fit nommer Colvèkerliens, ou Massuiers. Raoul satis-
Ht la haine de ses sujets par une Hn tragique sans qu’ils
y eussent participé. Etant allé à un tournoi qui se cé-
lébroit à Paris, il y reçut deux blessures dont il mou-
rut avantl’an io36. Ipérius dit qu’ayant été renversé
de son cheval, les chiens le mirent en pieces, et que
le cadavre fut ensuite jetté dans la Seine, où jarnais 011
ne put le retrouver. De son mariage Raoul laissa plu-
sieurs enfans.
EUSTACHE.
Eustache , fils aîné de Raoul, luisuccédaau Comté
de Guines, dont il fit hommage à Baudouin le Barbu,
Comte de Flandre. Lambert d’Ardres fait l’éloge de
sa valeur, de sa bonté envers ses sujets, et de son zele
pour la justice. II épousa Susanne, fille de Siger de
Gramines , dont il eut trois fils et deux filles. Les fils
sont, Baudouin , Guillaume et Ramelin ; les filles ,
Adele et Béatrix. Eustache vivoit encore en io52. On
ignore l’année de samort. (Duchêne, Hist. de la M.
de Guines, p. 10 et pr. p. 10.)
BAUDOUIN I.
BauDouin I, Comte d’Ardres, fils aîné d’Eustache,
lui succéda au Cointé de Guines l’an 1060 au plus
tard; car 011 voit son nom et sa qualité de Comte de
Guines parmi les témoins d’une Charte donnée à Corbie
cette année par le Roi Philippe 1 en faveur de l’Ab-
baye d’Hasnon. (Bouquet, T. XI, p. 114.) L’histoire
donne une idée avantageuse de sa valeur, de son sa-
voir et de la régularité de ses mœurs. II embrassa, l’an
1070, le parti de Piobert le Frison contre liichilde et
son fils dans la guerre qu’ils se faisoient au sujet de la
Flandre. II combattit pour le premier, l’année sui-
vante, aux journées de Montcassel et de Broqueroies.
L’an 1084, il fit le pélerinage de S. Jacques en Ga-
lice avec Enguerand , Seigneur de Lillers. Baudouin
étant tombé malade à l’Abbaye de Charroux en reve-
nant, le bon traitement qu’on lui fit dans cette mai-
N 9
Tome II.
CHRONOLOGIE HISTORIQUE
D E S
COMTES D E GUINES.
Guines, ou Ghisnes (en latin Ghisnœ), ville de Picardie située à deux lieues de la mer et environ autant de
Calais au Nord-Est, a donné son nom à un Comté qui comprenoit autrefois les villes d’Ardres , d’Hardewic,
de Brédenarde, et de Tornehen avec le port de Witsan, et dont relevoient douze Baronies avec autant de
Pairies. Les sentimens des anciens et cles modernes sont partagés sur l’origine des Comtes de Guines. Voici
ce qui nous a paru de plus probable après un sérieux examen.
S I F R I D.
965. Sisrid, ou Sisroid, Prince danois, suivant la
Chronique de S. Bertin , et non François d’extrac-
tion , comme le prétend Lambert d’Ardres , doit
passer pour le premier Comte propriétaire de Guines.
Cette terre appartenoit originairement à l’Abbaye de
Sithiu ou S. Bertin. Nous en avons la preuve dans
la Charte ou Pancarte donnée, l’an 877, par Charles
leChauve pour confirmer toutes les possessions de cette
Abbaye. L’FIistorien moderne de Calais forme con-
tre l’authenticité de cette piece des objections qu’on
peut résoudre avec les premieres notions de la science
diplomatique. La terre de Guines tornba depuis (on
ne sait comment ) dans le Domaine des Comtes de
Flandre. Guillaume I, Comte de Ponthieu, dans la
guerre qu’il eut , en 96b , avec Arnoul II, dit le
Jeune, Comte de Flandre, lui ayant enlevé les pays
du Boulonois, de Guines et de S. Paul, ce dernier ap-
pella à son secours les Danois, qui vinrent en troupes
sous laconduite de Canut,frere du Roi de DanemarcK,
et de Sifrid, son cousin. Leur expédition fut assez
heureuse. Ils remirent Arnoul en possession d’une
partie des terres que le Comte de Ponthieu lui avoit
enlevées. Arnoul, pour reconnoître ce service, donna
la terre de Guines à Sifrid, et lui Ht épouser Elstrude ,
sa sœur, dont il eut Adolphe, qui suit. Ce mariage
étoit nécessaire, parce qu’ii avoit été précédé, suivant
Lambert d’Ardres et Ipérius, d’un commerce de Sifrid
avec Elstrude. Ces deux Ecrivains disent qu’il Hnit par
se pendre pour se soustraire au ressentiment d’Arnoul,
qui n’apprit qu’après coup le déshonneur de sa soeur.
Duchêne met sa mort en 965.
A D O L P H E.
Adolphe , ou Ardolphe , fds de Sifrid, né vers l’àn
966, après la mort de son pere, fut pourvu du Comté
de Guines , presque au moment de sa naissance , par
ArnoulII, Comte de Flandre, son oncle maternel, qui
le fit élever à sa Cour. A ce Comté Arnoul ajouta la
terre de Brédenarde , et fit épouser depuis à son neveu
Mahaut , fille , suivant Lambert d’Ardres , d’Erni-
cule , Comte de Boulogne. Adolphe, selon le même
Ecrivain, fit entourer d’un double fossé le château de
Guines, nommé la Cuve à cause de sa figure , que son
pere avoit commencé. II vivoit encore en 996. En
mourant, il laissa un Hls, qui suit.
N. B. On s’est trompé ci-dessus , pag. 761, col. 2, à l’article
d’ERNicuLE, en disant qu’Ardolphe étoit Seigneur d’Ardres.
R A O U L.
Raoul, Hls d’Adolphe et son successeur, épousa,
l’an 1000 au plutôt, Rosslla, fille d’un Comte de
S. Paul, suivant la Chronique de S. Bertin. Mauvais
économe, il devint un tyran par une suite de ses pro-
digalités. Entre les impositions dont il chargea ses su-
jets, on remarque une capitation d’un denier annuel
sans distinction d’âge , de sexe, ni de condition, de
quatre deniers pour les noces, et de pareille somme pour
la sépulture. La crainte des révoltes lui fit introcîuire
une autre servitude qu’on nomma Colvékerlie , ou
Massuerie , par laquelle il étoit délendu aux paysans
de porter d’autres arrnes que des massues ; ce qui les
fit nommer Colvèkerliens, ou Massuiers. Raoul satis-
Ht la haine de ses sujets par une Hn tragique sans qu’ils
y eussent participé. Etant allé à un tournoi qui se cé-
lébroit à Paris, il y reçut deux blessures dont il mou-
rut avantl’an io36. Ipérius dit qu’ayant été renversé
de son cheval, les chiens le mirent en pieces, et que
le cadavre fut ensuite jetté dans la Seine, où jarnais 011
ne put le retrouver. De son mariage Raoul laissa plu-
sieurs enfans.
EUSTACHE.
Eustache , fils aîné de Raoul, luisuccédaau Comté
de Guines, dont il fit hommage à Baudouin le Barbu,
Comte de Flandre. Lambert d’Ardres fait l’éloge de
sa valeur, de sa bonté envers ses sujets, et de son zele
pour la justice. II épousa Susanne, fille de Siger de
Gramines , dont il eut trois fils et deux filles. Les fils
sont, Baudouin , Guillaume et Ramelin ; les filles ,
Adele et Béatrix. Eustache vivoit encore en io52. On
ignore l’année de samort. (Duchêne, Hist. de la M.
de Guines, p. 10 et pr. p. 10.)
BAUDOUIN I.
BauDouin I, Comte d’Ardres, fils aîné d’Eustache,
lui succéda au Cointé de Guines l’an 1060 au plus
tard; car 011 voit son nom et sa qualité de Comte de
Guines parmi les témoins d’une Charte donnée à Corbie
cette année par le Roi Philippe 1 en faveur de l’Ab-
baye d’Hasnon. (Bouquet, T. XI, p. 114.) L’histoire
donne une idée avantageuse de sa valeur, de son sa-
voir et de la régularité de ses mœurs. II embrassa, l’an
1070, le parti de Piobert le Frison contre liichilde et
son fils dans la guerre qu’ils se faisoient au sujet de la
Flandre. II combattit pour le premier, l’année sui-
vante, aux journées de Montcassel et de Broqueroies.
L’an 1084, il fit le pélerinage de S. Jacques en Ga-
lice avec Enguerand , Seigneur de Lillers. Baudouin
étant tombé malade à l’Abbaye de Charroux en reve-
nant, le bon traitement qu’on lui fit dans cette mai-
N 9
Tome II.