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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 18.1878

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Nr. 3
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Bonnaffé, Edmond: Au Trocadéro: causerie
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https://doi.org/10.11588/diglit.22838#0339

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AU TROCADÉRO.

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Bibliothèque; leurs trésors sont classés, connus, accessibles toute l’an-
née ; pourquoi les déplacer et courir un risque sans profit pour per-
sonne? La province pourrait bien fournir le contingent nécessaire, mais
la province, comme la fourmi, n’est pas prêteuse. Il faut donc recourir
aux collections privées, et c’est ici que la difficulté commence.

L’amateur est une variété non décrite par les naturalistes et géné-
ralement peu connue; il est difficile à prendre et s’apprivoise malaisé-
ment. Parlez-lui de ses produits} comme le faisait naguère je ne sais
quel grand personnage du Commissariat général, immédiatement il ren-
trera les cornes. C’est un être nerveux, ombrageux, impressionnable,
passionné comme une femme, amoureux comme Don Juan, indépendant
comme Bias, convaincu comme un missionnaire, chatouilleux comme
une sensitive et jaloux comme Othello; au demeurant, le meilleur fils
du monde. Il ne se défait pas volontiers de sa collection ; il y tient, c’est
l’ornement de son cabinet, une part de son trésor, de sa gloire, la chair
de sa chair; chaque objet a son histoire, il a coûté du temps, de l’ar-
gent, de longs efforts. Le déplacement est périlleux ; s’il arrivait mal-
heur à cette faïence délicate , à cette coupe de Venise, à ce marbre
signé du maître!... Et puis, tel bijou qui fait merveille dans le cabinet, au
milieu cl’un entourage choisi à dessein, peut perdre au grand jour de
l’Exposition, et alors quelles déceptions, quelle amertume ! Le curieux
hésite, se fait tirer l’oreille, attend la dernière minute ; politique intel-
ligente qui lui permet de savoir ce que le confrère expose, de garder
prudemment les échantillons qui seraient battus par la maison au coin
du quai, et de l’écraser à coup sûr par les séries triomphantes de la der-
nière heure. Que dis-je! la dernière heure n’arrive jamais; chacun
guette la vitrine du voisin, apporte le lendemain un nouvel objet supé-
rieur à celui de la veille et continue ainsi tous les jours. Si on laissait
faire les amateurs, jamais le Trocadéro n’aurait ouvert ses portes.

Et la question des places ! L’amateur fait ses conditions, exige
une vitrine pour lui seul, une demi-salle, voire une salle tout entière. Il
n’entend pas que sa collection soit morcelée, il choisit son emplacement,
son jour, son voisinage, apporte ce qu’il veut, le dispose à sa guise,
advienne que pourra de la chronologie. Il est convaincu, partant exclusif,
hors de son Eglise point de salut; cantonné dans sa spécialité, il traite
cavalièrement la spécialité du voisin et s’étonne qu’on lui fasse tant de
place. L’un ne tolère que les faïences, l’autre s’arrête à saint Louis et ne
regarde pas au delà; — le bibliophile, armé de son elzéviriomètre,
dédaigne tout ce qui n’est pas livre, et le numismate tout ce qui n’est
pas monnaie. — Celui-ci est un Mérovingien, celui-là un Italien né en
 
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