DES COMTES DE VERMAND. ET DES COMTES ET DUCS DE VALOIS. 7oi
COMTES DE VERMANDOIS.
que ce fut pour faire valoir ses droits au trône, qui lui
étoit de plein droit dévolu au cas que Charles ne fût
point reconnu descendant légitime de Charlemagne.
Mais nul monument ne nous apprend que ce fut là
son intention. Toute sa conduite montre un homme
qui cherchoit à brouiller dans l’Etat, et ne portoit
pas ses vues plus loin. Rodolfe , ou Raoul, Comte de
Cambrai, frere de Baudouin II, Comte de Flandre,
et attaché au Roi Charles , vint faire le dégât sur les
terres d’Herbert, pour le punir de sa félonie. II se
rendit maître de S. Quentin et de Péronne; mais peu
de tems après Herbert le tua, l’an 896 , dans une
rencontre près de l’Abbaye d’Origni. Le Comte de
Flandre vengea la mort de son frere, en faisant assas-
siner Plerbert l’anpoA. Herbert laissadeN., qu’on fait
sans preuve fille de Robert le Fort, Duc de France, un
fils , qui suit, et deux filles , N., mariée à Otton, Cointe
de Franconie , et cousin de l’Empereur Conrad I, et
Béatrix , laquelle, suivant la Chronique d’Odoran , Ai-
moin et Guillaume de Jumiege, épousa Robert, Duc,
puis Roi de France. Du Bouchet la donne pour fille
de Pepin , et se trompe , puisqu’il a contre lui les trois
Auteurs cités. Herbert joignoit au titre de Comte de
Vermandois celui d’Abbé de S. Quentin dont il faisoit
même les fonctions , en quoi il fut imité par ses suc-
cesseurs. Ce fut lui qui fit rëtablir cette Eglise brûlée
dix ans auparavant par les Normands.
902. FIerbert II, fils et sUccesseur d’Herbert I, ne
îaissa pas la mort de son pere impunie. II ravagea les
terres du Comte de Flandre , avec lequel il fit enfin la
paix l’an 915. II entra dans la conspiration des Grands
du Royauine contre Charles le Simple , et combattit,
en 920, à la bataille de Soissons en faveur du Roi
Robert, dont il étoit beau-frere. Robert ayant été tué
dans cette bataille, Flerbert se joignit à Hugues le
Blanc, ou le Grand, Comte de Paris et Duc de France,
et à d’autres Seigneurs, pour faire élire à saplace Raoul,
Duc de Bourgogne. A la force Herbert joignit la ruse et
lafourberie. Charles ayant passé la Meuse sans savoir
de quel côté tourner , il lui envoya Bernard, Comte de
Senlis, avec d’autres Seigneurs , pour l’assurer qu’il
avoit dessein de rentrer dans son parti, et l’engager à
venir cimenter la paix dans son château de S. Quentin.
Charles se rendit, non sans quelque défiance, à cette
invitation. Mais la réception honorable et asfectueuse
qu’Herbert lui fit, dissipa ses soupçons. Dès qu’il fut
descendu de cheval, le Comte, se jettant à terre, lui
embrassa les genoux suivant l’usage des Grands en
abordant leur Souverain. Voyant ensuite que son fils
recevoit debout le baiser du Monarque, Est-ce ainsi,
lui dit-il en le forçant, la main sur le cou, de s’age-
nouiller, quon reçoit une si grande marque de la
bontè de son Seigneur et de son Roi? Ces apparences
trompeuses furent soutenues par la magnificence du
logement qu’FIerbert avoit préparé au Roi , et la
somptuosité du repas qu’il lui donna le premier jour.
Mais pendant la nuit, Herbert, l’ayant fait enlever, le
fit conduire secrètement à Château-Thierri, et de là,
quelques jours après, àPéronne. Ce service important,
rendu à Raoul, parut au traître mériter le Comté de
Laon, qu’il demanda , lorsqu’il vint à vaquer , pour
Eudes, son fils. Sur le refus que Raoul lui fit de ce
Comté pour le donner à Roger, fils du Comte Roger, il
tira de prison, l’an 927, le Roi Charles, qu’il emmena
d’abord à S. Quentin , puis au château d’Eu, où ils
eurent une conférence avec les Seigneurs normands.
Guillaume , fils du Duc Rollon , y fit hommage à Char-
les, et se lia d’amitié avec Herbert, qui lui donna son
fils Eudes en ôtage. L’année suivante, le Comte , après
avoir promené le Monarque par différentes villes ,1’amene
à Reims , d’où il envoya des députés au Pape Jean X,
COMTES, puis DUCSj DE VALOIS,
Adele apporta à son époux cette terre, l’uiie des pîus
considérablesdupays. Raouleutde cette épouse(morte
avant lui) deux fils , Raoul, quisuit, et Thibaut, avec
deux filles, Constance, qui ne fut point mariée, et Alixj
femme, dit-on, deThibaut III,Comte de Blois. RaoulIIj
à l’exemple de son pere, fit le partage de ses Domaines
entre ses deux fils. II sépara en deux portions le vaste
château de Crépi, donna le corps d’hôtel avec ses dé-»
pendances à l’aîné, et le donjon au cadet, en faveur
duquel il détacha plusieurs terres du Valois, à condi-
tion néanmoins queThibaut les tiendroiten pairage du
Comte de Crépi. Ce Thibaut fut surnommé le Riche,
titre qu’il mérita par son économie et par le bon usage
qu’il fit de ses richesses. ( V. ThibautlII, C. deBlois. )
Raoul III, dit le Grand , fils aîné de Raoul II et
son successeur, réunit dans sa main , l’an io63 , le
Vexin au Valois et au Comté d’Amiens aprèsla mort de
Gauthier III , son cousin germain. II avoit appuyé,
Pan 1040, la révolte du Prince Eudes contre le Roi
Henri I, son frere ; mais il fut pris l’année suivante dans
un combat livré par le Monarque au Comte de Cham-
pagne , partisan d’Eudes. On ignore en quel tems et
comment il recouvra sa liberté ; mais sa captivité ne
paroît pas avoir été longue. II perdit en 1043 Adele,
sa premiere fennne, héritiere du Comte Nocher, son
pere, qui lui apporta en dot Vitri et Bar-sur-Aube,
Raoul épousa la même année ôu la suivante Haque-
nez, dont l’extraction n’est pas connue. Guibert de
Nogent fait ainsi le portrait du Comte Raoul. 53 II y a,
» dit-il, de nos jours plusieurs personnes qui ont vu le
« Comte Raoul; elles peuvent dire à quel degré il avoit
» élevé sa puissance, quelle autorité il s’étoit acquise,
3) et de quel despotisme il usoit. Trouvoit-il un châ-
« teau à sa bienséance ? il l’assiégeoit. Place attaquée,
» place prise : tant étoit grande son habileté dans l’art
» des siéges. De toutes les places qu’ilprenoit, il n’en
3) rendoit aucune. Sa naissance lui donnoit un rang
3> distingué parmi les plus grands Seigneurs du Royau»
33 me 33. ( Guibert. de 'vita sua. ) L’une de ces usur-
pations , et peut-être la plus criante, fut celle qu’il fit
de Montdidier sur Rothaïs, sa cousine, fille et héri-
tiere d’Eudes, dernier Comte de cette ville, et veuve
de Hugues, Seigneur de Bulles. Raoul étoit en pos-
session de ce Comté, l’an 1064, lorsqu’il combattit à
la journée de Mortemer, où le Roi Henri 1 fut défait
par Guillaume le Bâtard, Duc de Normandie. Raoul,
qui étoit dans l’armée du Monarque , fut du nombre
des fuyards et des premiers avec le Prince Eudes : ce
qui causa peut-être la perte de la bataille. ( Ord. V'it.
1. 7 , p. 65y.) Raôul accompagna , l’an io58 , le Roi
Flenriausiégede Château-NeufenThimerais. II souscri-
vit, l’an 1060 , comme témoin,un Diplôme de ce Mo-
narque en faveur du Monastere de Saint Martin-des-
Champs : il est remarquable que sa signature dans cet
acte se trouve immédiatement après celles du Roi, de
la Reine et de leurs fils , et précede celles des Grands
Osficiers de la Couronne. Après la mort de Henri, la
Reine Anne, sa veuve , s’étant retirée à l’Abbaye de
S. Vincent de Senlis, le Comte Raoul, qui la voyoit
souvent, prit la résolution de l’épouser. Poury réussir,
il accusa d’infidélité sa 2 efemme Haquenez, autrement
dite Eleonore, et fit divorce avec elle. Anne écouta les
vœux de Raoul et lui donna publiquement sa main,
l’an 1062, au grand regret du Roi Philippe, son fils,
qui eût empêché cette ailiance si le Comte de Flandre,
son tuteur, l’eût secondé. ( Bouquet, T. XI, p. 499- )
Flaquenez de son côté piquée au vif du double allront
que lui faisoit son époux en l’éloignant de lui et en la
calomniant, alla trouver à Rome le Pape Alexandre II
pour lui demander justice. Le Pontife commit les Ar-
chevêques de Reims et de Rouen pour informer sur les
P $
Tomc II,
COMTES DE VERMANDOIS.
que ce fut pour faire valoir ses droits au trône, qui lui
étoit de plein droit dévolu au cas que Charles ne fût
point reconnu descendant légitime de Charlemagne.
Mais nul monument ne nous apprend que ce fut là
son intention. Toute sa conduite montre un homme
qui cherchoit à brouiller dans l’Etat, et ne portoit
pas ses vues plus loin. Rodolfe , ou Raoul, Comte de
Cambrai, frere de Baudouin II, Comte de Flandre,
et attaché au Roi Charles , vint faire le dégât sur les
terres d’Herbert, pour le punir de sa félonie. II se
rendit maître de S. Quentin et de Péronne; mais peu
de tems après Herbert le tua, l’an 896 , dans une
rencontre près de l’Abbaye d’Origni. Le Comte de
Flandre vengea la mort de son frere, en faisant assas-
siner Plerbert l’anpoA. Herbert laissadeN., qu’on fait
sans preuve fille de Robert le Fort, Duc de France, un
fils , qui suit, et deux filles , N., mariée à Otton, Cointe
de Franconie , et cousin de l’Empereur Conrad I, et
Béatrix , laquelle, suivant la Chronique d’Odoran , Ai-
moin et Guillaume de Jumiege, épousa Robert, Duc,
puis Roi de France. Du Bouchet la donne pour fille
de Pepin , et se trompe , puisqu’il a contre lui les trois
Auteurs cités. Herbert joignoit au titre de Comte de
Vermandois celui d’Abbé de S. Quentin dont il faisoit
même les fonctions , en quoi il fut imité par ses suc-
cesseurs. Ce fut lui qui fit rëtablir cette Eglise brûlée
dix ans auparavant par les Normands.
902. FIerbert II, fils et sUccesseur d’Herbert I, ne
îaissa pas la mort de son pere impunie. II ravagea les
terres du Comte de Flandre , avec lequel il fit enfin la
paix l’an 915. II entra dans la conspiration des Grands
du Royauine contre Charles le Simple , et combattit,
en 920, à la bataille de Soissons en faveur du Roi
Robert, dont il étoit beau-frere. Robert ayant été tué
dans cette bataille, Flerbert se joignit à Hugues le
Blanc, ou le Grand, Comte de Paris et Duc de France,
et à d’autres Seigneurs, pour faire élire à saplace Raoul,
Duc de Bourgogne. A la force Herbert joignit la ruse et
lafourberie. Charles ayant passé la Meuse sans savoir
de quel côté tourner , il lui envoya Bernard, Comte de
Senlis, avec d’autres Seigneurs , pour l’assurer qu’il
avoit dessein de rentrer dans son parti, et l’engager à
venir cimenter la paix dans son château de S. Quentin.
Charles se rendit, non sans quelque défiance, à cette
invitation. Mais la réception honorable et asfectueuse
qu’Herbert lui fit, dissipa ses soupçons. Dès qu’il fut
descendu de cheval, le Comte, se jettant à terre, lui
embrassa les genoux suivant l’usage des Grands en
abordant leur Souverain. Voyant ensuite que son fils
recevoit debout le baiser du Monarque, Est-ce ainsi,
lui dit-il en le forçant, la main sur le cou, de s’age-
nouiller, quon reçoit une si grande marque de la
bontè de son Seigneur et de son Roi? Ces apparences
trompeuses furent soutenues par la magnificence du
logement qu’FIerbert avoit préparé au Roi , et la
somptuosité du repas qu’il lui donna le premier jour.
Mais pendant la nuit, Herbert, l’ayant fait enlever, le
fit conduire secrètement à Château-Thierri, et de là,
quelques jours après, àPéronne. Ce service important,
rendu à Raoul, parut au traître mériter le Comté de
Laon, qu’il demanda , lorsqu’il vint à vaquer , pour
Eudes, son fils. Sur le refus que Raoul lui fit de ce
Comté pour le donner à Roger, fils du Comte Roger, il
tira de prison, l’an 927, le Roi Charles, qu’il emmena
d’abord à S. Quentin , puis au château d’Eu, où ils
eurent une conférence avec les Seigneurs normands.
Guillaume , fils du Duc Rollon , y fit hommage à Char-
les, et se lia d’amitié avec Herbert, qui lui donna son
fils Eudes en ôtage. L’année suivante, le Comte , après
avoir promené le Monarque par différentes villes ,1’amene
à Reims , d’où il envoya des députés au Pape Jean X,
COMTES, puis DUCSj DE VALOIS,
Adele apporta à son époux cette terre, l’uiie des pîus
considérablesdupays. Raouleutde cette épouse(morte
avant lui) deux fils , Raoul, quisuit, et Thibaut, avec
deux filles, Constance, qui ne fut point mariée, et Alixj
femme, dit-on, deThibaut III,Comte de Blois. RaoulIIj
à l’exemple de son pere, fit le partage de ses Domaines
entre ses deux fils. II sépara en deux portions le vaste
château de Crépi, donna le corps d’hôtel avec ses dé-»
pendances à l’aîné, et le donjon au cadet, en faveur
duquel il détacha plusieurs terres du Valois, à condi-
tion néanmoins queThibaut les tiendroiten pairage du
Comte de Crépi. Ce Thibaut fut surnommé le Riche,
titre qu’il mérita par son économie et par le bon usage
qu’il fit de ses richesses. ( V. ThibautlII, C. deBlois. )
Raoul III, dit le Grand , fils aîné de Raoul II et
son successeur, réunit dans sa main , l’an io63 , le
Vexin au Valois et au Comté d’Amiens aprèsla mort de
Gauthier III , son cousin germain. II avoit appuyé,
Pan 1040, la révolte du Prince Eudes contre le Roi
Henri I, son frere ; mais il fut pris l’année suivante dans
un combat livré par le Monarque au Comte de Cham-
pagne , partisan d’Eudes. On ignore en quel tems et
comment il recouvra sa liberté ; mais sa captivité ne
paroît pas avoir été longue. II perdit en 1043 Adele,
sa premiere fennne, héritiere du Comte Nocher, son
pere, qui lui apporta en dot Vitri et Bar-sur-Aube,
Raoul épousa la même année ôu la suivante Haque-
nez, dont l’extraction n’est pas connue. Guibert de
Nogent fait ainsi le portrait du Comte Raoul. 53 II y a,
» dit-il, de nos jours plusieurs personnes qui ont vu le
« Comte Raoul; elles peuvent dire à quel degré il avoit
» élevé sa puissance, quelle autorité il s’étoit acquise,
3) et de quel despotisme il usoit. Trouvoit-il un châ-
« teau à sa bienséance ? il l’assiégeoit. Place attaquée,
» place prise : tant étoit grande son habileté dans l’art
» des siéges. De toutes les places qu’ilprenoit, il n’en
3) rendoit aucune. Sa naissance lui donnoit un rang
3> distingué parmi les plus grands Seigneurs du Royau»
33 me 33. ( Guibert. de 'vita sua. ) L’une de ces usur-
pations , et peut-être la plus criante, fut celle qu’il fit
de Montdidier sur Rothaïs, sa cousine, fille et héri-
tiere d’Eudes, dernier Comte de cette ville, et veuve
de Hugues, Seigneur de Bulles. Raoul étoit en pos-
session de ce Comté, l’an 1064, lorsqu’il combattit à
la journée de Mortemer, où le Roi Henri 1 fut défait
par Guillaume le Bâtard, Duc de Normandie. Raoul,
qui étoit dans l’armée du Monarque , fut du nombre
des fuyards et des premiers avec le Prince Eudes : ce
qui causa peut-être la perte de la bataille. ( Ord. V'it.
1. 7 , p. 65y.) Raôul accompagna , l’an io58 , le Roi
Flenriausiégede Château-NeufenThimerais. II souscri-
vit, l’an 1060 , comme témoin,un Diplôme de ce Mo-
narque en faveur du Monastere de Saint Martin-des-
Champs : il est remarquable que sa signature dans cet
acte se trouve immédiatement après celles du Roi, de
la Reine et de leurs fils , et précede celles des Grands
Osficiers de la Couronne. Après la mort de Henri, la
Reine Anne, sa veuve , s’étant retirée à l’Abbaye de
S. Vincent de Senlis, le Comte Raoul, qui la voyoit
souvent, prit la résolution de l’épouser. Poury réussir,
il accusa d’infidélité sa 2 efemme Haquenez, autrement
dite Eleonore, et fit divorce avec elle. Anne écouta les
vœux de Raoul et lui donna publiquement sa main,
l’an 1062, au grand regret du Roi Philippe, son fils,
qui eût empêché cette ailiance si le Comte de Flandre,
son tuteur, l’eût secondé. ( Bouquet, T. XI, p. 499- )
Flaquenez de son côté piquée au vif du double allront
que lui faisoit son époux en l’éloignant de lui et en la
calomniant, alla trouver à Rome le Pape Alexandre II
pour lui demander justice. Le Pontife commit les Ar-
chevêques de Reims et de Rouen pour informer sur les
P $
Tomc II,