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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 18.1878

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Nr. 6
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Mantz, Paul: Les portraits historiques au Trocadéro: exposition universelle
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https://doi.org/10.11588/diglit.22838#0896

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LES PORTRAITS HISTORIQUES AU TROCADÉRO.

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a peint le portrait de Molière en 1666 ou l’année suivante, il doit dire
la vérité. C’est la gravure de Nolin qui nous le prouve. Dans l’estampe
qui reproduit la peinture de Mignard, le poète, déjà a marqué », paraît
avoir au moins quarante-cinq ans. Et c’est ici que se place l’ingénieuse
observation de M. Fillon. Mignard a peint Molière à la suite de la mala-
die qui le retint éloigné de la scène pendant la période comprise entre
le 11 décembre 1665 et le 21 février 1666. L’âge, une crise récente,
les amertumes de la vie, les lassitudes du métier de comédien, les
quelques lignes de l’abbé de Monville, l’estampe de Nolin, tout nous dit
que, dans le portrait peint par Mignard, Molière n’est pas jeune.

De la concordance de ces faits il résulte que le portrait prêté par le
duc d’Aumale n’est point le portrait de Mignard, ou n’est pas du
moins celui que Nolin a gravé.

Cette conclusion se justifie par le caractère de la peinture. Intéres-
sant au point de vue iconographique, le nouveau portrait de Molière n’est
pas moins curieux comme œuvre d’art. L’exécution est à la fois très
solide et très délicate. 11 y a dans les chairs des gris singuliers et d’une
finesse extrême. Les carnations sont bien celles d’un comédien : je ne
voudrais pas rêver ; mes yeux me trompent peut-être, mais je crois voir
dans ce visage des colorations d’un brun mat, légèrement éclairées,
doucement blanchies par un nuage de poudre, par un maquillage discret.
Et comment cette tête est-elle peinte ? L’artiste a commencé par établir
des dessous résistants ; il a constitué une sorte de pâte émaillée, et
ensuite il a finement caressé les surfaces et exprimé avec une grande
légèreté d’outil les morbidesses de l’épiderme, les curiosités un peu
cendrées ou blanchissantes de ce teint artificiel. Le travail du pinceau est
excellent. J’exagérerai ici ma pensée pour être compris et dussé-je jeter
mes contemporains dans des surprises extrêmes, je dirai que ce portrait
de Molière est peint, non pas comme un Corrège, mais avec des procédés
— empâtements des dessous, caresses des surfaces — qui ressemblent
à ceux du maître de Parme. Rien n’est plus étrange, rien n’est plus
troublant. Et je demande aux gens du métier, aux maniaques, mes
frères, qui en voyant une peinture cherchent à savoir comment elle
a été faite, je demande à tous si Mignard a jamais eu une manière
pareille? Pour moi, je ne reconnais pas sa main dans le portrait robuste,
délicat et si singulièrement personnel qui nous est montré par le duc
cl’Aumale.

Quelle est donc notre aventure? Ceux qui savent les‘choses de la vie
peuvent le dire. Christophe Colomb part pour les Indes : il découvre
l’Amérique. Nous cherchions le portrait de Molière par Mignard,
 
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