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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
M. Carapanos, et chaque fois, que l’objet momentané cle nos préoccupa-
tions fut la période primitive ou celle du plein développement de l’art,
nous y avons trouvé des merveilles à admirer; chaque fois nous nous en
sommes éloignés à regret. Revenons-y donc encore un moment, car
l’art du siècle d’Alexandre n’y est pas moins bien représenté que celui
des autres époques. La Gazette a déjà reproduit cette Scylla, où la diffi-
culté de combiner ensemble des formes différentes a été si habilement
vaincue ; elle donne aujourd’hui une autre plaque repoussée, sans doute
le couvre-joue de quelque casque de parade, où est représenté, dans un
style ferme et pur, le combat de Pollux et de Lyncée. Un autre couvre-
joue de casque reproduit simplement le modelé de la figure humaine :
la barbe y est ciselée avec un soin minutieux, la moustache tordue avec
une magistrale fierté. Notons encore une Bacchante qui, échevelée, les
bras levés, la tunique agitée par la course, semble regarder quelque
profanateur des orgies sacrées, un Penthée peut-être, jadis renversé à
ses pieds : l’attitude est pathétique et le mouvement énergiquement
•exprimé.
Si nous voulons trouver au Trocadéro un bronze grec comparable à
ceux que nous montrent MM. Carapanos et Gréau, il nous faut traverser
plusieurs salles et aller, au milieu des émaux et des faïences du xvie siècle,
chercher la petite statuette de M. Édouard André. Elle a été trouvée en
pleine France, et même dans la France du Nord; et cependant personne,
je crois, n’hésitera à y reconnaître une œuvre grecque; non seulement le
caractère d’art, mais, ce qui est plus facile à apprécier, la qualité même
du métal, sont des preuves certaines de cette noble origine. Nos pères,
les Gaulois d’avant César, n’étaient pas si barbares qu’on le croit d’ordi-
naire ; ils avaient le goût du luxe et il se trouvait certainement dans
leurs villes de riches personnages qui comprenaient et aimaient le beau.
Ce n’était pas seulement des vins, de l’huile et des figues que Marseille
envoyait, par le Rhône et la Saône, jusqu’au centre du pays celtique;
parmi les marchandises qu’elle expédiait se trouvaient aussi sans doute
des étoffes précieuses, des bijoux, des vases, des objets d’art. C’est ainsi
que plus d’un produit de l’industrie grecque a été rencontré dans les
tombes de chefs gaulois; d’autres ont été apportés à l’époque romaine,
alors que le goût des collections était devenu commun. Quelle que soit
son origine, la statuette de M. André n’en est pas moins l’un des plus
beaux bronzes de l’exposition historique. Elle représente Hermès nu, sans
ailettes ni talonnières, attributs que les artistes grecs omettaient ordi-
nairement. Le dieu assis, les jambes étendues, la main posée avec aban-
don sur le genou droit, semble se reposer de ses courses; le port droit
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
M. Carapanos, et chaque fois, que l’objet momentané cle nos préoccupa-
tions fut la période primitive ou celle du plein développement de l’art,
nous y avons trouvé des merveilles à admirer; chaque fois nous nous en
sommes éloignés à regret. Revenons-y donc encore un moment, car
l’art du siècle d’Alexandre n’y est pas moins bien représenté que celui
des autres époques. La Gazette a déjà reproduit cette Scylla, où la diffi-
culté de combiner ensemble des formes différentes a été si habilement
vaincue ; elle donne aujourd’hui une autre plaque repoussée, sans doute
le couvre-joue de quelque casque de parade, où est représenté, dans un
style ferme et pur, le combat de Pollux et de Lyncée. Un autre couvre-
joue de casque reproduit simplement le modelé de la figure humaine :
la barbe y est ciselée avec un soin minutieux, la moustache tordue avec
une magistrale fierté. Notons encore une Bacchante qui, échevelée, les
bras levés, la tunique agitée par la course, semble regarder quelque
profanateur des orgies sacrées, un Penthée peut-être, jadis renversé à
ses pieds : l’attitude est pathétique et le mouvement énergiquement
•exprimé.
Si nous voulons trouver au Trocadéro un bronze grec comparable à
ceux que nous montrent MM. Carapanos et Gréau, il nous faut traverser
plusieurs salles et aller, au milieu des émaux et des faïences du xvie siècle,
chercher la petite statuette de M. Édouard André. Elle a été trouvée en
pleine France, et même dans la France du Nord; et cependant personne,
je crois, n’hésitera à y reconnaître une œuvre grecque; non seulement le
caractère d’art, mais, ce qui est plus facile à apprécier, la qualité même
du métal, sont des preuves certaines de cette noble origine. Nos pères,
les Gaulois d’avant César, n’étaient pas si barbares qu’on le croit d’ordi-
naire ; ils avaient le goût du luxe et il se trouvait certainement dans
leurs villes de riches personnages qui comprenaient et aimaient le beau.
Ce n’était pas seulement des vins, de l’huile et des figues que Marseille
envoyait, par le Rhône et la Saône, jusqu’au centre du pays celtique;
parmi les marchandises qu’elle expédiait se trouvaient aussi sans doute
des étoffes précieuses, des bijoux, des vases, des objets d’art. C’est ainsi
que plus d’un produit de l’industrie grecque a été rencontré dans les
tombes de chefs gaulois; d’autres ont été apportés à l’époque romaine,
alors que le goût des collections était devenu commun. Quelle que soit
son origine, la statuette de M. André n’en est pas moins l’un des plus
beaux bronzes de l’exposition historique. Elle représente Hermès nu, sans
ailettes ni talonnières, attributs que les artistes grecs omettaient ordi-
nairement. Le dieu assis, les jambes étendues, la main posée avec aban-
don sur le genou droit, semble se reposer de ses courses; le port droit