DES PRINCES D E JOINVILLE. 607
se gouvernerent, dit l’Auteur, également Protestant,
du Journal de Henri III, de maniere que plusieurs
Gentilshommes huguenots reconnoissent aujourd'hui
tenir la vie d’eux. Le Duc de Guise 11’en étoit pas
moins ennemi de leur secte. L’année suivante , il si-
gnala son zele contre elie au siége de la Roclielle, en-
trepris par le Duc d’Anjou. Ce dernier ayant succédé,
l’an i5y4 ? sous le nom de Henri III , au lloi Cliar-
les IX, son frere , n’iiérita point de la considération
qu’il avoit téinoignée au Duc de Guise. Offensé de la
hauteur de son caractere, il afsecta de le rabaisser en
plusieurs rencontres, et l’obligea , par les passe-droits
qu’il lui fxt, à s’éloigner pour un tems de la Cour. Le
Duc se retira dans sa terre de Joinville , d’où il alla
joindre , sans en être prié, les Maréchaux de Bironet
de Iletz, envoyés contre les Ileitres , commaudés par
Thoré-Montmorenci, Chef des mécontens. 11 eut part
à la victoire que ces deux Généraux remporterent, au
mois de Novembre i5y5 , surle rebelie , etreçut dans
l’action une blessure au visage, dont la cicatrice, qui
lui demeura, le fit surnommer le Balasré. Les Edits
favorables que les Huguenots arracherent peu de tems
après à la Cour, furent pour le Duc de Guise un pré-
texte spécieux de donner l’essor à son zele pour la re-
ligion catholique. La fameuse ligue qu’ils occasion-
nerent, et à la formation de laquelle il eut beaucoup
| de part, ne balança point à le reconnoitre pour son
Chef. Elle n’en pouvoit clioisir un plus capable de
captiver les esprits et de les gouverner à son gré.
3) Henri , Duc de Guise, dit un Historien du tems ,
» avoit un mot toujours prêt pour le Gentiihomme
33 intéressé qui venoit le voir, un autre pour le Bour-
» geois qui, le cceur gros de l’honneur qu’il avoit
« reçu, s’en retournoit le raconter dans sa famille jj.
Les grands mouvemens de la ligue ne commencerent
à éclater qu’après la mort du Duc d’Alençon et d’An-
jou, frere de Henri 111, arrivée le xo Juin 1584. Le
Roi de Navarrc, qui étoit Protestant, étant par là de-
venu rhéritier présomptif du trône de France , les Li-
gueurs, excités par le Duc de Guise , mirent tout en
oeuvre pour l’en écarter. 11s supposerent au Cardinal
de Bourbon des droits légitimes à la Couronne ; et,
■ appuyés par le Pape et le Roi d’Espagne , que le Duc
avoit fait entrer dans ses vues, ils se disposerent à sou-
tenir ces prétentions par la voie des armes. L’Edit,
rendu le j Juillet i585 en conséquence du Traité de
Nemours , ne les rassura pas. Ils forcerent Henri III à
se mettre à leur tête et à déclarer la guerre aux Protes-
tans. L’an i58y, le Duc de Guise défit les Reîtres , le
27 Octobre, à Vimori, et, le 24 Novembre, à Auneau,
dans le Chartrain. S’étant transporté , l’année sui-
vante, à Nanci, il y concerte, avec les Princes de sa
1 Maison et les Chefs des Ligueurs , un mémoire en
forme de requête au Roi, contenant plusieurs de-
mandes qui mettoientle comble à la révolte. Le Pcoi,
pour réponse, lui écrit à Soissons, où il apprend qu’il
s’est rendu , pour lui défendre de venir à Paris. Le
Duc continue sa route , arrive dans la capitale le 9 du
mois de Mai, n’ayant pour cortege que sept ou huit
Gentilshommes. Toute la ville s’émeut à son arrivée
et le reçoit conime le défenseur de la religion et le li-
bérateur de la patrie. Le Roi, devant lequel il vient
se présenter , lui reproche sa désobéissance à la lettre
qu’il lui a ècrite. Le Duc proteste ne l’avoir point
| reçue : et en effet elle n’étoit point parvenue jusqu’à
i lui ( 1 ). Le 12 du méme mois est mémorable par la
j journée des Barricades , où Guise fut assez puissant
pour se rendre maître de la personne du Roi s’il avoit
eu l’audace de le tenter. Mais cette puissance accé-
léra sa perte. Une réconciliation , qui ne pouvoit être
sincere , l’aveugla. Les Etats ayant été convoqués à
Blois , il y assista malgré le conseil qu’on lui avoit
donné de ne point s’y trouver. II négligea ou méprisa
de même les différens avis qu’il y reçut des desscins
formés contre sa vie. Trop engagé pour reculer , ii
aima mieux asfronter la mort que d’abandonner ses
partisans. Victiine d’un faux point d’honneur et d’une
fèrineté déplacée , il fut poignardé à la porte du cabi-
nct du lloi le 28 Décembre i588. Le Cardinal, son
frere, périt de même le lendemain, percé de coups par
ordre du Roi. ( Vov. Le régne de Henri III. )
Le Duc Henri» étoit né, dit l’Abbé ie Laboureur,
avec de si excellentes qualités de corps,d’esprit et de
33 courage , qu’on ne peut faire son éloge sans plaindre
33 sa destinée, et sans chercher de quoi l’excuser par le
33 même sentiment qui faisoit dire de son tems, que les
33 Huguenots étoient a la ligue quandils lc regardoient.
3> Gar 011 11e peut sire son liistoire sans admirer la
33 fierté qu’ii gardoit à la Cour , et cet accès si facile
33 et si gracieux qui gaguoit le cœur de tous ceuxqLii
3) l’approchoient, et qui le rendit l’idole du peuple 3>.
( Gén. manuscrite de La M. de Lorraine. )
Cependant à ses belles qualités il inêloit de grands
défauts. Ün 11e peut lui refuser de la magnanimité ,
de la bravoure , cle la gcnérosité; mais is avoit plus
de vivacité dans l’imagination que de justesse dans
l’esprit. ün lui a reproché de manquer de droiture
et de s’être abaissé , malgré sa herté , aux vices des
courtisans. Sa passion étoit de vouloir dominer : dé-
faut qui le fit haïr dans sa propre famille. Mais cette
passion le porta-t-elle jusqu’à vouloir détrôner HenrilII
et s’emparer de sa Couronne ? C’est une accusation
qu’ont fbrmée contre lni, dans son siecle , les Protes-
tans potir autoriser la guerre civile , et les Catholi-
ques non - Ligueurs pour justifier la conduite de
Henri 111 à son égard.
Ce Prince avoit épousé , l’an i5yo , Gatherine ,
fille de François de Cleves , Duc de Nevers , veuve
d’Antoine de Croï, Prince de Porcien , morte à Paris
le 11 Mai 1633 , dont il laissa Charles , qui suit ;
Claude, Duc de Chevreuse , Grand Chambellan et
Grand Fauconnier de France, mort le 24 Janvier 165 y ;
Louis, Cardinal de Guise, Archevêque de Reims, mort 1
le 21 Juin 1621 ; François-Alexandre-Paris, né post-
hume, Chevalier de Malthe, Lieutenant-Général au
Gouvernement de Provence , tué, le 1 Juin 1614, au
château de Baux, près de Tarascon, de l’éclat d’un
canon qui creva coinme il y mettoit le feu ( ce fut lui
qui tua en duel, le 5 Janvier 1613, dans la rue Saint-
ldonoré de Paris, le Baron tle Lux , et au bout d’un
mois le fils de ce même Baron; le premierpour s’être
vanté d’avoir été du Conseil de Blois tenu contre la vie
du feu Duc de Guise ) ; Louise-Marguerite, femme de
François de Ëourbon , Prince de Conti , morte le
3o Avril i63i ; Renée, Abbesse de S. Pierre de Reims,
rnorte le 26 Juin 1626 ; et Jeanne, Abbesse de Jouarre,
décédée le 8 Octobre i638.
CHARLES D E LORRAINE.
i588. Charles de Lorraine , Prince de Joinville
et Duc de Guise , né le 20 Août 1571 , fut arrêté
avec plusieurs autres le jour de l’exéçution du Duc
Plenri , son pere , à Blois , et demeura prisonnier jus-
qu’en i5yi. S’étant sauvé du château de Tours , il
se rendit à Paris , où il fut reçu avec de grandes ac-
clamations. II se lia très étroitement avec les Seize ,
et donna par là au Duc de Mayenne, son oncle, des
jalousies qui causerent la ruine du parti. Parmi les
braves de ia ligue se distinguoit liu soidat de fortune ,
nommé S. Paui, qui fut l’un des quatre Maréchaux
de France que créa le Duc de Mayenne en i5$3.
Non content de cette faveur , il lui donna le gouver-
nement de Champagne , où il se comporta en tyran.
Le Dlic Charles , l’ayant prié de retixer de Reims les
( 1 ) Ü falloit 2.5 écus au courier chargé de la lettre qui conteuoit la défense. Ils ne se trouverent pas ; la lettre fut mise à la posLe, et
n’arriva à Soissons qu’après le départ du Duc.
BaimÊKÊÊÊÊtmÊmiKmÊimÊÊÊÊKmmtÊiKmÊmmtBmÊaaBsmmmmmÊÊvmxamaÊÊBmÊÊÊÊÊmgÊÊÊm———maÊÊÊmÊmmmmmmmm 1—
se gouvernerent, dit l’Auteur, également Protestant,
du Journal de Henri III, de maniere que plusieurs
Gentilshommes huguenots reconnoissent aujourd'hui
tenir la vie d’eux. Le Duc de Guise 11’en étoit pas
moins ennemi de leur secte. L’année suivante , il si-
gnala son zele contre elie au siége de la Roclielle, en-
trepris par le Duc d’Anjou. Ce dernier ayant succédé,
l’an i5y4 ? sous le nom de Henri III , au lloi Cliar-
les IX, son frere , n’iiérita point de la considération
qu’il avoit téinoignée au Duc de Guise. Offensé de la
hauteur de son caractere, il afsecta de le rabaisser en
plusieurs rencontres, et l’obligea , par les passe-droits
qu’il lui fxt, à s’éloigner pour un tems de la Cour. Le
Duc se retira dans sa terre de Joinville , d’où il alla
joindre , sans en être prié, les Maréchaux de Bironet
de Iletz, envoyés contre les Ileitres , commaudés par
Thoré-Montmorenci, Chef des mécontens. 11 eut part
à la victoire que ces deux Généraux remporterent, au
mois de Novembre i5y5 , surle rebelie , etreçut dans
l’action une blessure au visage, dont la cicatrice, qui
lui demeura, le fit surnommer le Balasré. Les Edits
favorables que les Huguenots arracherent peu de tems
après à la Cour, furent pour le Duc de Guise un pré-
texte spécieux de donner l’essor à son zele pour la re-
ligion catholique. La fameuse ligue qu’ils occasion-
nerent, et à la formation de laquelle il eut beaucoup
| de part, ne balança point à le reconnoitre pour son
Chef. Elle n’en pouvoit clioisir un plus capable de
captiver les esprits et de les gouverner à son gré.
3) Henri , Duc de Guise, dit un Historien du tems ,
» avoit un mot toujours prêt pour le Gentiihomme
33 intéressé qui venoit le voir, un autre pour le Bour-
» geois qui, le cceur gros de l’honneur qu’il avoit
« reçu, s’en retournoit le raconter dans sa famille jj.
Les grands mouvemens de la ligue ne commencerent
à éclater qu’après la mort du Duc d’Alençon et d’An-
jou, frere de Henri 111, arrivée le xo Juin 1584. Le
Roi de Navarrc, qui étoit Protestant, étant par là de-
venu rhéritier présomptif du trône de France , les Li-
gueurs, excités par le Duc de Guise , mirent tout en
oeuvre pour l’en écarter. 11s supposerent au Cardinal
de Bourbon des droits légitimes à la Couronne ; et,
■ appuyés par le Pape et le Roi d’Espagne , que le Duc
avoit fait entrer dans ses vues, ils se disposerent à sou-
tenir ces prétentions par la voie des armes. L’Edit,
rendu le j Juillet i585 en conséquence du Traité de
Nemours , ne les rassura pas. Ils forcerent Henri III à
se mettre à leur tête et à déclarer la guerre aux Protes-
tans. L’an i58y, le Duc de Guise défit les Reîtres , le
27 Octobre, à Vimori, et, le 24 Novembre, à Auneau,
dans le Chartrain. S’étant transporté , l’année sui-
vante, à Nanci, il y concerte, avec les Princes de sa
1 Maison et les Chefs des Ligueurs , un mémoire en
forme de requête au Roi, contenant plusieurs de-
mandes qui mettoientle comble à la révolte. Le Pcoi,
pour réponse, lui écrit à Soissons, où il apprend qu’il
s’est rendu , pour lui défendre de venir à Paris. Le
Duc continue sa route , arrive dans la capitale le 9 du
mois de Mai, n’ayant pour cortege que sept ou huit
Gentilshommes. Toute la ville s’émeut à son arrivée
et le reçoit conime le défenseur de la religion et le li-
bérateur de la patrie. Le Roi, devant lequel il vient
se présenter , lui reproche sa désobéissance à la lettre
qu’il lui a ècrite. Le Duc proteste ne l’avoir point
| reçue : et en effet elle n’étoit point parvenue jusqu’à
i lui ( 1 ). Le 12 du méme mois est mémorable par la
j journée des Barricades , où Guise fut assez puissant
pour se rendre maître de la personne du Roi s’il avoit
eu l’audace de le tenter. Mais cette puissance accé-
léra sa perte. Une réconciliation , qui ne pouvoit être
sincere , l’aveugla. Les Etats ayant été convoqués à
Blois , il y assista malgré le conseil qu’on lui avoit
donné de ne point s’y trouver. II négligea ou méprisa
de même les différens avis qu’il y reçut des desscins
formés contre sa vie. Trop engagé pour reculer , ii
aima mieux asfronter la mort que d’abandonner ses
partisans. Victiine d’un faux point d’honneur et d’une
fèrineté déplacée , il fut poignardé à la porte du cabi-
nct du lloi le 28 Décembre i588. Le Cardinal, son
frere, périt de même le lendemain, percé de coups par
ordre du Roi. ( Vov. Le régne de Henri III. )
Le Duc Henri» étoit né, dit l’Abbé ie Laboureur,
avec de si excellentes qualités de corps,d’esprit et de
33 courage , qu’on ne peut faire son éloge sans plaindre
33 sa destinée, et sans chercher de quoi l’excuser par le
33 même sentiment qui faisoit dire de son tems, que les
33 Huguenots étoient a la ligue quandils lc regardoient.
3> Gar 011 11e peut sire son liistoire sans admirer la
33 fierté qu’ii gardoit à la Cour , et cet accès si facile
33 et si gracieux qui gaguoit le cœur de tous ceuxqLii
3) l’approchoient, et qui le rendit l’idole du peuple 3>.
( Gén. manuscrite de La M. de Lorraine. )
Cependant à ses belles qualités il inêloit de grands
défauts. Ün 11e peut lui refuser de la magnanimité ,
de la bravoure , cle la gcnérosité; mais is avoit plus
de vivacité dans l’imagination que de justesse dans
l’esprit. ün lui a reproché de manquer de droiture
et de s’être abaissé , malgré sa herté , aux vices des
courtisans. Sa passion étoit de vouloir dominer : dé-
faut qui le fit haïr dans sa propre famille. Mais cette
passion le porta-t-elle jusqu’à vouloir détrôner HenrilII
et s’emparer de sa Couronne ? C’est une accusation
qu’ont fbrmée contre lni, dans son siecle , les Protes-
tans potir autoriser la guerre civile , et les Catholi-
ques non - Ligueurs pour justifier la conduite de
Henri 111 à son égard.
Ce Prince avoit épousé , l’an i5yo , Gatherine ,
fille de François de Cleves , Duc de Nevers , veuve
d’Antoine de Croï, Prince de Porcien , morte à Paris
le 11 Mai 1633 , dont il laissa Charles , qui suit ;
Claude, Duc de Chevreuse , Grand Chambellan et
Grand Fauconnier de France, mort le 24 Janvier 165 y ;
Louis, Cardinal de Guise, Archevêque de Reims, mort 1
le 21 Juin 1621 ; François-Alexandre-Paris, né post-
hume, Chevalier de Malthe, Lieutenant-Général au
Gouvernement de Provence , tué, le 1 Juin 1614, au
château de Baux, près de Tarascon, de l’éclat d’un
canon qui creva coinme il y mettoit le feu ( ce fut lui
qui tua en duel, le 5 Janvier 1613, dans la rue Saint-
ldonoré de Paris, le Baron tle Lux , et au bout d’un
mois le fils de ce même Baron; le premierpour s’être
vanté d’avoir été du Conseil de Blois tenu contre la vie
du feu Duc de Guise ) ; Louise-Marguerite, femme de
François de Ëourbon , Prince de Conti , morte le
3o Avril i63i ; Renée, Abbesse de S. Pierre de Reims,
rnorte le 26 Juin 1626 ; et Jeanne, Abbesse de Jouarre,
décédée le 8 Octobre i638.
CHARLES D E LORRAINE.
i588. Charles de Lorraine , Prince de Joinville
et Duc de Guise , né le 20 Août 1571 , fut arrêté
avec plusieurs autres le jour de l’exéçution du Duc
Plenri , son pere , à Blois , et demeura prisonnier jus-
qu’en i5yi. S’étant sauvé du château de Tours , il
se rendit à Paris , où il fut reçu avec de grandes ac-
clamations. II se lia très étroitement avec les Seize ,
et donna par là au Duc de Mayenne, son oncle, des
jalousies qui causerent la ruine du parti. Parmi les
braves de ia ligue se distinguoit liu soidat de fortune ,
nommé S. Paui, qui fut l’un des quatre Maréchaux
de France que créa le Duc de Mayenne en i5$3.
Non content de cette faveur , il lui donna le gouver-
nement de Champagne , où il se comporta en tyran.
Le Dlic Charles , l’ayant prié de retixer de Reims les
( 1 ) Ü falloit 2.5 écus au courier chargé de la lettre qui conteuoit la défense. Ils ne se trouverent pas ; la lettre fut mise à la posLe, et
n’arriva à Soissons qu’après le départ du Duc.
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