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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
jours riche et prospère, toujours triomphante. Aussi Véronèse est-il le
peintre par excellence de la cité qui fut la patrie du plaisir et le berceau
de l’opéra. Il est le musicien de la couleur, comme Gabrieli et Monte-
verde étaient les coloristes de l’instrumentation. On peut le dire enfin, de
même que le style de la classique Florence est contenu tout entier dans
le dessin de Michel-Ange, de même tout le charme de la romantique
Venise est contenu dans le coloris de Paul Véronèse.
CHARLES J5LANC.
6’. — OBSERVATIONS SUR L’ARCHITECTURE
DU CHATEAU DE MASÈRE.
C'est dans la description très-sommaire qu’il donne du château de
Masère que Palladio parle pour la première fois des volutes angulaires du
chapiteau ionique. Il en avait trouvé un exemple, qu’il croyait unique
dans le temple de la Fortune virile, à Rome : Il chô non so d'haver veduto
allrove (ce que je ne sache pas avoir vu autre part). Dans la troisième
des planches qu’il a fait graver de ce temple, il indique par un dessin
chinographique, c’est-à-dire par un plan horizontal et géométral, la
manière de raccorder le chapiteau de la colonne d’angle avec celui des
colonnes latérales, lorsque le portique se continue en retour d’équerre.
Pour cela, il a tenu les volutes ovales, parce que la volute circulaire
aurait eu aux encoignures un développement trop considérable et aurait
formé, pour ainsi dire, une excroissance qui aurait blessé l’œil. Son cha-
piteau angulaire présente donc sur le côté la même face que sur le
devant, et les deux coussinets, au lieu d’être parallèles, sont contigus,
l’un étant sur le côté qui regarde les colonnes du frontispice, l’autre sur
la face postérieure. Cet arrangement est celui que l’on remarque et que
nous avons remarqué nous-mêrne dans un temple tout prochedu Par-
thénon d'Athènes, le temple d'Erechthée, que Palladio ne connaissait
point, parce que l’Acropole d’Athènes, alors occupée par les Turcs, qui
avaient fait du Parthénon une forteresse (une poudrière!!), n’était visitée
par personne.
Il faut convenir, au surplus, que cette manière de répéter la face
antérieure du chapiteau ionique sur la face latérale, bien que justifiée
par la nécessité, a quelque chose de disgracieux et de forcé. Aussi l’archi-
tecte du Parthénon, Ictinus, quand il éleva le temple ionique d’Apollon
Epicurius à Phigalie, eut-il l’idée de supprimer les coussinets et de
donner au chapiteau quatre volutes d’une égale saillie. C’est ce que
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
jours riche et prospère, toujours triomphante. Aussi Véronèse est-il le
peintre par excellence de la cité qui fut la patrie du plaisir et le berceau
de l’opéra. Il est le musicien de la couleur, comme Gabrieli et Monte-
verde étaient les coloristes de l’instrumentation. On peut le dire enfin, de
même que le style de la classique Florence est contenu tout entier dans
le dessin de Michel-Ange, de même tout le charme de la romantique
Venise est contenu dans le coloris de Paul Véronèse.
CHARLES J5LANC.
6’. — OBSERVATIONS SUR L’ARCHITECTURE
DU CHATEAU DE MASÈRE.
C'est dans la description très-sommaire qu’il donne du château de
Masère que Palladio parle pour la première fois des volutes angulaires du
chapiteau ionique. Il en avait trouvé un exemple, qu’il croyait unique
dans le temple de la Fortune virile, à Rome : Il chô non so d'haver veduto
allrove (ce que je ne sache pas avoir vu autre part). Dans la troisième
des planches qu’il a fait graver de ce temple, il indique par un dessin
chinographique, c’est-à-dire par un plan horizontal et géométral, la
manière de raccorder le chapiteau de la colonne d’angle avec celui des
colonnes latérales, lorsque le portique se continue en retour d’équerre.
Pour cela, il a tenu les volutes ovales, parce que la volute circulaire
aurait eu aux encoignures un développement trop considérable et aurait
formé, pour ainsi dire, une excroissance qui aurait blessé l’œil. Son cha-
piteau angulaire présente donc sur le côté la même face que sur le
devant, et les deux coussinets, au lieu d’être parallèles, sont contigus,
l’un étant sur le côté qui regarde les colonnes du frontispice, l’autre sur
la face postérieure. Cet arrangement est celui que l’on remarque et que
nous avons remarqué nous-mêrne dans un temple tout prochedu Par-
thénon d'Athènes, le temple d'Erechthée, que Palladio ne connaissait
point, parce que l’Acropole d’Athènes, alors occupée par les Turcs, qui
avaient fait du Parthénon une forteresse (une poudrière!!), n’était visitée
par personne.
Il faut convenir, au surplus, que cette manière de répéter la face
antérieure du chapiteau ionique sur la face latérale, bien que justifiée
par la nécessité, a quelque chose de disgracieux et de forcé. Aussi l’archi-
tecte du Parthénon, Ictinus, quand il éleva le temple ionique d’Apollon
Epicurius à Phigalie, eut-il l’idée de supprimer les coussinets et de
donner au chapiteau quatre volutes d’une égale saillie. C’est ce que