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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
des Batignollaises, souvenirs de Jérusalem venus de la rue Notre-Dame-
de-Nazareth, croix et chapelets présentés sous les auspices du croissant
et sculptés en cèdre qui se réclame du Liban quand il n’est que de
banlieue, — à deux pas du charivari des gens coiffés du fez, une clôture
de bambous ferme l’enceinte réservée à l’une des trois expositions de
l’empire du soleil levant. Celle où nous entrons, c’est la ferme, une
miniature de ferme japonaise.
La tourbe n’y séjourne pas, les abords en sont discrets, simplement
hospitaliers, sans bruit de place publique, sans ronflement de peau
d’âne, sans vibration de cordes grattées, sans éclats de cris gutturaux.
On y pénètre par une barrière que supportent des pilastres en bois plein
où s’épanouissent des pivoines et des tiges d’iris sculptées; sur les van-
taux de la barrière courent deux frises de fleurs ciselées à jour comme
une pièce d’orfèvrerie et couronnées en guise de fronton par un adorable
petit coq et sa poule qui sont un chef-d’œuvre de sculpture en bois.
Silencieux, attentifs sans en faire montre, souriants à leur pensée inté-
rieure, qui leur montre de hautes piles de grandes pièces d’or monnayé
dans une belle forme oblongue, l’œil mi-clos, l’esprit ouvert, les maîtres
du lieu ne sollicitent pas le visiteur. A son intention, ils ont disposé çà et
là de petits pliants, des sièges de bambou et de larges parasols en
papier peint où l’ombre et le repos s’offrent d’eux-mêmes; l’ombre
et le repos sont d’heureuse rencontre sur ces déclivités du Trocadéro,
en ces chemins montants, sablonneux, malaisés, comme celui de la
fable, et de tous les côtés au soleil exposés.
Il n’y a point d’œuvres d’art à voir ici, rien de plus, en tout cas que
ces menus objets amenés à profusion par les plus récents exportateurs
sur le marché de Paris ; mais nous avons à y prendre sur le fait et sur le
vif les éléments de l’œuvre d’art décorative, je veux dire le caractère
des formes naturelles et le goût de la race. Eh bien, les artistes japonais
sont beaucoup moins fantaisistes qu’on ne serait porté à le croire si on
les jugeait seulement d’après l’apparence capricieuse de leur dessin.
Ces fusées de trait, ces longues courbes, ces saillies subites brusque-
ment suivies de subites retraites du pinceau, ces contournements qui
semblent de pure invention ou tout au moins affectés, ces grossissements
de tel ou tel organe ou ses rapetissements dans l’animal et dans la
plante, il est clair désormais, d’après les quelques spécimens réunis
à la ferme que c’est la nature en réalité qui leur en fournit les
modèles. Gela est précieux à constater. Quant au goût de la race
il se confirme en dehors de l’art, tel que l’art nous l’avait révélé;
pratique avant tout, allant droit à l’utile, mais aux formes de l’utile
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
des Batignollaises, souvenirs de Jérusalem venus de la rue Notre-Dame-
de-Nazareth, croix et chapelets présentés sous les auspices du croissant
et sculptés en cèdre qui se réclame du Liban quand il n’est que de
banlieue, — à deux pas du charivari des gens coiffés du fez, une clôture
de bambous ferme l’enceinte réservée à l’une des trois expositions de
l’empire du soleil levant. Celle où nous entrons, c’est la ferme, une
miniature de ferme japonaise.
La tourbe n’y séjourne pas, les abords en sont discrets, simplement
hospitaliers, sans bruit de place publique, sans ronflement de peau
d’âne, sans vibration de cordes grattées, sans éclats de cris gutturaux.
On y pénètre par une barrière que supportent des pilastres en bois plein
où s’épanouissent des pivoines et des tiges d’iris sculptées; sur les van-
taux de la barrière courent deux frises de fleurs ciselées à jour comme
une pièce d’orfèvrerie et couronnées en guise de fronton par un adorable
petit coq et sa poule qui sont un chef-d’œuvre de sculpture en bois.
Silencieux, attentifs sans en faire montre, souriants à leur pensée inté-
rieure, qui leur montre de hautes piles de grandes pièces d’or monnayé
dans une belle forme oblongue, l’œil mi-clos, l’esprit ouvert, les maîtres
du lieu ne sollicitent pas le visiteur. A son intention, ils ont disposé çà et
là de petits pliants, des sièges de bambou et de larges parasols en
papier peint où l’ombre et le repos s’offrent d’eux-mêmes; l’ombre
et le repos sont d’heureuse rencontre sur ces déclivités du Trocadéro,
en ces chemins montants, sablonneux, malaisés, comme celui de la
fable, et de tous les côtés au soleil exposés.
Il n’y a point d’œuvres d’art à voir ici, rien de plus, en tout cas que
ces menus objets amenés à profusion par les plus récents exportateurs
sur le marché de Paris ; mais nous avons à y prendre sur le fait et sur le
vif les éléments de l’œuvre d’art décorative, je veux dire le caractère
des formes naturelles et le goût de la race. Eh bien, les artistes japonais
sont beaucoup moins fantaisistes qu’on ne serait porté à le croire si on
les jugeait seulement d’après l’apparence capricieuse de leur dessin.
Ces fusées de trait, ces longues courbes, ces saillies subites brusque-
ment suivies de subites retraites du pinceau, ces contournements qui
semblent de pure invention ou tout au moins affectés, ces grossissements
de tel ou tel organe ou ses rapetissements dans l’animal et dans la
plante, il est clair désormais, d’après les quelques spécimens réunis
à la ferme que c’est la nature en réalité qui leur en fournit les
modèles. Gela est précieux à constater. Quant au goût de la race
il se confirme en dehors de l’art, tel que l’art nous l’avait révélé;
pratique avant tout, allant droit à l’utile, mais aux formes de l’utile