352 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
dalire pour le panser si Podalire n’avait pas été engagé lui-même
dans la mêlée. Tout ce qu’on peut tirer du texte d’Arctinus, c’est que
la tradition n’est pas de l’avis de M. Malgaigne, que le poète place la
médecine au-dessus de la chirurgie et qu’il les tient toutes deux
pour contemporaines. Je n’aurais pas attaché une grande importance
à celte tradition, tout ancienne qu’elle est, si elle n’était appuyée
par des arguments plus décisifs, car notre savant confrère n’entend
pas raillerie quand il s’agit de témoins et de témoignages; il veut
des témoins oculaires, ou tout au moins des écrivains de. la géné-
ration suivante (1).
Maladies internes et peste.
Les seules maladies décrites dans les poèmes homériques sont : la
grande peste, la folie accidentelle des compagnons d’Ulysse, dont j’ai
parlé plus haut (2), et celle de Bellérophon (espèce de mélancolie),
qui est dépeinte en ces termes caractéristiques : « Lorsque Belléro-
phon eut encouru la liaine de tous les dieux, il erra seul dans les
plaines d’Alium (en Cilicie), rongeant son cœur (ov 0up.ov xoctéSwv) et
fuyant la trace des hommes (3). » On ne s’étonne pas que l'excellent,
le sage Bellérophon devienne fou quand on se rappelle qu’il a ré-
sisté aux pressantes séductions de la nohle Antéa et triomphé des
terribles embûches qu’lobatès, roi de Lycie, avait dressées sur ses
pas pour venger l’injuste ressentiment de Prétus, l’époux d’Antêa.
C’est l’histoire de Joseph et de Putiphar.
Les anciens (4) ont pensé qu’Homère avait connu la rage, car, en
parlant d’Hector, Teucer l’appelle un chien enragé (5), et on a pensé
que le supplice de Tantale était aussi une image de la rage. Ce der-
nier rapprochement est plus que hasardé, mais il semble que la
qualification donnée à Hector a été inspirée par l’observation de la
maladie du chien. On sait qu’il y a eu dans l’antiquité de grandes
discussions sur la question de savoir si la rage humaine a toujours
(1) Voy., par exemple, Organisation de la méd. et de la chir. avant Hipp., etc.,
p. 304. — La règle posée par.M. Malgaigne souffre des exceptions, car les intermé-
diaires peuvent nous manquer sans que pour cela le fil de la tradition soit rompu
quand nous savons sur quelles autorités repose le dire de l’écrivain que nous inter-
rogeons.
(2) Voy. p. 103 et p. 342, note 1.
(3) VI, 200-203.
(4) Voy. par ex. Soranus (Cœlius Aurel. Août. III, 15, p. 228, éd. Almel).
(5) VIII, 299 . xuva Xuaar-OTïipa. Dans d’autres passages, le poëte trouve encore l’oc-
casion de comparer la fureur d’Hector à la rage.
dalire pour le panser si Podalire n’avait pas été engagé lui-même
dans la mêlée. Tout ce qu’on peut tirer du texte d’Arctinus, c’est que
la tradition n’est pas de l’avis de M. Malgaigne, que le poète place la
médecine au-dessus de la chirurgie et qu’il les tient toutes deux
pour contemporaines. Je n’aurais pas attaché une grande importance
à celte tradition, tout ancienne qu’elle est, si elle n’était appuyée
par des arguments plus décisifs, car notre savant confrère n’entend
pas raillerie quand il s’agit de témoins et de témoignages; il veut
des témoins oculaires, ou tout au moins des écrivains de. la géné-
ration suivante (1).
Maladies internes et peste.
Les seules maladies décrites dans les poèmes homériques sont : la
grande peste, la folie accidentelle des compagnons d’Ulysse, dont j’ai
parlé plus haut (2), et celle de Bellérophon (espèce de mélancolie),
qui est dépeinte en ces termes caractéristiques : « Lorsque Belléro-
phon eut encouru la liaine de tous les dieux, il erra seul dans les
plaines d’Alium (en Cilicie), rongeant son cœur (ov 0up.ov xoctéSwv) et
fuyant la trace des hommes (3). » On ne s’étonne pas que l'excellent,
le sage Bellérophon devienne fou quand on se rappelle qu’il a ré-
sisté aux pressantes séductions de la nohle Antéa et triomphé des
terribles embûches qu’lobatès, roi de Lycie, avait dressées sur ses
pas pour venger l’injuste ressentiment de Prétus, l’époux d’Antêa.
C’est l’histoire de Joseph et de Putiphar.
Les anciens (4) ont pensé qu’Homère avait connu la rage, car, en
parlant d’Hector, Teucer l’appelle un chien enragé (5), et on a pensé
que le supplice de Tantale était aussi une image de la rage. Ce der-
nier rapprochement est plus que hasardé, mais il semble que la
qualification donnée à Hector a été inspirée par l’observation de la
maladie du chien. On sait qu’il y a eu dans l’antiquité de grandes
discussions sur la question de savoir si la rage humaine a toujours
(1) Voy., par exemple, Organisation de la méd. et de la chir. avant Hipp., etc.,
p. 304. — La règle posée par.M. Malgaigne souffre des exceptions, car les intermé-
diaires peuvent nous manquer sans que pour cela le fil de la tradition soit rompu
quand nous savons sur quelles autorités repose le dire de l’écrivain que nous inter-
rogeons.
(2) Voy. p. 103 et p. 342, note 1.
(3) VI, 200-203.
(4) Voy. par ex. Soranus (Cœlius Aurel. Août. III, 15, p. 228, éd. Almel).
(5) VIII, 299 . xuva Xuaar-OTïipa. Dans d’autres passages, le poëte trouve encore l’oc-
casion de comparer la fureur d’Hector à la rage.