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CHRONOLOGIE HISTORIQUE
CHRONOLOGIE HISTORIQUE
D E S
COMTES ET DAUPHINS DE VIENNOÏS.
La province qu’on norame aujourd’hui Dauphiné étoit anciennement habitée par les Allobroges, les
Segalauni, les Tricastini, les Vocondi, les Caturiges, les Tricorii, les Brigantii, &c. La conquête
de ce pays , commencée par Q. Fabius Maximus , fut achevée par Jules-César. Dans la division qui
se fit des Gaules sous Honorius , le Dauphiné fut attribué à la province viennoise dont il porta le nom.
De la domination des Romains il passa sous celle des Bourguignons j et, à l’extinction du Royaume
de ces derniers , il fut réuni à la Monarchie françoise. L’an 879 , il se trouva compris dans le nou-
veau Royaume de Provence , érigé par Boson. Rodolfe II, Roi de la Bourgogne Transjurane , ayant
réuni la Provence à ses Etats , le Dauphiné suivit le sort de cette province ; et, après la mort de
Rodolfe III, il fut assujetti aux loix des Rois de Germànie. Ce 11e fut pas néanmoins sans de grandes
oppositions de la part cles Seigneurs du pays. Jaloux de Pindépendance , ils ne se soumirent qu’à des
conditions avantageuses pour eux , et très préjudiciables au systême monarchique. On vit alors Ies villes
les plus considérables se donner , avec leurs territoires , aux Evêques ; telles que celles de Grenoble ,
de Valence , &c. De là vient le titre de Princes , que ces Prélats conservent encore de nos jours. Les
Seigneurs laïques, de leur côté , se formerent des Principautés dans les possessions qu’ils surent se pro-
curer ; et, d’abord vassaux de l’Empire germanique , ils parvinrent insensiblement à la Souveraineté.
Entre ces Seigneurs , ceux d’Albon, au diocèse de Vienne, furent les plus remarquables , et ceux
dont la fortune rnonta au plus haut degré.
Les monumens nous manquent pour découvrir leur origine ; cette recherche est d’ailleurs indifférente
à notre objet. II nous suffit de connoître ceux qui, ayant commencé à dominer dans le Graisivaudan,
dont Grenoble est le chef-lieu , fonderent cette Principauté, qui a pris depuis le nom de Dauphiné.
GÜIGUES I, dit LE VIEUX, Comte d’Albon.
1044 > ou environ. Guigues , surnommé le Vieux ,
fut le premier Comte d’Albon qui posséda quelques
terres dans le Graisivaudan ; ce qui arriva vers l’an
1044* Jusques - là l’Evéque de Grenoble jouissoit
paisiblement en sranc-cileu de tout le territoire de
son Evéchè, dit S. Hugues , Evêque lui-même de
Grenoble ( 1 ). Guigues , après avoir fondé le Prieuré
de S. B.obert dans son château de Cornillon , près de
Grenoble , embrassa lui - même la vie religieuse à
Cluni ; ce qui arriva l’an io63 , au plutôt. En effet
on a de lui un acte de cette année , par lequel il
fait , en qualité de Comte d’Albon , certaines do-
nations à i’Eglise d’Oux. Flildebert , dans la vie de
S. Hugues , Abbé de Cluni, et la Chronique de cette
Abbaye , parlent ainsi de la conversion de Guigues.
3) II étoit si dëlicat, qu’il ne pouvoit souffrir sur sa
y> chair que des étosfes de soie ou des peaux de mar-
3) tre , ensorte qu’en consentant à se faire Moine sous
3) S. Hugues , il mit pour condition qu’il conserve-
3) roit toujours ces mêmes vêtemens. Le saint Abbé ,
3) pour le gagner à Dieu , condescendit à cette dé-
3) licatesse , et lui permit de porter à nu , sous l’ha-
3) bit de la religion, les mêmes tuniques précieuses
» dont il usoit dans Ie monde. Mais Guigues, ajou-
3) tent ces Auteurs , voyant l’austérité de ses freres,
31 rougit bientôt de sa mollesse , et se dépouilla de
3) ces restes de mondanité , qui le distinguoient si
33 honteusement de la Communauté. 33 Ce trait est un
de ceux qui montrent que les chemises de toile n’é-
toient point encore alors en usage , même parmi la
haute Noblesse ( 2 ). Guigues ne vécut dans sa retraite
qu’environ vingt jours , au bout desquels il mourut.
( Chron. Cluniac. ibid. ) Ceux là donc qui mettent
sa mort vers ioy5 se trompent.
GUIGUES II, dit L E GR AS.
io63 au plutôt. Guigues II, fds et successeur de
Guigues I, prit le titre de Comte de Grenoble, et
mourut l’an 1080, laissant deux fils, Guigues , qui
suit, et Raymond , qui devint Comte de Lyon et de
Forès par son mariage avec Ide-Raymonde , héritiere
de ce Comté.
G U I G U E S III.
1080 ou environ. Guigues III, fds de Guigues le
Gras , est confondu , mal - à - propos , par Chorier ,
( 1 ) II pouvoit ajouter que , près d’un siécle auparavant, Isarn ,
l’un de ses prédécesseurs , se comportoit en Souverain dans i’éten-
due de son diocèse. Nous voyons en effet que ce Prélat, en ç65 ,
ayant entrepris d’en chasser les Sarasins , qui s’y étoient établis ,
rassembla de divers pays des Nobles et autres personnes capables
de porter les armes, à l’aide desquels il délogea ces Infideles des
lieux dont ils s’étoient emparés , et que ces mêmes lieux furent ia
récomjJense dont il gratifia les compagnons de sa victoire. Collegit
nobïles, mediocres ac pauperes ex longinejuis terris... deditque illis
hominibus castra ad habitandum. ( Salvaing ) Usage des Fiess,
p. 485. )
(2) Elles étoient même à peine connues au xv esiécle, puisqu’on
remarque comme une singularité dans la Reine, femme du Roi
Charles VII , qu’elle avoit deux chemises de toile.
CHRONOLOGIE HISTORIQUE
CHRONOLOGIE HISTORIQUE
D E S
COMTES ET DAUPHINS DE VIENNOÏS.
La province qu’on norame aujourd’hui Dauphiné étoit anciennement habitée par les Allobroges, les
Segalauni, les Tricastini, les Vocondi, les Caturiges, les Tricorii, les Brigantii, &c. La conquête
de ce pays , commencée par Q. Fabius Maximus , fut achevée par Jules-César. Dans la division qui
se fit des Gaules sous Honorius , le Dauphiné fut attribué à la province viennoise dont il porta le nom.
De la domination des Romains il passa sous celle des Bourguignons j et, à l’extinction du Royaume
de ces derniers , il fut réuni à la Monarchie françoise. L’an 879 , il se trouva compris dans le nou-
veau Royaume de Provence , érigé par Boson. Rodolfe II, Roi de la Bourgogne Transjurane , ayant
réuni la Provence à ses Etats , le Dauphiné suivit le sort de cette province ; et, après la mort de
Rodolfe III, il fut assujetti aux loix des Rois de Germànie. Ce 11e fut pas néanmoins sans de grandes
oppositions de la part cles Seigneurs du pays. Jaloux de Pindépendance , ils ne se soumirent qu’à des
conditions avantageuses pour eux , et très préjudiciables au systême monarchique. On vit alors Ies villes
les plus considérables se donner , avec leurs territoires , aux Evêques ; telles que celles de Grenoble ,
de Valence , &c. De là vient le titre de Princes , que ces Prélats conservent encore de nos jours. Les
Seigneurs laïques, de leur côté , se formerent des Principautés dans les possessions qu’ils surent se pro-
curer ; et, d’abord vassaux de l’Empire germanique , ils parvinrent insensiblement à la Souveraineté.
Entre ces Seigneurs , ceux d’Albon, au diocèse de Vienne, furent les plus remarquables , et ceux
dont la fortune rnonta au plus haut degré.
Les monumens nous manquent pour découvrir leur origine ; cette recherche est d’ailleurs indifférente
à notre objet. II nous suffit de connoître ceux qui, ayant commencé à dominer dans le Graisivaudan,
dont Grenoble est le chef-lieu , fonderent cette Principauté, qui a pris depuis le nom de Dauphiné.
GÜIGUES I, dit LE VIEUX, Comte d’Albon.
1044 > ou environ. Guigues , surnommé le Vieux ,
fut le premier Comte d’Albon qui posséda quelques
terres dans le Graisivaudan ; ce qui arriva vers l’an
1044* Jusques - là l’Evéque de Grenoble jouissoit
paisiblement en sranc-cileu de tout le territoire de
son Evéchè, dit S. Hugues , Evêque lui-même de
Grenoble ( 1 ). Guigues , après avoir fondé le Prieuré
de S. B.obert dans son château de Cornillon , près de
Grenoble , embrassa lui - même la vie religieuse à
Cluni ; ce qui arriva l’an io63 , au plutôt. En effet
on a de lui un acte de cette année , par lequel il
fait , en qualité de Comte d’Albon , certaines do-
nations à i’Eglise d’Oux. Flildebert , dans la vie de
S. Hugues , Abbé de Cluni, et la Chronique de cette
Abbaye , parlent ainsi de la conversion de Guigues.
3) II étoit si dëlicat, qu’il ne pouvoit souffrir sur sa
y> chair que des étosfes de soie ou des peaux de mar-
3) tre , ensorte qu’en consentant à se faire Moine sous
3) S. Hugues , il mit pour condition qu’il conserve-
3) roit toujours ces mêmes vêtemens. Le saint Abbé ,
3) pour le gagner à Dieu , condescendit à cette dé-
3) licatesse , et lui permit de porter à nu , sous l’ha-
3) bit de la religion, les mêmes tuniques précieuses
» dont il usoit dans Ie monde. Mais Guigues, ajou-
3) tent ces Auteurs , voyant l’austérité de ses freres,
31 rougit bientôt de sa mollesse , et se dépouilla de
3) ces restes de mondanité , qui le distinguoient si
33 honteusement de la Communauté. 33 Ce trait est un
de ceux qui montrent que les chemises de toile n’é-
toient point encore alors en usage , même parmi la
haute Noblesse ( 2 ). Guigues ne vécut dans sa retraite
qu’environ vingt jours , au bout desquels il mourut.
( Chron. Cluniac. ibid. ) Ceux là donc qui mettent
sa mort vers ioy5 se trompent.
GUIGUES II, dit L E GR AS.
io63 au plutôt. Guigues II, fds et successeur de
Guigues I, prit le titre de Comte de Grenoble, et
mourut l’an 1080, laissant deux fils, Guigues , qui
suit, et Raymond , qui devint Comte de Lyon et de
Forès par son mariage avec Ide-Raymonde , héritiere
de ce Comté.
G U I G U E S III.
1080 ou environ. Guigues III, fds de Guigues le
Gras , est confondu , mal - à - propos , par Chorier ,
( 1 ) II pouvoit ajouter que , près d’un siécle auparavant, Isarn ,
l’un de ses prédécesseurs , se comportoit en Souverain dans i’éten-
due de son diocèse. Nous voyons en effet que ce Prélat, en ç65 ,
ayant entrepris d’en chasser les Sarasins , qui s’y étoient établis ,
rassembla de divers pays des Nobles et autres personnes capables
de porter les armes, à l’aide desquels il délogea ces Infideles des
lieux dont ils s’étoient emparés , et que ces mêmes lieux furent ia
récomjJense dont il gratifia les compagnons de sa victoire. Collegit
nobïles, mediocres ac pauperes ex longinejuis terris... deditque illis
hominibus castra ad habitandum. ( Salvaing ) Usage des Fiess,
p. 485. )
(2) Elles étoient même à peine connues au xv esiécle, puisqu’on
remarque comme une singularité dans la Reine, femme du Roi
Charles VII , qu’elle avoit deux chemises de toile.