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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
est naturel à l’Orient; la Belgique, la Hollande et nos propres paysagistes,
— Troyon et Rousseau plus particulièrement — comptent déjà nombre
d’élèves et d’adeptes convaincus, nés de l’un ou de l’autre côté de la
Leitha ou du Danube. Nul doute que l’Exposition universelle de 1878,
en amenant de nouveaux contacts, ne fasse naître bientôt de plus
ardentes conversions dans le sens de notre propre mouvement natura-
liste, et que l’art autrichien n’en soit, dans un temps rapproché, pro-
fondément remué et renouvelé.
■ Mais c’est assez généraliser ; au surplus, nous avons hâte de péné-
trer plus avant dans l’étude et dans l’analyse des ouvrages exposés et
dont quelques-uns ont été, à leur honneur, l’objet de discussions ou de
critiques non exemptes de passion.
Plus particulièrement qu’aucune autre peinture étrangère exposée au
Champ de Mars, le tableau de M. Makart aura eu cette fortune d’être
accueilli comme un événement, et d’avoir sérieusement occupé l’opinion.
L’Entrée de Charles-Quint à Anvers a, comme disent nos voisins d’outre-
Manclie, fait sensation. Mais, à cette heure que la plus haute récom-
pense, une médaille d’honneur, est venue honorer l’artiste, nous pouvons
juger son ouvrage sans crainte qu’on nous accuse de nous faire l’écho
irréfléchi ou cl’engouements inconscients ou de partialités jalouses.
L'Entrée de Charles-Ouint est, d’ailleurs, comme décoration, une
page d’importance. Si les erreurs y balancent les qualités, celles-ci,
comme celles-là, ne sont pas, du moins, d’ordre vulgaire. Le sujet de la
composition parle de lui-même. M. Makart l’a emprunté, paraît-il, à
un passage d’une lettre d’Albert Dürer où celui-ci le décrit à son ami
Melanchthon, non pas de visu, puisque le peintre avoue naïvement qu’il
fut empêché par la jalousie de sa femme d’assister à ces pompes, mais
d’après des témoins, maris sans doute moins timorés ou moins scrupuleux.
M. Makart a peint Charles-Quint couvert d’une armure d’argent,
précédé d’arquebusiers, d’hommes cl’armes et d’un chevalier portant son
pennon et faisant son entrée solennelle dans Anvers, tout pavoisé et
fleuri, au milieu de femmes nues ou presque nues, qui lui font un
radieux cortège et lui présentent des bouquets et des guirlandes. Rien
donc qui prête davantage au pittoresque et à l’animation comme cette
donnée attrayante et si bien faite pour appeler les magnificences de la
couleur. Pour fond, un décor splendide; toute une ville en fête avec
des échafauds, des balcons chargés de spectateurs dans leurs cos-
tumes de gala • partout des femmes galamment parées, et les plus belles
sans voiles ou n’en portant d’autres que des tissus d’une indiscrète trans-
parence. Au milieu, Charles-Quint chevauchant fier, imposant et qu’ac-
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
est naturel à l’Orient; la Belgique, la Hollande et nos propres paysagistes,
— Troyon et Rousseau plus particulièrement — comptent déjà nombre
d’élèves et d’adeptes convaincus, nés de l’un ou de l’autre côté de la
Leitha ou du Danube. Nul doute que l’Exposition universelle de 1878,
en amenant de nouveaux contacts, ne fasse naître bientôt de plus
ardentes conversions dans le sens de notre propre mouvement natura-
liste, et que l’art autrichien n’en soit, dans un temps rapproché, pro-
fondément remué et renouvelé.
■ Mais c’est assez généraliser ; au surplus, nous avons hâte de péné-
trer plus avant dans l’étude et dans l’analyse des ouvrages exposés et
dont quelques-uns ont été, à leur honneur, l’objet de discussions ou de
critiques non exemptes de passion.
Plus particulièrement qu’aucune autre peinture étrangère exposée au
Champ de Mars, le tableau de M. Makart aura eu cette fortune d’être
accueilli comme un événement, et d’avoir sérieusement occupé l’opinion.
L’Entrée de Charles-Quint à Anvers a, comme disent nos voisins d’outre-
Manclie, fait sensation. Mais, à cette heure que la plus haute récom-
pense, une médaille d’honneur, est venue honorer l’artiste, nous pouvons
juger son ouvrage sans crainte qu’on nous accuse de nous faire l’écho
irréfléchi ou cl’engouements inconscients ou de partialités jalouses.
L'Entrée de Charles-Ouint est, d’ailleurs, comme décoration, une
page d’importance. Si les erreurs y balancent les qualités, celles-ci,
comme celles-là, ne sont pas, du moins, d’ordre vulgaire. Le sujet de la
composition parle de lui-même. M. Makart l’a emprunté, paraît-il, à
un passage d’une lettre d’Albert Dürer où celui-ci le décrit à son ami
Melanchthon, non pas de visu, puisque le peintre avoue naïvement qu’il
fut empêché par la jalousie de sa femme d’assister à ces pompes, mais
d’après des témoins, maris sans doute moins timorés ou moins scrupuleux.
M. Makart a peint Charles-Quint couvert d’une armure d’argent,
précédé d’arquebusiers, d’hommes cl’armes et d’un chevalier portant son
pennon et faisant son entrée solennelle dans Anvers, tout pavoisé et
fleuri, au milieu de femmes nues ou presque nues, qui lui font un
radieux cortège et lui présentent des bouquets et des guirlandes. Rien
donc qui prête davantage au pittoresque et à l’animation comme cette
donnée attrayante et si bien faite pour appeler les magnificences de la
couleur. Pour fond, un décor splendide; toute une ville en fête avec
des échafauds, des balcons chargés de spectateurs dans leurs cos-
tumes de gala • partout des femmes galamment parées, et les plus belles
sans voiles ou n’en portant d’autres que des tissus d’une indiscrète trans-
parence. Au milieu, Charles-Quint chevauchant fier, imposant et qu’ac-