DES BARONS ET DUCS DE MONTMORENCI. 657
pour épouse au jeune Duc Marie Félice des Ursins ,
sa niece à la mode de Bretagne. Cette alliance , jointe
à ses grandes qualités , lui valut, en 1612 , à Fâge de
17 ans , la charge de Grand-Amiral de France , va-
cante par la mort de Charles de Montmorenci, son
oncle , et non sur sa démission. Non moins estimé
du Roi Louis XIII que de la Reine-Mere , il fut re-
vêtu par ce Prince , l’an 1620 , du collier de ses Or-
dres à l’âge de 2.5 ans. Les tronbles que les Religion-
naires exciterent dans son Gouvernement exigeant sa
présence , il s’y rendit en 1619 , et , ne recevant de
la Cour ni argent ni troupes , il engagea les diamans
de sa femme pour deux cens mille écus ( i). Avec
cette somme il leva quelques régiinens à la tête des-
quels il arrêta les Protestans. Son premier exploit fut
la prise de Villeneuve de Berg en Vivarais. Après quel-
ques autres avantages , remportés sur ces rebelles , il
se rend , l’an 1621 , à la tête de cinq régimens , au
siége de Montauban , que le Roi faisoit en personne.
Mais une maladie 11e lui permit pas de prendre part
à cette expédition, qui finit le 2 Novembre, par la levée
du siége : il étôit commencé dès le 7 Août précédent.
A celui de Montpellier , qui fut entrepris l’année sui-
vante , il reçut, le 3 Septembre , en combattant, une
blessure dangereuse qui ne l’empêclia pas d’aller ren-
dre compte de l’action au Roi.
La révolte des Rochellois donna occasion en 162b
au Duc de Montmorenci de faire avec gloire l’exercice
de sa charge d’Amiral de France. Au mois de Septem-
bre il attaqua la flotle de M. cleSoubise dans la fosse
de l’Oye, qui est une rade joignant le bourg de Saint
Martin de llé, et obligea les plus grands vaisseaux
à s’échouer. Le fort de S. Martin capitula le 18 du
même nrois , et celui de Flsle d’Oléron le 20. Cette
victoire , la premiere qu’on eut encore remportée sur
les Rocheliois , mérita au Duc un Bref très obligeant
du Pape Urbain VIII ; niais elle donna de l’ombrage
au Cardinal de Richelieu. Ce Ministre, jaloux de toute
sorte de pouvoir et de toute sorte de gloire , vint à
bout d’obliger le Duc à se démettre de la charge
d’Amiral moyennant un million de livres ( 2 ) que le
Roi lui donna en dédommagement. Elle fut suppri-
mée par Edit du mois d’Octobre i625 , et rétablie
aussitôt sous le titre de Surintendance de la Marine en
faveur du Cardinal.
L’exécution de Francois cle Montmorenci, Comte
de Bouteville, décapité le 21 Juin 1627, fut un nou-
veau sujet de mécontentement pour le Duc, son pa-
rent, qui sollicita vainement auprès du Cardinal la
grace du coupable. Le crime de celui-ci étoit la fu-
reur des duels, qui ne pouvoit être réprimée en lui
nipar la crainte ni par aucune considération. LeDuc,
renfermant son ressentiment au dedans de lui-même ,
continua de servir l’Etat avec le même zele. L’an
1628, il enleva, le 3 Juin, au Duc de Rohan le Pou-
zin en Vivarais , place importante sur le Rhône; et, le
11 Septembre suivant, il obligea ce Duc à lever le
siége de Cressels, à une lieue de Millaud. Les nou-
veaux avantages qu’il remporta sur lui en 1629, le dé-
terminerent a sortir duRoyaume. En ayant obtenudu
Roi la permission, il passa à Venise, qu’il avoit choisie
pour sa retraite.
Envoyé , l’an i63o, en Piémont avec un corps de
troupes, le Düc de Montmorenci fut attaqué, le 10 de
Juillet, près de Veilkne, au Marquisat de Suze, par le
Prince Doria, qu’il ht prisonnier après l’avoir blessé
de deux coups d’épée. Ayant jointensuite le Maréchal
de la Force , il prit avec lui la ville de Saluces le 20 du
même mois , et le lendemain ils se rendirent maîtres
du château dont ils emmenerent la garnison prison-
niere.
De retourenFrance, le Duc de Montmorenci reçut
Ie bâton de Maréchal, qui lui fut donné le 11 Décem-
bre .de la même année. On assure qu’en le lui présen-
tant, le Roi lui dit : Acceptez-le, mon cousin ; 'vous
l honorerez plus que 'vous nen serez iliustré. ( Vassor,
Thst. de Louis XIII, T. VI, p. 586.) Cette faveur
ne satisfit pas son ambition : il visoit à la charge de
Maréchal Général. Ne pouvant faire entrer le Cardi-
nal dans ses vues, il eut peine à digérer ce refus. Les
deux personnes les plus importantes de l’Etat , la
Reine-Mere et le Duc d’Orléans, contraintes l’une et
Fautre par le Cardinal à sortir du Royaume, formoient
alors des desseins de vengeance contre lui. Le second 1
ayant fait sa partie avec ies Espagnols , les avoit en- |
gagés à tenter une irruption dans le Languedoc parle
Roussillon. Montmorenci, dès qu’il eut appris leur
rnarche, loin d’écouter son ressentiment, se transporte
sur la frontiere de son Gouvernement pour mettre en
sûreté les places qu’ils pouvoient attaquer : tant il étoit
alors peu disposé à seconder les troupes que le Duc
d’Orléans rassembloit en Lorraine pour aller se joindre
a ses alliés. Mais les ennemis du Cardinal réussirent
bientôt à séduire le Maréchal , en faisant revivre dans
son esprit tous les griefs qu’il avoit contre lui, et le
menaçant de nouveaux outrages de sa part. L’illusion
fut si forte , qu’il consentit à recevoir le Prince dans
son Gonvernement, avec promesse de faire cause com-
mune avec lui. Le Prince arrive , mais plutôt qu’il
n’étoit attendu et avec beaucoup moins de troupes
qu’il n’avoit fait espérer. L’armée du lioi, conrnran-
dée par le Maréchal de Sclromberg , survient dans le
même tenrs. Rencontre des deux armées le i Sept.
i632. Le Duc s’étant porté dans l’action avec son im-
pétuosité ordinaire, tombe sous son cheval abattu, et,
fait prisonnier, il est conduit à Lectoure. De là il est
transporté à Toulouse par ordre du Roi, qui charge
le Parlement de la province d’instruire son procès. 11
est condamné à perdre la tête, et exécuté dans FHôtel-
de-Ville de Toulouse le 3o Octobre i632. 11 reçut la
mort en Héros chrétien ; ce qui fit dire au P. Arrioux,
Jésuite , son confesseur , en rendant compte au Roi de
ses dernieres dispositions : Sire , Xotre Majestè a
fait un grand exemple sur la terre par la mort de
M. de Montmorenci; mais Dieu par sa miséricorde
en a fait un grand Saint dans le ciêl. Sa veuve , qui
par ses exhortations avoit déterminé sa révolte , fit
transporter son corps de l’Eglise de S. Sernin , où il
avoit d’abord été déposé , dans celle de la Visitation
de Moulins, où elle lui fit dresser un magnifique mau-
solée de marbre. Cette Dame, non contente de pleu-
rer dans cette maison la perte de son époux et son pro-
pre malheur, s’y consacra, l’an , à la vie reli-
gieuse , et y mourut, après l’avoir gouvernëe très sage-
inent, le 5 Juin 1666. Le Duc Henri II n’ayant point
laissé de postérité légitime , Cliarlotte, sa soeur aînée ,
feinme de Henri II de Bourbon , Prince de Condé, tut
reconnue, avec l’agrément du R.oi , pour héritiere,
avec son éjroux , du Duclié de Montmorenci et des
autres Domaines de sa branche. La terre de Mont-
morenci fut érigée de nouveau en Duehé-Pairie , l’an
1633 , à la réserve de Chantilli, en faveur des Princes
et Princesses de Condé et de leurs hoirs mâles.
( 1 ) C’étoient des écus au soleil dont le titre étoit à 23 carats, et
leur taille de 72 t au marc : ainsi le poids de 200,000 devant être de
2,768 marcs 4 onces 7 gros 2 den. 4 grains, à raison de 794 liv. 1 s.
6 d. le marc, produiroient de notre monnoie actuelle 2,190,5^1 1.
i3 s. 11 d.
(2) Cettesomme reviendroitaujourd’huiàenviron2,482,625liv.
Toms II.
D 8
pour épouse au jeune Duc Marie Félice des Ursins ,
sa niece à la mode de Bretagne. Cette alliance , jointe
à ses grandes qualités , lui valut, en 1612 , à Fâge de
17 ans , la charge de Grand-Amiral de France , va-
cante par la mort de Charles de Montmorenci, son
oncle , et non sur sa démission. Non moins estimé
du Roi Louis XIII que de la Reine-Mere , il fut re-
vêtu par ce Prince , l’an 1620 , du collier de ses Or-
dres à l’âge de 2.5 ans. Les tronbles que les Religion-
naires exciterent dans son Gouvernement exigeant sa
présence , il s’y rendit en 1619 , et , ne recevant de
la Cour ni argent ni troupes , il engagea les diamans
de sa femme pour deux cens mille écus ( i). Avec
cette somme il leva quelques régiinens à la tête des-
quels il arrêta les Protestans. Son premier exploit fut
la prise de Villeneuve de Berg en Vivarais. Après quel-
ques autres avantages , remportés sur ces rebelles , il
se rend , l’an 1621 , à la tête de cinq régimens , au
siége de Montauban , que le Roi faisoit en personne.
Mais une maladie 11e lui permit pas de prendre part
à cette expédition, qui finit le 2 Novembre, par la levée
du siége : il étôit commencé dès le 7 Août précédent.
A celui de Montpellier , qui fut entrepris l’année sui-
vante , il reçut, le 3 Septembre , en combattant, une
blessure dangereuse qui ne l’empêclia pas d’aller ren-
dre compte de l’action au Roi.
La révolte des Rochellois donna occasion en 162b
au Duc de Montmorenci de faire avec gloire l’exercice
de sa charge d’Amiral de France. Au mois de Septem-
bre il attaqua la flotle de M. cleSoubise dans la fosse
de l’Oye, qui est une rade joignant le bourg de Saint
Martin de llé, et obligea les plus grands vaisseaux
à s’échouer. Le fort de S. Martin capitula le 18 du
même nrois , et celui de Flsle d’Oléron le 20. Cette
victoire , la premiere qu’on eut encore remportée sur
les Rocheliois , mérita au Duc un Bref très obligeant
du Pape Urbain VIII ; niais elle donna de l’ombrage
au Cardinal de Richelieu. Ce Ministre, jaloux de toute
sorte de pouvoir et de toute sorte de gloire , vint à
bout d’obliger le Duc à se démettre de la charge
d’Amiral moyennant un million de livres ( 2 ) que le
Roi lui donna en dédommagement. Elle fut suppri-
mée par Edit du mois d’Octobre i625 , et rétablie
aussitôt sous le titre de Surintendance de la Marine en
faveur du Cardinal.
L’exécution de Francois cle Montmorenci, Comte
de Bouteville, décapité le 21 Juin 1627, fut un nou-
veau sujet de mécontentement pour le Duc, son pa-
rent, qui sollicita vainement auprès du Cardinal la
grace du coupable. Le crime de celui-ci étoit la fu-
reur des duels, qui ne pouvoit être réprimée en lui
nipar la crainte ni par aucune considération. LeDuc,
renfermant son ressentiment au dedans de lui-même ,
continua de servir l’Etat avec le même zele. L’an
1628, il enleva, le 3 Juin, au Duc de Rohan le Pou-
zin en Vivarais , place importante sur le Rhône; et, le
11 Septembre suivant, il obligea ce Duc à lever le
siége de Cressels, à une lieue de Millaud. Les nou-
veaux avantages qu’il remporta sur lui en 1629, le dé-
terminerent a sortir duRoyaume. En ayant obtenudu
Roi la permission, il passa à Venise, qu’il avoit choisie
pour sa retraite.
Envoyé , l’an i63o, en Piémont avec un corps de
troupes, le Düc de Montmorenci fut attaqué, le 10 de
Juillet, près de Veilkne, au Marquisat de Suze, par le
Prince Doria, qu’il ht prisonnier après l’avoir blessé
de deux coups d’épée. Ayant jointensuite le Maréchal
de la Force , il prit avec lui la ville de Saluces le 20 du
même mois , et le lendemain ils se rendirent maîtres
du château dont ils emmenerent la garnison prison-
niere.
De retourenFrance, le Duc de Montmorenci reçut
Ie bâton de Maréchal, qui lui fut donné le 11 Décem-
bre .de la même année. On assure qu’en le lui présen-
tant, le Roi lui dit : Acceptez-le, mon cousin ; 'vous
l honorerez plus que 'vous nen serez iliustré. ( Vassor,
Thst. de Louis XIII, T. VI, p. 586.) Cette faveur
ne satisfit pas son ambition : il visoit à la charge de
Maréchal Général. Ne pouvant faire entrer le Cardi-
nal dans ses vues, il eut peine à digérer ce refus. Les
deux personnes les plus importantes de l’Etat , la
Reine-Mere et le Duc d’Orléans, contraintes l’une et
Fautre par le Cardinal à sortir du Royaume, formoient
alors des desseins de vengeance contre lui. Le second 1
ayant fait sa partie avec ies Espagnols , les avoit en- |
gagés à tenter une irruption dans le Languedoc parle
Roussillon. Montmorenci, dès qu’il eut appris leur
rnarche, loin d’écouter son ressentiment, se transporte
sur la frontiere de son Gouvernement pour mettre en
sûreté les places qu’ils pouvoient attaquer : tant il étoit
alors peu disposé à seconder les troupes que le Duc
d’Orléans rassembloit en Lorraine pour aller se joindre
a ses alliés. Mais les ennemis du Cardinal réussirent
bientôt à séduire le Maréchal , en faisant revivre dans
son esprit tous les griefs qu’il avoit contre lui, et le
menaçant de nouveaux outrages de sa part. L’illusion
fut si forte , qu’il consentit à recevoir le Prince dans
son Gonvernement, avec promesse de faire cause com-
mune avec lui. Le Prince arrive , mais plutôt qu’il
n’étoit attendu et avec beaucoup moins de troupes
qu’il n’avoit fait espérer. L’armée du lioi, conrnran-
dée par le Maréchal de Sclromberg , survient dans le
même tenrs. Rencontre des deux armées le i Sept.
i632. Le Duc s’étant porté dans l’action avec son im-
pétuosité ordinaire, tombe sous son cheval abattu, et,
fait prisonnier, il est conduit à Lectoure. De là il est
transporté à Toulouse par ordre du Roi, qui charge
le Parlement de la province d’instruire son procès. 11
est condamné à perdre la tête, et exécuté dans FHôtel-
de-Ville de Toulouse le 3o Octobre i632. 11 reçut la
mort en Héros chrétien ; ce qui fit dire au P. Arrioux,
Jésuite , son confesseur , en rendant compte au Roi de
ses dernieres dispositions : Sire , Xotre Majestè a
fait un grand exemple sur la terre par la mort de
M. de Montmorenci; mais Dieu par sa miséricorde
en a fait un grand Saint dans le ciêl. Sa veuve , qui
par ses exhortations avoit déterminé sa révolte , fit
transporter son corps de l’Eglise de S. Sernin , où il
avoit d’abord été déposé , dans celle de la Visitation
de Moulins, où elle lui fit dresser un magnifique mau-
solée de marbre. Cette Dame, non contente de pleu-
rer dans cette maison la perte de son époux et son pro-
pre malheur, s’y consacra, l’an , à la vie reli-
gieuse , et y mourut, après l’avoir gouvernëe très sage-
inent, le 5 Juin 1666. Le Duc Henri II n’ayant point
laissé de postérité légitime , Cliarlotte, sa soeur aînée ,
feinme de Henri II de Bourbon , Prince de Condé, tut
reconnue, avec l’agrément du R.oi , pour héritiere,
avec son éjroux , du Duclié de Montmorenci et des
autres Domaines de sa branche. La terre de Mont-
morenci fut érigée de nouveau en Duehé-Pairie , l’an
1633 , à la réserve de Chantilli, en faveur des Princes
et Princesses de Condé et de leurs hoirs mâles.
( 1 ) C’étoient des écus au soleil dont le titre étoit à 23 carats, et
leur taille de 72 t au marc : ainsi le poids de 200,000 devant être de
2,768 marcs 4 onces 7 gros 2 den. 4 grains, à raison de 794 liv. 1 s.
6 d. le marc, produiroient de notre monnoie actuelle 2,190,5^1 1.
i3 s. 11 d.
(2) Cettesomme reviendroitaujourd’huiàenviron2,482,625liv.
Toms II.
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