VASE ANTIQUE DE VERRE.
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Une circonstance curieuse ne doit pas être omise. Dans la région
même où nous pensons qu’ont dû être exécutés nos vases en verre
jaune, on fabrique aujourd'hui un verre du même jaune, exacte-
ment de la même nature, coloré par les mêmes substances. C’est ce-
lui que connaissent bien les gourmets et dans lequel on a pris l’ha-
bitude par toute l’Europe, à l’exemple des Allemands, de boire les
vins du Rhin. La persistance d’une semblable fabrication n’a-t-elle
pas de quoi frapper, et ne doit-on pas y voir une tradition qui, de-”
puis l'antiquité, s’est perpétuée jusqu’à nous à travers les âges?
Ces persistances de certaines industries avec les mêmes procédés,
dans les lieux où elles existaient déjà du temps des Romains, sont
assez nombreuses. Le fameux édit de Dioclétien De pretiis rerum ve-
nalium permet d’en reconnaître plusieurs exemples incontestables.
Dans le beau commentaire qu’il a consacré aux fragments de cet acte
capital, mon savant ami M. Waddington en a relevé quelques-uns,
tels que les draps d’Arras et les tapis de Smvrne. Mais il en est un,
des plus frappants cependant, qui lui a échappé. Comme il se rap-
porte en partie à la contrée où nous pensons constater également la
tradition persistante de la fabrication du verre jaune, il nous a sem-
blé que le lecteur nous permettrait de citer cet exemple en terminant
notre article.
On lit dans le ive chapitre de l’édit de Dioclétien, au milieu du
tarif des articles de charcuterie : Pernœ optimœ sive petasones Mena-
picæ vel Cerritanœ, ltal. p°unum -X- viginti, «jambons de première
« qualité, autrement dit petasones, soit Ménapiens, soit Cerrétans,
« la livre italique 20 deniers. » Ce sont les mêmes jambons que Mar-
tial (1) célèbre comme les plus estimés à Rome :
Cerretana mihi pet vel missa licebit
De Menapis : lauti de petasone vorenl.
Les Ménapiens étaient une peuplade de la Belgique, dont le terri-
toire s’étendait de la Meuse au Rhin (2); les Cerrétans habitaient le
Nord-Est de l’Espagne Tarraconnaise, au pied des Pyrénées (3). Les
jambons venus du pays des Ménapiens et des Cerrétans n’étaient
donc autres que ceux de Mayence et de Bayonne, non moins renom-
més aujourd’hui que dans l’antiquité. On les préparait dès lors dans
les mêmes pays, et bien certainement d’après les mêmes procédés, et
(1) XIII, 54.
(2) Cæs. Bell. Gali. II, h', IV, h.
(3) Plin. III, 22-23.
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Une circonstance curieuse ne doit pas être omise. Dans la région
même où nous pensons qu’ont dû être exécutés nos vases en verre
jaune, on fabrique aujourd'hui un verre du même jaune, exacte-
ment de la même nature, coloré par les mêmes substances. C’est ce-
lui que connaissent bien les gourmets et dans lequel on a pris l’ha-
bitude par toute l’Europe, à l’exemple des Allemands, de boire les
vins du Rhin. La persistance d’une semblable fabrication n’a-t-elle
pas de quoi frapper, et ne doit-on pas y voir une tradition qui, de-”
puis l'antiquité, s’est perpétuée jusqu’à nous à travers les âges?
Ces persistances de certaines industries avec les mêmes procédés,
dans les lieux où elles existaient déjà du temps des Romains, sont
assez nombreuses. Le fameux édit de Dioclétien De pretiis rerum ve-
nalium permet d’en reconnaître plusieurs exemples incontestables.
Dans le beau commentaire qu’il a consacré aux fragments de cet acte
capital, mon savant ami M. Waddington en a relevé quelques-uns,
tels que les draps d’Arras et les tapis de Smvrne. Mais il en est un,
des plus frappants cependant, qui lui a échappé. Comme il se rap-
porte en partie à la contrée où nous pensons constater également la
tradition persistante de la fabrication du verre jaune, il nous a sem-
blé que le lecteur nous permettrait de citer cet exemple en terminant
notre article.
On lit dans le ive chapitre de l’édit de Dioclétien, au milieu du
tarif des articles de charcuterie : Pernœ optimœ sive petasones Mena-
picæ vel Cerritanœ, ltal. p°unum -X- viginti, «jambons de première
« qualité, autrement dit petasones, soit Ménapiens, soit Cerrétans,
« la livre italique 20 deniers. » Ce sont les mêmes jambons que Mar-
tial (1) célèbre comme les plus estimés à Rome :
Cerretana mihi pet vel missa licebit
De Menapis : lauti de petasone vorenl.
Les Ménapiens étaient une peuplade de la Belgique, dont le terri-
toire s’étendait de la Meuse au Rhin (2); les Cerrétans habitaient le
Nord-Est de l’Espagne Tarraconnaise, au pied des Pyrénées (3). Les
jambons venus du pays des Ménapiens et des Cerrétans n’étaient
donc autres que ceux de Mayence et de Bayonne, non moins renom-
més aujourd’hui que dans l’antiquité. On les préparait dès lors dans
les mêmes pays, et bien certainement d’après les mêmes procédés, et
(1) XIII, 54.
(2) Cæs. Bell. Gali. II, h', IV, h.
(3) Plin. III, 22-23.