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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 18.1878

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Nr. 1
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Mantz, Paul: Gustave Courbet, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.22838#0036

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GUSTAVE COURBET.

29

On assure cependant que la parole de Courbet ne manquait pas de sé-
duction, et qu’il sut parfois intéresser vivement ses interlocuteurs. Nous
pouvons en fournir au moins un exemple significatif. Au printemps
de 1862, Courbet eut occasion de se rencontrer avec Sainte-Beuve.
L’heure était bonne pour écouter : le peintre aima mieux parler, et il
fit si bien qu’il charma le fin critique. On trouvera la preuve de ce suc-
cès dans la lettre que le maître des élégances adressait à M. Charles
Duveyrier pour lui recommander Courbet et pour le convaincre que le
talent de l’artiste pourrait être employé à de belles œuvres décoratives.
«Je causais l’autre jour avec Courbet, écrit-il : ce peintre vigoureux et
solide a, de plus, des idées, et il me semble qu’il en a une grande :
c’est d’inaugurer une peinture monumentale qui soit en accord avec la
société nouvelle. La peinture des églises est à bout de voie; des
peintres incrédules ressassent avec plus ou moins de talent de vieux
sujets... Courbet a l’idée de faire des vastes gares des chemins de fer
des églises nouvelles pour la peinture, de couvrir ces grandes parois de
mille sujets d’une parfaite convenance; les vues mêmes anticipées des
grands sites qu’on va parcourir, les portraits des grands hommes dont le
nom se rattache aux cités du parcours, des sujets pittoresques, moraux,
industriels, métallurgiques; en un mot, les saints et les miracles de la
société moderne. N’est-ce pas là une idée encyclopédique et qui mérite
faveur1 ? »

La lettre dont nous venons de reproduire un fragment prouve qu’un
critique contient souvent un enthousiaste. En s’exaltant à propos du pro-
jet dont Courbet l’avait entretenu, Sainte-Beuve, qui avait pourtant un
si fin sentiment de l’histoire, manqua de défiance et ne prit pas garde
que l’idée nouvelle de Courbet n’était qu’un emprunt fait à la tradition.
Beaucoup d’entre nous, parmi ceux qui ont cessé d’être jeunes, se sou-
viennent d’avoir fait, sur la décoration des gares de chemins de fer, des
articles et peut-être des discours. Avant 1848, on agitait déjà la ques-
tion dans les réunions intimes de la Démocratie pacifique. Après la révo-
lution, lorsque les peintres se concertèrent pour étudier des projets
d’association, qui ne devaient pas aboutir, l’idée fut reprise et l’on crut
un instant quelle allait recevoir un commencement d’exécution. Des
pourparlers furent même entamés avec les directeurs d’une grande com-
pagnie. On espérait obtenir une des plus vastes gares de Paris, et les
deux parois latérales devaient être décorées par deux escouades de colo-
ristes, obéissant l’une à Delacroix, le maître des féeries, l’autre à De-

1. Sainte-Beuve, Correspondance, I, page 289.
 
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