TEXTE DE L’ORAISON FUNEBRE D’hYPÉRIDE. 231
donna dans les mêmes conditions en 1862. Nous nous proposons
d’examiner un jour ce premier ouvrage, mais aujourd’hui nous
donnerons tous nos soins à l”E7UTacpioç que de récentes préparations
nous mettent à même de revoir avec fruit. Toutefois, avant de nous
enfermer dans l’examen grammatical qui fait en partie l’objet de cet
article, on nous pardonnera, je pense, de dire quelques mots de l’ori-
ginalité hardie qui caractérise cette harangue et qui ajoute encore à
sa valeur oratoire.
L’institution de l’éloge funèbre collectif, comme récompense ac-
cordée aux citoyens morts pour la patrie, remonte à l’époque delà
bataille de Platée (1). Bien qu’il ne nous reste aucun de ces discours,
nous sommes fondés à croire qu’ils furent la glorification exclusive
du courage (2), et que l’orateur trouvait dans l’éloge passionné de
ces nobles victimes, de quoi suffire à l’entliousiasme de tout un
peuple enivré de ses triomphes et de l'humiliation du grand roi.
Mais on comprend que les choses durent bien changer quand,
avec la guerre du Péloponèse, arrivèrent coup sur coup les fautes,
les revers, les malheurs. Il fallait pourtant conserver à ce discours
tout politique sa grandeur imposante, il fallait faire bonne conte-
nance en présence des désastres et aux yeux de ces étrangers,
qu’Athènes voulait retenir sous ses lois.La gloire qu’on ne
trouvait plus dans le présent, on la chercha dans le passé: à l’éloge
des guerriers dont il fallait honorer le trépas on associa celui des
grands vainqueurs de Marathon et de Salamine ; à la pensée de dé-
faites récentes où des parents et des amis avaient trouvé une mort
obscure, on substitua le panégyrique d’Athènes toujours vivante,
grande et inébranlable malgré quelques infortunes passagères; et
l’on vit alors tous les faits brillants d’autrefois, en remontant même
aux temps fabuleux, tout ce dont Athènes pouvait s’enorgueillir à
un titre quelconque, prendre place dans l’oraison funèbre, qui devint
ainsi un solennel hommage à toutes les gloires nationales, en épar-
gnant à la hère cité, la douleur d’avouer un amoindrissement de
prospérité et de pouvoir (3).
Périclès, le premier, mit l’éloquence sur la voie de cet expédient,
et ceux qui le suivirent à la tribune funèbre en tirèrent un mer-
veilleux parti; mais si l’iTcixacpioç ainsi conçu put, dans les premiers
(1) Diodore de Sicile, 1. XI, 8.
(2) Denys d’Halicarnasse. Voir en outre notre ouvrage sur l'Oraison funèbre dans
la Grèce païenne, p. 2li et suiv.
(3) Voir, pour toute cette partie, notre ouvrage sur l’oraison funèbre.
donna dans les mêmes conditions en 1862. Nous nous proposons
d’examiner un jour ce premier ouvrage, mais aujourd’hui nous
donnerons tous nos soins à l”E7UTacpioç que de récentes préparations
nous mettent à même de revoir avec fruit. Toutefois, avant de nous
enfermer dans l’examen grammatical qui fait en partie l’objet de cet
article, on nous pardonnera, je pense, de dire quelques mots de l’ori-
ginalité hardie qui caractérise cette harangue et qui ajoute encore à
sa valeur oratoire.
L’institution de l’éloge funèbre collectif, comme récompense ac-
cordée aux citoyens morts pour la patrie, remonte à l’époque delà
bataille de Platée (1). Bien qu’il ne nous reste aucun de ces discours,
nous sommes fondés à croire qu’ils furent la glorification exclusive
du courage (2), et que l’orateur trouvait dans l’éloge passionné de
ces nobles victimes, de quoi suffire à l’entliousiasme de tout un
peuple enivré de ses triomphes et de l'humiliation du grand roi.
Mais on comprend que les choses durent bien changer quand,
avec la guerre du Péloponèse, arrivèrent coup sur coup les fautes,
les revers, les malheurs. Il fallait pourtant conserver à ce discours
tout politique sa grandeur imposante, il fallait faire bonne conte-
nance en présence des désastres et aux yeux de ces étrangers,
qu’Athènes voulait retenir sous ses lois.La gloire qu’on ne
trouvait plus dans le présent, on la chercha dans le passé: à l’éloge
des guerriers dont il fallait honorer le trépas on associa celui des
grands vainqueurs de Marathon et de Salamine ; à la pensée de dé-
faites récentes où des parents et des amis avaient trouvé une mort
obscure, on substitua le panégyrique d’Athènes toujours vivante,
grande et inébranlable malgré quelques infortunes passagères; et
l’on vit alors tous les faits brillants d’autrefois, en remontant même
aux temps fabuleux, tout ce dont Athènes pouvait s’enorgueillir à
un titre quelconque, prendre place dans l’oraison funèbre, qui devint
ainsi un solennel hommage à toutes les gloires nationales, en épar-
gnant à la hère cité, la douleur d’avouer un amoindrissement de
prospérité et de pouvoir (3).
Périclès, le premier, mit l’éloquence sur la voie de cet expédient,
et ceux qui le suivirent à la tribune funèbre en tirèrent un mer-
veilleux parti; mais si l’iTcixacpioç ainsi conçu put, dans les premiers
(1) Diodore de Sicile, 1. XI, 8.
(2) Denys d’Halicarnasse. Voir en outre notre ouvrage sur l'Oraison funèbre dans
la Grèce païenne, p. 2li et suiv.
(3) Voir, pour toute cette partie, notre ouvrage sur l’oraison funèbre.