Première lettre sur les monnaies égyptiennes.
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M. Poole, qu'il essaie pourtant de reproduire partout, quand il attribue toutes les monnaies
dionysiaques à Philopator. M. Poole a procédé d'une façon très différente, et lui, archéologue
si distingué, si ami des textes, il se serait bien gardé d'attaquer violemment notre grand
Leteonne, doctus cum libro!! (auquel M. Feuardent a trop l'habitude de prêter des opinions
contraires aux siennes) et cela pour établir une attribution qui dans l'espèce est en définitive
complètement fausse. Les monnaies que M. Feuardent donne à Philipator ne lui appar-
tiennent certainement pas. Cela n'empêche pas M. Poole d'avoir raison quand il .classe
quelques-unes des monnaies dionysiaques à Philopator, comme il en classe d'autres aux règnes
postérieurs. Peut-être même d'autres documents numismatiques permettront-ils de faire remon-
ter encore plus haut l'origine de ces monnaies, se rattachant si intimement à la légende
religieuse des Lagides.
Mais je m'aperçois, mon cher ami, que je me suis laissé entraîner bien loin de la
monnaie de Philippe devenue monnaie de Soter. Je conclus donc en disant que le nouveau
» à ce point dévoué au culte de Dionysos, a dû, suivant l'usage de ces temps, prendre le nom de ce dieu. »
Mais ce n'est pas tout. Non seulement M. Feuardent reproche à Letkokne de ne pas avoir dit ce qu'il a
dit le premier, mais encore, faute de le comprendre, il lui reproche des fautes, aussi imaginaires qu'absurdes,
absolument contraires à son texte. Il dit en effet p. 99 de son livre : «Letronne, si célébrera tant de
» titres, surtout lorsqu'il s'agissait de recherches sur les dates des faits' historiques et sur les noms des
» personnages de l'antiquité, semble avoir commis une triple erreur dans l'article déjà cité de la Revue de
» numismatique, année 1843, p. 168, article où il relate les faits de l'histoire de Soter II, auquel il donne lo
»nom de second Philadelphe. Selon lui ce titre se rapporterait à son attachement pour cette sœur Cléopatre
» que les Alexandrins avaient toujours chérie et que son beau-frère Alexandre II avait si lâchement assassinée. Or,
»ici le titre de Philadelphe n'a aucune raison d'être invoqué, puisque cette Cléopatre était la fille de
» Soter II et non sa sœur; et comme nous venons déjà de le relater ci-dessus, cette reine était la sœur
»de la mère d'Alexandre II et alors seulement sa cousine.» Le passage que cite M. Feuardent, a été en
effet deux fois répété par Letronne. Seulement il faut remarquer que toujours il s'applique non point à
Soter II ou Ptolémée X, comme le dit M. Feuardent, mais à son fils Aulète ou Ptolémêe XI. C'est Ptolémée XI
Aulète qui portait les noms de Philopator, Philadelphe, ce dernier à cause de «son attachement pour cette
» sœur Cléopatre que les Alexandrins avaient toujours chérie et que son beau-frère Alexandre II avait si lâchement
» assassinée ». On ne peut donc faire une plus lourde bévue. Voici le passage en question tel qu'il se trouve
par exemple dans l'histoire du règne d'Aulète {Recueil des inscriptions, t. II, p. 81) : « Les véritables titres
«royaux de Ptolémée XI (Aulète) ne peuvent être que ceux qui se trouvent dans ces trois documents :
» à savoir ceux de Philopator et de Philadelphe. Le premier tenait sans doute au désir qu'avaient les
«tuteurs du roi, lors de son avènement de justifier la préférence des Alexandrins à son égard, quoiqu'il
»ne fut que Tenfant illégitime de Soter II. En prenant pour signe distinctif le titre de Philopator, on voulait
«rappeler sa tendresse filiale pour ce prince dont le règne paisible répara les maux causés par les troubles
»et les désordres qui avaient signalé celui de son frère Alexandre Ier. Le second titre Philadelphe se
«rattachait à son attachement pour cette sœur Cléopatre que les Alexandrins avaient toujours chérie et que son
» beau-frère Alexandre II avait si lâchement assassinée, ainsi qu'à la bonne intelligence qui avait toujours
«régné entre eux. Au moyen de ces deux titres qui le rattachaient à Soter II et à sa fille légitime, on tâchait
»de faire oublier qu'il était lui-même fils illégitime de ce prince.» Voilà ce qui arrive quand on n'est pas
doctus cum libro, selon l'expression de M. Feuardent, c'est-à-dire quand on ne se soucie pas des livres et
qu'on ne s'occupe que de «l'art». On ne comprend même plus les livres que l'on consulte. « L'art » du reste
peut mener bien loin, puisqu'il conduit M. Feuardent à affirmer à la page 59, avec M. Cousinery, que «l'art»
n'existait plus dans les pièces d'Aulète et qu'on ne pouvait lui attribuer de beaux coins et à la page 112
qu'Aulète fit fabriquer des monnaies d'un «travail d'art remarquable». (Voir aussi p. 147.) Ce genre de contra-
diction est constant dans l'ouvrage de M. Feuardent. J'avoue que, pour ma part, je préfère tenir compte
des données positives des monnaies et des textes, quand bien même je devrais passer pour être doctus cum.
libro. Des hommes comme M. Letronne doivent être lus quand on les attaque. Le travail do M. Feuardent
repose, du reste, sur la classification des monnaies du British Muséum faite par M. Poole qui est lui-même
un savant très distingué, classification que M. Feuardent a souvent fort mal comprise. 11 est en effet im-
possible d'être doctus sine libris.
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M. Poole, qu'il essaie pourtant de reproduire partout, quand il attribue toutes les monnaies
dionysiaques à Philopator. M. Poole a procédé d'une façon très différente, et lui, archéologue
si distingué, si ami des textes, il se serait bien gardé d'attaquer violemment notre grand
Leteonne, doctus cum libro!! (auquel M. Feuardent a trop l'habitude de prêter des opinions
contraires aux siennes) et cela pour établir une attribution qui dans l'espèce est en définitive
complètement fausse. Les monnaies que M. Feuardent donne à Philipator ne lui appar-
tiennent certainement pas. Cela n'empêche pas M. Poole d'avoir raison quand il .classe
quelques-unes des monnaies dionysiaques à Philopator, comme il en classe d'autres aux règnes
postérieurs. Peut-être même d'autres documents numismatiques permettront-ils de faire remon-
ter encore plus haut l'origine de ces monnaies, se rattachant si intimement à la légende
religieuse des Lagides.
Mais je m'aperçois, mon cher ami, que je me suis laissé entraîner bien loin de la
monnaie de Philippe devenue monnaie de Soter. Je conclus donc en disant que le nouveau
» à ce point dévoué au culte de Dionysos, a dû, suivant l'usage de ces temps, prendre le nom de ce dieu. »
Mais ce n'est pas tout. Non seulement M. Feuardent reproche à Letkokne de ne pas avoir dit ce qu'il a
dit le premier, mais encore, faute de le comprendre, il lui reproche des fautes, aussi imaginaires qu'absurdes,
absolument contraires à son texte. Il dit en effet p. 99 de son livre : «Letronne, si célébrera tant de
» titres, surtout lorsqu'il s'agissait de recherches sur les dates des faits' historiques et sur les noms des
» personnages de l'antiquité, semble avoir commis une triple erreur dans l'article déjà cité de la Revue de
» numismatique, année 1843, p. 168, article où il relate les faits de l'histoire de Soter II, auquel il donne lo
»nom de second Philadelphe. Selon lui ce titre se rapporterait à son attachement pour cette sœur Cléopatre
» que les Alexandrins avaient toujours chérie et que son beau-frère Alexandre II avait si lâchement assassinée. Or,
»ici le titre de Philadelphe n'a aucune raison d'être invoqué, puisque cette Cléopatre était la fille de
» Soter II et non sa sœur; et comme nous venons déjà de le relater ci-dessus, cette reine était la sœur
»de la mère d'Alexandre II et alors seulement sa cousine.» Le passage que cite M. Feuardent, a été en
effet deux fois répété par Letronne. Seulement il faut remarquer que toujours il s'applique non point à
Soter II ou Ptolémée X, comme le dit M. Feuardent, mais à son fils Aulète ou Ptolémêe XI. C'est Ptolémée XI
Aulète qui portait les noms de Philopator, Philadelphe, ce dernier à cause de «son attachement pour cette
» sœur Cléopatre que les Alexandrins avaient toujours chérie et que son beau-frère Alexandre II avait si lâchement
» assassinée ». On ne peut donc faire une plus lourde bévue. Voici le passage en question tel qu'il se trouve
par exemple dans l'histoire du règne d'Aulète {Recueil des inscriptions, t. II, p. 81) : « Les véritables titres
«royaux de Ptolémée XI (Aulète) ne peuvent être que ceux qui se trouvent dans ces trois documents :
» à savoir ceux de Philopator et de Philadelphe. Le premier tenait sans doute au désir qu'avaient les
«tuteurs du roi, lors de son avènement de justifier la préférence des Alexandrins à son égard, quoiqu'il
»ne fut que Tenfant illégitime de Soter II. En prenant pour signe distinctif le titre de Philopator, on voulait
«rappeler sa tendresse filiale pour ce prince dont le règne paisible répara les maux causés par les troubles
»et les désordres qui avaient signalé celui de son frère Alexandre Ier. Le second titre Philadelphe se
«rattachait à son attachement pour cette sœur Cléopatre que les Alexandrins avaient toujours chérie et que son
» beau-frère Alexandre II avait si lâchement assassinée, ainsi qu'à la bonne intelligence qui avait toujours
«régné entre eux. Au moyen de ces deux titres qui le rattachaient à Soter II et à sa fille légitime, on tâchait
»de faire oublier qu'il était lui-même fils illégitime de ce prince.» Voilà ce qui arrive quand on n'est pas
doctus cum libro, selon l'expression de M. Feuardent, c'est-à-dire quand on ne se soucie pas des livres et
qu'on ne s'occupe que de «l'art». On ne comprend même plus les livres que l'on consulte. « L'art » du reste
peut mener bien loin, puisqu'il conduit M. Feuardent à affirmer à la page 59, avec M. Cousinery, que «l'art»
n'existait plus dans les pièces d'Aulète et qu'on ne pouvait lui attribuer de beaux coins et à la page 112
qu'Aulète fit fabriquer des monnaies d'un «travail d'art remarquable». (Voir aussi p. 147.) Ce genre de contra-
diction est constant dans l'ouvrage de M. Feuardent. J'avoue que, pour ma part, je préfère tenir compte
des données positives des monnaies et des textes, quand bien même je devrais passer pour être doctus cum.
libro. Des hommes comme M. Letronne doivent être lus quand on les attaque. Le travail do M. Feuardent
repose, du reste, sur la classification des monnaies du British Muséum faite par M. Poole qui est lui-même
un savant très distingué, classification que M. Feuardent a souvent fort mal comprise. 11 est en effet im-
possible d'être doctus sine libris.
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