LES ÉCOLES ÉTRANGÈRES DE PEINTURE.
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la critique eût dû lui en tenir meilleur compte et ne pas tant se hâter de
crier à la perdition et à l’anarchie.
Comparer l’Italie vivante à l’Italie du passé, écraser le présent et le
condamner à l’impuissance, à l’avortement, à l’immobilité, en lui oppo-
sant sans cesse les gloires et les génies d’autrefois, ce sont là des pro-
cédés de discussion dont la banalité n’exclut pas l’injustice. Il faut bien
reconnaître, au surplus, que la critique n’éprouve pas toujours pour
l’emploi du lieu commun tout le discret éloignement dont elle devrait
faire état dans la rédaction de ses sentences. Et comme il est heureux
dès lors que celles-ci ne demeurent que rarement sans appel ! Avec ce
recours, toujours libéralement ouvert, l’art italien peut s’abandonner
librement à ses piquantes et originales recherches en dehors de tout
parti pris d’imitation rétrospective. L’Italie politique s’est reconquise;
l’Italie artiste saura bien se reconstituer à son tour. Qu’elle ose donc !
L’avenir est aux audacieux.
Il ne nous paraît pas, du reste, quelle soit si fort à morigéner,
encore moins tant à plaindre, la nation qui, en statuaire, a conçu le
Jenner. Une telle œuvre, — non, bien entendu, par son côté technique
pour précieusement traité qu’il soit, — mais par la portée, l’élévation
et la modernité de l’idée qu’elle incarne et glorifie — est assurément
appelée à marquer une date entre l’art de la tradition, l’art du passé et
l’art de demain. Dans quelle sculpture trouverait-on, au Champ de
Mars, plus de sentiment, plus de sincérité et de pénétrante expression,
alliés à un caractère aussi fortement naturaliste, aussi franchement
moderne et vivant? L’art évolue et cherche encore sa voie que, déjà, une
des premières, l’Italie l’a entrevue et pressentie. C’est bien quelque
chose. Et, en peinture, elle ne nous paraît pas absolument menacée
de stérilité l’école qui, dans ses rangs encore indisciplinés, compte tant
d’artistes de tempérament, singuliers, personnels, impressionnistes et
japonistes, forlunistes et paroxystes, étranges, bizarres, parfois même
extravagants ceux-ci; ceux-là tout à fait insoumis, véritables enfants
perdus du groupe, des révoltés enfin. Pourquoi plaindrions-nous l’Italie
de cet éparpillement ? N’est-ce pas une des conditions de la vitalité de
l’art qu’il s’efforce, s’ingénie et ne soit pas partout identique à lui-même?
Or, s’il subsiste encore, par delà les Alpes, une certaine communauté
de tendances parmi la jeune école, on n’y saurait en tout cas décou-
vrir la marque d’une direction ou d’un enseignement dogmatiques,
absorbants ou exclusifs. C’est, du reste, ce que prouvent clairement
les envois de l’Italie à l’Exposition universelle.
J’imagine que lorsqu’il s’est agi, dans le jury des récompenses, d’at-
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la critique eût dû lui en tenir meilleur compte et ne pas tant se hâter de
crier à la perdition et à l’anarchie.
Comparer l’Italie vivante à l’Italie du passé, écraser le présent et le
condamner à l’impuissance, à l’avortement, à l’immobilité, en lui oppo-
sant sans cesse les gloires et les génies d’autrefois, ce sont là des pro-
cédés de discussion dont la banalité n’exclut pas l’injustice. Il faut bien
reconnaître, au surplus, que la critique n’éprouve pas toujours pour
l’emploi du lieu commun tout le discret éloignement dont elle devrait
faire état dans la rédaction de ses sentences. Et comme il est heureux
dès lors que celles-ci ne demeurent que rarement sans appel ! Avec ce
recours, toujours libéralement ouvert, l’art italien peut s’abandonner
librement à ses piquantes et originales recherches en dehors de tout
parti pris d’imitation rétrospective. L’Italie politique s’est reconquise;
l’Italie artiste saura bien se reconstituer à son tour. Qu’elle ose donc !
L’avenir est aux audacieux.
Il ne nous paraît pas, du reste, quelle soit si fort à morigéner,
encore moins tant à plaindre, la nation qui, en statuaire, a conçu le
Jenner. Une telle œuvre, — non, bien entendu, par son côté technique
pour précieusement traité qu’il soit, — mais par la portée, l’élévation
et la modernité de l’idée qu’elle incarne et glorifie — est assurément
appelée à marquer une date entre l’art de la tradition, l’art du passé et
l’art de demain. Dans quelle sculpture trouverait-on, au Champ de
Mars, plus de sentiment, plus de sincérité et de pénétrante expression,
alliés à un caractère aussi fortement naturaliste, aussi franchement
moderne et vivant? L’art évolue et cherche encore sa voie que, déjà, une
des premières, l’Italie l’a entrevue et pressentie. C’est bien quelque
chose. Et, en peinture, elle ne nous paraît pas absolument menacée
de stérilité l’école qui, dans ses rangs encore indisciplinés, compte tant
d’artistes de tempérament, singuliers, personnels, impressionnistes et
japonistes, forlunistes et paroxystes, étranges, bizarres, parfois même
extravagants ceux-ci; ceux-là tout à fait insoumis, véritables enfants
perdus du groupe, des révoltés enfin. Pourquoi plaindrions-nous l’Italie
de cet éparpillement ? N’est-ce pas une des conditions de la vitalité de
l’art qu’il s’efforce, s’ingénie et ne soit pas partout identique à lui-même?
Or, s’il subsiste encore, par delà les Alpes, une certaine communauté
de tendances parmi la jeune école, on n’y saurait en tout cas décou-
vrir la marque d’une direction ou d’un enseignement dogmatiques,
absorbants ou exclusifs. C’est, du reste, ce que prouvent clairement
les envois de l’Italie à l’Exposition universelle.
J’imagine que lorsqu’il s’est agi, dans le jury des récompenses, d’at-