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GAZETTE DES BEAUX-ARTS,
dessins qui précèdent tous deux la peinture analogue de la Madone Conestabile où la
grenade est remplacée par un livre.
Cette toute petite Vierge avec l’Enfant, dite en Italie la Madonnina del libro, est
ce qu’il a fait de mieux dans sa manière ombrienne ; il l’a peinte sur un rond inscrit
dans un carré de 17 centimètres de côté, couvrant lui-même d’arabesques rouges les
segments à fond noir, suivant la mode du temps.
Pérouse, qui avait vu peindre ce chef-d’œuvre, a eu le regret de le perdre en 1871 ;
l’empereur de Russie en a fait l’acquisition à cette époque.
Au Louvre, nous avons de cette peinture une copie médiocre par Sassoferrato.
A la fin de son séjour à Florence, peu de temps avant de partir pour Rome, Raphaël
eut encore l’idée de la grenade; il envoya à Domenico Alfani, son condisciple et ami,
qui était resté à Pérouse, sa ville natale, un magnifique dessin à la plume, que M. Louis
Gonse considère comme le plus précieux du musée Wicar ; il représente un g Sainte
Famille où paraît saint Joachim offrant ce fruit à l’Enfant Jésus.
Domenico Alfani, avec l’aide d’Anselmo di Giovanni, a fait avec ce dessin un tableau
important qu’on voit à la pinacothèque Vannucci à Pérouse; il y est connu sous le nom
de la Sainte Famille à la grenade.
Au Vatican, pour la figure allégorique de la Théologie placée au-dessus de la
Dispute du Saint Sacrement, le Sanzio a emprunté à Dante le vêtement de Béatrice,
changeant la couronne d’olivier en une couronne composée de feuilles et de fleurs de
grenadier dont le fruit aux grains sans nombre exprime l’unité de l’Église, image em-
ployée récemment encore dans les fresques de la Torre Borgia exéculées sous Pie IX;
une grenade fermée est aux pieds d’une femme assise qui représente la Religion.
Ne quittons pas les erreurs de Passavant, sans rappeler que dans la description de
celte figure de la Théologie (Ier vol., page 114), il se trompe deux fois; il écrit, en
effet, qu’elle est couronnée de laurier, comme Béatrice, quand l’Alighieri dit formel-
lement cinta d'oliva; de plus, ce n’est pas l’olivier, mais le grenadier que Raphaël a
choisi.
Avec les preuves solides que nous venons d’établir successivement, on peut con-
clure, malgré l’assertion de Passavant, que la petite Madone d'Orléans est entièrement
de la main du maître. Suivant lui, les figures n’ont pas été retouchées; nous venons de
démontrer qu’il en est de même du fond, et toute la peinture intacte a l’avantage d’être
restée sur bois.
JALIARD:
Le Rédacteur en chef, gérant : LOUIS GONSE.
S’Ait 1S. — Impr. J. CLÀYE. — A. QüASTIN et C’, rue Saint-Benoît. — [II67J.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS,
dessins qui précèdent tous deux la peinture analogue de la Madone Conestabile où la
grenade est remplacée par un livre.
Cette toute petite Vierge avec l’Enfant, dite en Italie la Madonnina del libro, est
ce qu’il a fait de mieux dans sa manière ombrienne ; il l’a peinte sur un rond inscrit
dans un carré de 17 centimètres de côté, couvrant lui-même d’arabesques rouges les
segments à fond noir, suivant la mode du temps.
Pérouse, qui avait vu peindre ce chef-d’œuvre, a eu le regret de le perdre en 1871 ;
l’empereur de Russie en a fait l’acquisition à cette époque.
Au Louvre, nous avons de cette peinture une copie médiocre par Sassoferrato.
A la fin de son séjour à Florence, peu de temps avant de partir pour Rome, Raphaël
eut encore l’idée de la grenade; il envoya à Domenico Alfani, son condisciple et ami,
qui était resté à Pérouse, sa ville natale, un magnifique dessin à la plume, que M. Louis
Gonse considère comme le plus précieux du musée Wicar ; il représente un g Sainte
Famille où paraît saint Joachim offrant ce fruit à l’Enfant Jésus.
Domenico Alfani, avec l’aide d’Anselmo di Giovanni, a fait avec ce dessin un tableau
important qu’on voit à la pinacothèque Vannucci à Pérouse; il y est connu sous le nom
de la Sainte Famille à la grenade.
Au Vatican, pour la figure allégorique de la Théologie placée au-dessus de la
Dispute du Saint Sacrement, le Sanzio a emprunté à Dante le vêtement de Béatrice,
changeant la couronne d’olivier en une couronne composée de feuilles et de fleurs de
grenadier dont le fruit aux grains sans nombre exprime l’unité de l’Église, image em-
ployée récemment encore dans les fresques de la Torre Borgia exéculées sous Pie IX;
une grenade fermée est aux pieds d’une femme assise qui représente la Religion.
Ne quittons pas les erreurs de Passavant, sans rappeler que dans la description de
celte figure de la Théologie (Ier vol., page 114), il se trompe deux fois; il écrit, en
effet, qu’elle est couronnée de laurier, comme Béatrice, quand l’Alighieri dit formel-
lement cinta d'oliva; de plus, ce n’est pas l’olivier, mais le grenadier que Raphaël a
choisi.
Avec les preuves solides que nous venons d’établir successivement, on peut con-
clure, malgré l’assertion de Passavant, que la petite Madone d'Orléans est entièrement
de la main du maître. Suivant lui, les figures n’ont pas été retouchées; nous venons de
démontrer qu’il en est de même du fond, et toute la peinture intacte a l’avantage d’être
restée sur bois.
JALIARD:
Le Rédacteur en chef, gérant : LOUIS GONSE.
S’Ait 1S. — Impr. J. CLÀYE. — A. QüASTIN et C’, rue Saint-Benoît. — [II67J.