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CHRONOLOGIE HISTO RIQUE
G U I G U E S III.
I 1107. Guigues III , fils cle Guigues II , lui succecia
§ en bas âge , sous la garde - 110 bie du lloi Louis le
! Jeune , à qui son pere l’avoit recommandé en mou-
§ rant. Devenu majeur , il fut oblige cle prenclre les
| armes contre Guillaume II, Comte de jNeveis , cjiii
| faisoit cles entreprises sur le forez. S. Bernard vint
sur les lieux pour pacifler la querelle des deux Comtes.
II troLiva lans cesui du Forez toute la docilite qu il I
pouvoit espérer ; mais le Comte de Nevers protesta
qu’il n’accorcleroit aucune paix à son ennemi qu il ne
l’eût cliassé de sa terre ; et aussitôl', ayant râssemblé
ses troupes , il entra dans le Forez. Le Comte Gui-
gues , ne pouvant éviter le conibat, se recommancla
aux prieres clu saint homme , qui lui promit la victoire.
L’événement vérifla la promesse. Guigues , rempli de
foi, se jette comme un lion sur les ennemis , fait pri-
sonnier le Comte de Nevers , et taille en pieces ses
gens , de maniere qu’à peine deux ou trois purent
échapper au carnage. Voilà ce que raconte Jean l’Her-
rnite dans la vie de S. Bernard , sans marquer l’année
où ceci arriva. ( Bernardi op. vol. II , col. 1288.)
Cette faveur ne rendit pas Guigues plus équitable en-
vers l’Eglise de Lyon. Egaré par son ambition , il re-
'vint contre le Traité qu’Artaud IV avoit fait avec l’Ar-
clievêcsue Humbert, prétenclit être Seigneur de Lyon ,
ou du rnoins y avoir l’autorité prépondérante , et ne
voulut point reconnoître d’autre Seigneur cjue le Roi
de France au-dessus de lui. Héraclius de Alontbois-
sier, Archevêque de Lyon, ayant obtenu, l’an 1157,
de l’Empereur Frédéric I, par sa Bulle d’or datée
d’Arbois le 19 Novembre, l’Exarcat du Royaume cle
Bourgogne avec tous les droits régaliens sur la ville de
Lyon, Guigues s’en offensa au point qu’étant entré à
rnain armée dans Lyon, il maltraita les partisans du
Prélat, sur-toutles Clercs dontilpilla les maisons, et
l’obligea lui-même d’aller chercher un asyle dans la
Chartreuse des Portes, d’où il ne revint qu’au milieu
de l’année suivante. Guigues continua de molester
Héraclius jusqu’au décès de ce Prélat , arrivé l’an
1160.
IL’année suivante , le Chancelier de l’Empereur s’é-
tant avisé cle vouloir faire élever une citadeîle dans le
territoire cle Lyon, le Comte de Forez s’opposa vigou-
reusement à cette entreprise, chassa les ouvriers les
armes à la main, et les menaça, s’ils revenoient pour
la reprendre, cle 11e leur faire aucun quartier. C’est ce
que mande de Sens le Pape Alexandre III au Roi
Louis le Jeune, par une lettre clatée du 3o Juillet de
cette année (Duchêne, Scrip. franc. T. IV, p. 622.)
Guigues ne cherchoit par là qu’à se rendre le maître
absolu dans leLyonnois. Les conjonctures ne pouvoient
lui ètre plus favorables. Deux concurrens depuis la
mort d’FIéraclius, munis chacun d’une partie des suf-
frages du Chapitre, Drogon et Guichard, se dispu-
toient le Siége de Lyon. Cuigues proflta cle ce schisme
pour se rencire le maître absolu dans la ville, et em-
pêcher que ni Drogon ni Cuichard n’exerçassent au-
cune jurisdiction temporelle sur les Lyonnois. Mais le
premier, dont l’élection prévalut pendant quelcjue
tems, ayant mis dans ses intérêts Girard, Comte de
Mâcon, opposa une vigoureuse résistance au Comte
de Forez, et le mena si rudement, qu’il le contraignit |
d’abandonner la ville de Lyon, et le poursuivit même |
jusques dans.le Forez. C’est ce que Guigues lui-même
marque dans une lettre qu’il écrivit au lloi Louis le
Jeune, qui étoit pour lors en Auvergne occupé à ré-
duire le Comte Guillaumé : « Je m’étonne, Sire, lui
« dit-il, qu’étant votre hoinme par tant de titres,
» qu’ayant été fait Chevalier par Votre Majesté, q'ue
33 mon pere m’ayant laissé sous votre conduite et en
133 votre garde, que toute 111a terre d’ailleursvous apparte-
3j nant, vous ne m’ayez rien marqué de votre arrivée
33 en Auvergne. Malgré cela je serois actuellement dans
33 votre armée, si le Comte Girard et les Schismatiques
33 de Lyon ne fussent entrés à main armée' sur ma
33 terre. Or ils y sont venus non seulement pour nre
33 dépouiller , s’ils le pouvoient, mais encore pour
33 transporter mon Comté , qui releve de votre Cou-
33 ronne, à l’Empire teutonique. S’ils y réussissoient,
33 ce seroit un outrage sanglant qu’ils vous feroient en
33 face et au mépris des arrnes que vous avez actuelle-
33 ment entre les mains. Que Votre Majesté prenne
33 doncIesmesLiresconvenablespourmettresonhonneur
33 àcouvert et mes Domaines en sureté. Je la supplie
33 de vouloir bien donner une créance entiere au por-
33 teur cle la présente lettre, et,enlui ajoutant foi, de
33 vouloir bien exaucer ma priere. 33 (Duchêne, Scrip.
franc. T. IV, p. 708 et 709. )
Guigues eut l’honneur de recevoir peu après, dans
son châteaLi de Montbrison, ce Monarcpie au retour de
son expédition dans le Vélai, d’où il emmenoit pri-
sonniers le Vicomte de Polignac et son flls. Louis, en
reconnoissance de la bonne réception que le Comte
lui avoit faite, lui accorda, comme ii l’avoit demandé,
l’investiture cle l’Abbaye de Savigni. Mais Humbert III,
Sire de Beaujeu, Patron né de Savigni, s’opposa à cette
concession, et obligea Cuigues cl’y renoncersolemnel-
lement dans l’Eglise principale de Montbrison, en pré-
sence cle Louis et de sa Cour. (Pérard, p. 586.) Le
Monarque, pour dédommager Guigues, lui donna la
garde cles grands chemins dans Pétendue du Comté de
Forez et des terres qui en relevoient, sauf le clroit de
l’Eglise de Lyon; ce qui fut confirmé, l’an 1198, par
un Diplôme du Roi Philippe- Auguste. (Ménétrier,
hist. cle Lyon, p. 36. ) On voit par là que nos Rois
avoient la garde des grands chemins dans toute l’éten-
due du Royaume, etcjue les Seigneurs particuliers ne
la tenoient dans leurs districts que du bienfait clu
Monarque et en fief. Ce droit étoit important en ce
qu’il attribuoit à celui qui en jouissoit la connoissance
et justice des crimes comnris sur les grands chemins.
C’étoit en quekjue sorte le comble des droits régaliens.
Après que Drogon , de l’autorité du saint Siége,
eut été chassé par Guichard , la querelle continua
toujours entre cehii-ci et le Comte Guigues. Surles
plaintes que Guichard porta au Pape Alexandre 111
contre ce dernier, le Pontife commit l’Archevêque de
Tarentaise pour examiner les prètentions respectives
des parties. On fit, le 15 Octobre de l’an 1167, un
Traité par lequel il c'toit dit que la monnoie, les péa-
ges, et d’autres droits, seroient communs entre l’Ar-
chevêque et le Çomte, et qu’ils ne pourroient acqué-
rir des fiefs l’un sans l’autre dans la ville et ses dé-
pendances. (Spicil. T. IX, p. 149.) Loin d’avoir le
succès qu’on s’en étoit promis, ce Traité 11e servit qu’à
fournir matiere à de nouvelles disputes. Eniln, l’an
1173, le Comte Guigues consentit à céder à l’Arche-
vêque Guichard le Comté de Lyon, comrne il se com-
portoit, pour lui et son Eglise, à perpétuité, moyen-
nant onze ceris marcs d’argent et un certain nombre
de terres dans le Forez que le Prélat et son Chapitre
lui abandonnerent. L’acte de cet échange, approuvé
par les Papes Alexandre III et Lucius III, son succes-
seur, ratifié, l’an 1183, par le Iloi Philippe-Auguste,
après avoir reçu de Jean aux belles mains, pour lors
Archevêque, l’hommage pour la partie de Lyon située
sur la rive droite.de la Saône, confirmé, l’an 1184,
par l’Empereur Frédéric I, comme Suzerain de l’autre
partie de la ville, établit l’Archevêque et les Chanoi-
nes de Lyon Comtes de cette ville aux mêmes droits
que l’étoient les Comtes de Forez. Mais les Osficiers
des nouveaux Comtes ne tarderent pas à indisposer les
habitans de Lyon par les impôts qu’ils leverent sur
eux, et par d’autres atteintes qu’ils donnerent aux pri-
viléges de cette ville, qui étoit en possession de se
gouverner en forme de République. On en vint sous
le gouvernement de l’Archevêque Renaud de Forez,
successeur
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CHRONOLOGIE HISTO RIQUE
G U I G U E S III.
I 1107. Guigues III , fils cle Guigues II , lui succecia
§ en bas âge , sous la garde - 110 bie du lloi Louis le
! Jeune , à qui son pere l’avoit recommandé en mou-
§ rant. Devenu majeur , il fut oblige cle prenclre les
| armes contre Guillaume II, Comte de jNeveis , cjiii
| faisoit cles entreprises sur le forez. S. Bernard vint
sur les lieux pour pacifler la querelle des deux Comtes.
II troLiva lans cesui du Forez toute la docilite qu il I
pouvoit espérer ; mais le Comte de Nevers protesta
qu’il n’accorcleroit aucune paix à son ennemi qu il ne
l’eût cliassé de sa terre ; et aussitôl', ayant râssemblé
ses troupes , il entra dans le Forez. Le Comte Gui-
gues , ne pouvant éviter le conibat, se recommancla
aux prieres clu saint homme , qui lui promit la victoire.
L’événement vérifla la promesse. Guigues , rempli de
foi, se jette comme un lion sur les ennemis , fait pri-
sonnier le Comte de Nevers , et taille en pieces ses
gens , de maniere qu’à peine deux ou trois purent
échapper au carnage. Voilà ce que raconte Jean l’Her-
rnite dans la vie de S. Bernard , sans marquer l’année
où ceci arriva. ( Bernardi op. vol. II , col. 1288.)
Cette faveur ne rendit pas Guigues plus équitable en-
vers l’Eglise de Lyon. Egaré par son ambition , il re-
'vint contre le Traité qu’Artaud IV avoit fait avec l’Ar-
clievêcsue Humbert, prétenclit être Seigneur de Lyon ,
ou du rnoins y avoir l’autorité prépondérante , et ne
voulut point reconnoître d’autre Seigneur cjue le Roi
de France au-dessus de lui. Héraclius de Alontbois-
sier, Archevêque de Lyon, ayant obtenu, l’an 1157,
de l’Empereur Frédéric I, par sa Bulle d’or datée
d’Arbois le 19 Novembre, l’Exarcat du Royaume cle
Bourgogne avec tous les droits régaliens sur la ville de
Lyon, Guigues s’en offensa au point qu’étant entré à
rnain armée dans Lyon, il maltraita les partisans du
Prélat, sur-toutles Clercs dontilpilla les maisons, et
l’obligea lui-même d’aller chercher un asyle dans la
Chartreuse des Portes, d’où il ne revint qu’au milieu
de l’année suivante. Guigues continua de molester
Héraclius jusqu’au décès de ce Prélat , arrivé l’an
1160.
IL’année suivante , le Chancelier de l’Empereur s’é-
tant avisé cle vouloir faire élever une citadeîle dans le
territoire cle Lyon, le Comte de Forez s’opposa vigou-
reusement à cette entreprise, chassa les ouvriers les
armes à la main, et les menaça, s’ils revenoient pour
la reprendre, cle 11e leur faire aucun quartier. C’est ce
que mande de Sens le Pape Alexandre III au Roi
Louis le Jeune, par une lettre clatée du 3o Juillet de
cette année (Duchêne, Scrip. franc. T. IV, p. 622.)
Guigues ne cherchoit par là qu’à se rendre le maître
absolu dans leLyonnois. Les conjonctures ne pouvoient
lui ètre plus favorables. Deux concurrens depuis la
mort d’FIéraclius, munis chacun d’une partie des suf-
frages du Chapitre, Drogon et Guichard, se dispu-
toient le Siége de Lyon. Cuigues proflta cle ce schisme
pour se rencire le maître absolu dans la ville, et em-
pêcher que ni Drogon ni Cuichard n’exerçassent au-
cune jurisdiction temporelle sur les Lyonnois. Mais le
premier, dont l’élection prévalut pendant quelcjue
tems, ayant mis dans ses intérêts Girard, Comte de
Mâcon, opposa une vigoureuse résistance au Comte
de Forez, et le mena si rudement, qu’il le contraignit |
d’abandonner la ville de Lyon, et le poursuivit même |
jusques dans.le Forez. C’est ce que Guigues lui-même
marque dans une lettre qu’il écrivit au lloi Louis le
Jeune, qui étoit pour lors en Auvergne occupé à ré-
duire le Comte Guillaumé : « Je m’étonne, Sire, lui
« dit-il, qu’étant votre hoinme par tant de titres,
» qu’ayant été fait Chevalier par Votre Majesté, q'ue
33 mon pere m’ayant laissé sous votre conduite et en
133 votre garde, que toute 111a terre d’ailleursvous apparte-
3j nant, vous ne m’ayez rien marqué de votre arrivée
33 en Auvergne. Malgré cela je serois actuellement dans
33 votre armée, si le Comte Girard et les Schismatiques
33 de Lyon ne fussent entrés à main armée' sur ma
33 terre. Or ils y sont venus non seulement pour nre
33 dépouiller , s’ils le pouvoient, mais encore pour
33 transporter mon Comté , qui releve de votre Cou-
33 ronne, à l’Empire teutonique. S’ils y réussissoient,
33 ce seroit un outrage sanglant qu’ils vous feroient en
33 face et au mépris des arrnes que vous avez actuelle-
33 ment entre les mains. Que Votre Majesté prenne
33 doncIesmesLiresconvenablespourmettresonhonneur
33 àcouvert et mes Domaines en sureté. Je la supplie
33 de vouloir bien donner une créance entiere au por-
33 teur cle la présente lettre, et,enlui ajoutant foi, de
33 vouloir bien exaucer ma priere. 33 (Duchêne, Scrip.
franc. T. IV, p. 708 et 709. )
Guigues eut l’honneur de recevoir peu après, dans
son châteaLi de Montbrison, ce Monarcpie au retour de
son expédition dans le Vélai, d’où il emmenoit pri-
sonniers le Vicomte de Polignac et son flls. Louis, en
reconnoissance de la bonne réception que le Comte
lui avoit faite, lui accorda, comme ii l’avoit demandé,
l’investiture cle l’Abbaye de Savigni. Mais Humbert III,
Sire de Beaujeu, Patron né de Savigni, s’opposa à cette
concession, et obligea Cuigues cl’y renoncersolemnel-
lement dans l’Eglise principale de Montbrison, en pré-
sence cle Louis et de sa Cour. (Pérard, p. 586.) Le
Monarque, pour dédommager Guigues, lui donna la
garde cles grands chemins dans Pétendue du Comté de
Forez et des terres qui en relevoient, sauf le clroit de
l’Eglise de Lyon; ce qui fut confirmé, l’an 1198, par
un Diplôme du Roi Philippe- Auguste. (Ménétrier,
hist. cle Lyon, p. 36. ) On voit par là que nos Rois
avoient la garde des grands chemins dans toute l’éten-
due du Royaume, etcjue les Seigneurs particuliers ne
la tenoient dans leurs districts que du bienfait clu
Monarque et en fief. Ce droit étoit important en ce
qu’il attribuoit à celui qui en jouissoit la connoissance
et justice des crimes comnris sur les grands chemins.
C’étoit en quekjue sorte le comble des droits régaliens.
Après que Drogon , de l’autorité du saint Siége,
eut été chassé par Guichard , la querelle continua
toujours entre cehii-ci et le Comte Guigues. Surles
plaintes que Guichard porta au Pape Alexandre 111
contre ce dernier, le Pontife commit l’Archevêque de
Tarentaise pour examiner les prètentions respectives
des parties. On fit, le 15 Octobre de l’an 1167, un
Traité par lequel il c'toit dit que la monnoie, les péa-
ges, et d’autres droits, seroient communs entre l’Ar-
chevêque et le Çomte, et qu’ils ne pourroient acqué-
rir des fiefs l’un sans l’autre dans la ville et ses dé-
pendances. (Spicil. T. IX, p. 149.) Loin d’avoir le
succès qu’on s’en étoit promis, ce Traité 11e servit qu’à
fournir matiere à de nouvelles disputes. Eniln, l’an
1173, le Comte Guigues consentit à céder à l’Arche-
vêque Guichard le Comté de Lyon, comrne il se com-
portoit, pour lui et son Eglise, à perpétuité, moyen-
nant onze ceris marcs d’argent et un certain nombre
de terres dans le Forez que le Prélat et son Chapitre
lui abandonnerent. L’acte de cet échange, approuvé
par les Papes Alexandre III et Lucius III, son succes-
seur, ratifié, l’an 1183, par le Iloi Philippe-Auguste,
après avoir reçu de Jean aux belles mains, pour lors
Archevêque, l’hommage pour la partie de Lyon située
sur la rive droite.de la Saône, confirmé, l’an 1184,
par l’Empereur Frédéric I, comme Suzerain de l’autre
partie de la ville, établit l’Archevêque et les Chanoi-
nes de Lyon Comtes de cette ville aux mêmes droits
que l’étoient les Comtes de Forez. Mais les Osficiers
des nouveaux Comtes ne tarderent pas à indisposer les
habitans de Lyon par les impôts qu’ils leverent sur
eux, et par d’autres atteintes qu’ils donnerent aux pri-
viléges de cette ville, qui étoit en possession de se
gouverner en forme de République. On en vint sous
le gouvernement de l’Archevêque Renaud de Forez,
successeur