CHRONOLOGIE HISTORIQUE
716
surnomment inclifféremment de Boves et de Couci.
Dreux étoit fxls de Hugues, peut-être gendre d’Albéric,
Sire de Couci, et fondateur en 1076 de l’Abbaye de
Nogent, voisiiie de ce lieu. Celui-ci s’etant presente,
le 3 Décembre de l’an 1059, avec Mathilde sa mere ,
Adele sa femme , et quelques uns des plus distingues
de ses vassaux , cum cdicjuot optimcitibus suis, a He-
linand, Evêque de Laon, obtint de lui l’assrancliisse-
ment de l’Egiise (paroissiale) de Nogent-sous-Couci,
le Pi'élat se réservant le droit de conferer curam ani-
\ marum. (Cart. cle l’Abb. de JSsogent, fol. 19, r°. )
Albéric, Pan 1071, fut un des Seigneurs qui souscri-
virent avec plusieurs Prélats le Diplôme du R oi Phi-
lippe I, par lequel ce Prince, à la priere de l’Eveque
Helinand, confirina à l’Eglise de Laon la jouissance
de ce que les Rois ses prédécesseurs lui avoient ac-
cordé aux villages de Vaux et de S. Marcel, ainsi que
les droits d’étalage sur le marché de Laon. ( Arcliiv.
de VEgiise de Laon. ) Albéric étoit apparemment né
de Léon ou Lion , Sire de Couci, à qui un ancien
roman donne neuf pieds de hauteur, et qui fut tué
par Renaud 011 Iléginaire, Evêque de Liége, à la ba-
taille donnée, le i5 Nov. 1007, près de Bar-le-Duc,
par Gotlielon , Duc de Lorraine I, contre Eudes II,
Cointe de Cbampagne , qui disputoit à l’Empereur
Conrad II le R.oyaume de Bourgogne :
Lion, qui de Couchy tenoit tout le terral,
Qui fu de neuf pis gran , un bras eut trop mortal.
Ces Loherains détranche tiestes, jambes et musteals.
L’Evesque Reginaire noblement soy demaine,
De sa mache assena Lion le Capitaine.
Revenons à Enguerand. Ade , sa femme, fxlle de
\ Létard de Rouci, lui apporta en dot la terre de Marle
et vraisemblablement aussi celle de la Fere ; du moiiis
est-il certain qu’elle lui appartenoit du côté de sa
femme. L’an 1095, il renouvella en faveur de i’Abbaye
de Nogent-sous-Couci les donations faites par Albéric,
et y en ajouta de nouvelles, sans avoir recours à d’autre
. Suzerain qu’au Iloi pour faire autoriser ce jeu de fief. II
en obfint, comme Albéric , la colrfirmation par utl
Diplôme de Pliilippe I. ( DuPIessis, Ilist. cle Couci,pr.
p. 131. ) Ade , par sa conduite licencieuse, donna de
violens soupçons de sa fxdélité à son époux. Ils allerent
si loin , qu’Ënguerand refusa de reconnoître pour son
fils Thomas qu’elle mit au monde , et pensa à le déshé-
riter. Ade étant morte , Enguerand prit une seconde
alliance avec Sibylle , fxlle cle Roger, Comte de Châ-
teau-Portien, et femme de Godefroi, Cornte de Namur,
Iqui étoit encore vivant. Sibylle étoit pour lors au châ-
teau de Tour en Portien , où elle s’étoit retirée, tandis
que Godefroi étoit à la guerre. Ennuyée de la longue
absence de son mari, elle consentit à l’osfre qu’En-
guerand lui fit de lui en tenir lieu , et passa dans les
bras de ce Seigneur, qui la retint pour ëpouse, et s’em-
para clu Comté cle Château-Portien , dont son pere l’a-
voit fait héritiere au préjudice de ses enfans du pre-
mier iit. Ceci arriva sur la fin du onzieme siecle. Le
Comte de Namur, à son retour, ayant vainement ré-
clamé sa femme, cléclara la guerre au Sire de Couci.
Elle se fit avec fureur de part et d’autre , jusques là,
dit Guibert de Nogent, auteur contemporain , que,
des cleux côtés , quiconque avoit le malheur cl’être pris
étoit ou pendu, ou privé de la vue, ou mutilé par les
piecls. Mais Enguerand se défendit avec tantde valeur,
que son rival fut obligé d’abandonner la partie et de
laisser sa femme entre les bras du ravisseur. Le Sire
de Couci n’avôit plus à craindre que les foudres de
l’Eglise. Poui' les parer, il engagea l’Evêque de Laon,
son cousin, nommé comme lui, à l’absoudre de son
crime et à réhabiliter son mariage.
L’an in3, Enguerand s’oppose à la Charte de
Commune que le Roi Louis le Gros avoit accordée
aux habitans d’Amiens du consentement de Godefroi,
leur Evêque. On en vint aux armes. Les Bourgeois,
appuyés de Thomas, fils d’Enguerand, brouillé alors
avec son pere, furent d’abord vainqueurs ; mais le pere
e t le fds s’ètant réconciliés, unirent leurs forces contre
les Amiénois , qu’ils maltraiterent cruellement. Le
Roi Louis le Gros étant venu au secours de la ville
d’Ainiens au commencement de l’an 1115, tentainu-
tilement l’assaut de la citadelle, qui tenoit pour En-
guerand ; il convertit alors le siége en blocus , après
quoi il partit, appellé ailleurs par des affaires plus
pressantes. Enguerand mourut, dans un âge avancé,
vers le milieu ou la fin de l’année suivante, laissant
d’Ade, sa premiere fernrne, Thomas, qui suit; et de
Sibylle, la seconde, une fille qui épousa un nommé
Gui, à qui Sibylle, dontil étoit l’amant, fit accorder
par son époux la garde de la terre de Couci. Tout ce
que nous venons de rapporter est presque entiérement
tiré de Guibert de Nogent, qui n’épargne à Engue-
rand aucune desépithétes odieuses. Suger au contraire
le qualifie d’homme vénérable et rempli d’honneur,
vir venerabilis et lionorisicus egregiè.
T Ii O M A S D E M A R L E.
1116. Thomas, fils d’Enguerand et son successeur
en la Baronie de Couci, jouissoit, depuis la mort
d’Ade, sa mere, de la Seigneurie de Marle, dont le
surnom lui resta. II étoit fameux dès lorspar ungrand
nombre d’actions pour la plupart atroces et plus dignes
d’un brigand que d’un véritable Chevalier. Ses pre-
mieres arrnes, qu’il fit à la Terre-Sainte, où il se rendit
à la suite de Huguesle Grand, frere du B.oi PhilippeI,
furent celles qui sui firent le plus d’honneur. II étoit de
retourde cetteexpéditionl’an 1 iooou 1101 auplustard.
Ce fut vers ce tems qu’il perdit Ide , sa femme, fille de
Baudouin II, Comte de Hainaut, de laquelle il étoit ,
suivantRuteau, le a emari. ( Elle avoit épousé, dit-il, en
premieres noces Gui, Seigneur de Chievres.) Maître du
château de Montaigu dans le Laonnois, par un second
mariage qu’il contracta bientôt après avec la fille du
Comte Roger, Tliomas s’en sit une place d’armes d’où
il faisoit main-basse impunément sur le menu peuple
et sur toute la Noblesse du voisinage. Ses violences
déterminerent plusieurs Chevaliers à former contre Iui
une ligue, à la tête de laquelle se mit Enguerand,
son pere, qui le haïssoit mortellement, à cause de ses
déportemens, et parce qu’il ne le regardoit pas, ainsi
qu’on Pa dit, cornme son fils. L’an 1104 ou environ,
ils vinrent l’assiéger dans le château de Montaigu.
Thomas, ne se trouvant pas assez fort pour tenir tête
à tant de braves gens, sort la nuit de la place, et vient
implorer le secours de Louis le Gros, Roi désigné des
François, qui gouvernoit déja par lui-même. Louis, à
l’instigation de ses courtisans, que Thomas avoit gagnés
par ses présens , se prête à ses desirs , et lui amene
700 liommes de cheval. A la vue de l’héritier de la
Couronne, les assiégeans sont déconcertés ; et après
lui avoir fait d’inutiies remontrances sur le droit de
représailles qu’ils exerçoient, ils prennent le parti de la
soumission, et levent le siége. Thomas peu de tems
après fut privé de la possession du château de Mon-
taigu par la nécessité où la raison de parenté le mit de
se séparer de celle qui le lui avoit apporté en dot j mais
il fut dédommagé de cette perte par une troisieme al-
liance qu’il contracta avec Melisende , fille et héri-
tiere de Gui, Seigneur de Créci et de Nogent, II conti-
nua ses brigandages dans ces deux places.
L’an 1112, les assassins de Gaudri, Evêque de
Laon, se voyant poursuivis par le Roi Louis le Gros,
eurent recours à Thomas , qui leur ouvrit un asyle
dans ses châteaux. L’année suivante, il porta du se-
cours, comme on l’a dit, aux habitans d’Amiens ré-
voltés contre son pere ; et s’étant ensuite réconcilié
avec lui, il tourna ses annes contre eux. Le mal qu’il
leur fit répondit à la férocité de son caractere. Mais,
ayant
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surnomment inclifféremment de Boves et de Couci.
Dreux étoit fxls de Hugues, peut-être gendre d’Albéric,
Sire de Couci, et fondateur en 1076 de l’Abbaye de
Nogent, voisiiie de ce lieu. Celui-ci s’etant presente,
le 3 Décembre de l’an 1059, avec Mathilde sa mere ,
Adele sa femme , et quelques uns des plus distingues
de ses vassaux , cum cdicjuot optimcitibus suis, a He-
linand, Evêque de Laon, obtint de lui l’assrancliisse-
ment de l’Egiise (paroissiale) de Nogent-sous-Couci,
le Pi'élat se réservant le droit de conferer curam ani-
\ marum. (Cart. cle l’Abb. de JSsogent, fol. 19, r°. )
Albéric, Pan 1071, fut un des Seigneurs qui souscri-
virent avec plusieurs Prélats le Diplôme du R oi Phi-
lippe I, par lequel ce Prince, à la priere de l’Eveque
Helinand, confirina à l’Eglise de Laon la jouissance
de ce que les Rois ses prédécesseurs lui avoient ac-
cordé aux villages de Vaux et de S. Marcel, ainsi que
les droits d’étalage sur le marché de Laon. ( Arcliiv.
de VEgiise de Laon. ) Albéric étoit apparemment né
de Léon ou Lion , Sire de Couci, à qui un ancien
roman donne neuf pieds de hauteur, et qui fut tué
par Renaud 011 Iléginaire, Evêque de Liége, à la ba-
taille donnée, le i5 Nov. 1007, près de Bar-le-Duc,
par Gotlielon , Duc de Lorraine I, contre Eudes II,
Cointe de Cbampagne , qui disputoit à l’Empereur
Conrad II le R.oyaume de Bourgogne :
Lion, qui de Couchy tenoit tout le terral,
Qui fu de neuf pis gran , un bras eut trop mortal.
Ces Loherains détranche tiestes, jambes et musteals.
L’Evesque Reginaire noblement soy demaine,
De sa mache assena Lion le Capitaine.
Revenons à Enguerand. Ade , sa femme, fxlle de
\ Létard de Rouci, lui apporta en dot la terre de Marle
et vraisemblablement aussi celle de la Fere ; du moiiis
est-il certain qu’elle lui appartenoit du côté de sa
femme. L’an 1095, il renouvella en faveur de i’Abbaye
de Nogent-sous-Couci les donations faites par Albéric,
et y en ajouta de nouvelles, sans avoir recours à d’autre
. Suzerain qu’au Iloi pour faire autoriser ce jeu de fief. II
en obfint, comme Albéric , la colrfirmation par utl
Diplôme de Pliilippe I. ( DuPIessis, Ilist. cle Couci,pr.
p. 131. ) Ade , par sa conduite licencieuse, donna de
violens soupçons de sa fxdélité à son époux. Ils allerent
si loin , qu’Ënguerand refusa de reconnoître pour son
fils Thomas qu’elle mit au monde , et pensa à le déshé-
riter. Ade étant morte , Enguerand prit une seconde
alliance avec Sibylle , fxlle cle Roger, Comte de Châ-
teau-Portien, et femme de Godefroi, Cornte de Namur,
Iqui étoit encore vivant. Sibylle étoit pour lors au châ-
teau de Tour en Portien , où elle s’étoit retirée, tandis
que Godefroi étoit à la guerre. Ennuyée de la longue
absence de son mari, elle consentit à l’osfre qu’En-
guerand lui fit de lui en tenir lieu , et passa dans les
bras de ce Seigneur, qui la retint pour ëpouse, et s’em-
para clu Comté cle Château-Portien , dont son pere l’a-
voit fait héritiere au préjudice de ses enfans du pre-
mier iit. Ceci arriva sur la fin du onzieme siecle. Le
Comte de Namur, à son retour, ayant vainement ré-
clamé sa femme, cléclara la guerre au Sire de Couci.
Elle se fit avec fureur de part et d’autre , jusques là,
dit Guibert de Nogent, auteur contemporain , que,
des cleux côtés , quiconque avoit le malheur cl’être pris
étoit ou pendu, ou privé de la vue, ou mutilé par les
piecls. Mais Enguerand se défendit avec tantde valeur,
que son rival fut obligé d’abandonner la partie et de
laisser sa femme entre les bras du ravisseur. Le Sire
de Couci n’avôit plus à craindre que les foudres de
l’Eglise. Poui' les parer, il engagea l’Evêque de Laon,
son cousin, nommé comme lui, à l’absoudre de son
crime et à réhabiliter son mariage.
L’an in3, Enguerand s’oppose à la Charte de
Commune que le Roi Louis le Gros avoit accordée
aux habitans d’Amiens du consentement de Godefroi,
leur Evêque. On en vint aux armes. Les Bourgeois,
appuyés de Thomas, fils d’Enguerand, brouillé alors
avec son pere, furent d’abord vainqueurs ; mais le pere
e t le fds s’ètant réconciliés, unirent leurs forces contre
les Amiénois , qu’ils maltraiterent cruellement. Le
Roi Louis le Gros étant venu au secours de la ville
d’Ainiens au commencement de l’an 1115, tentainu-
tilement l’assaut de la citadelle, qui tenoit pour En-
guerand ; il convertit alors le siége en blocus , après
quoi il partit, appellé ailleurs par des affaires plus
pressantes. Enguerand mourut, dans un âge avancé,
vers le milieu ou la fin de l’année suivante, laissant
d’Ade, sa premiere fernrne, Thomas, qui suit; et de
Sibylle, la seconde, une fille qui épousa un nommé
Gui, à qui Sibylle, dontil étoit l’amant, fit accorder
par son époux la garde de la terre de Couci. Tout ce
que nous venons de rapporter est presque entiérement
tiré de Guibert de Nogent, qui n’épargne à Engue-
rand aucune desépithétes odieuses. Suger au contraire
le qualifie d’homme vénérable et rempli d’honneur,
vir venerabilis et lionorisicus egregiè.
T Ii O M A S D E M A R L E.
1116. Thomas, fils d’Enguerand et son successeur
en la Baronie de Couci, jouissoit, depuis la mort
d’Ade, sa mere, de la Seigneurie de Marle, dont le
surnom lui resta. II étoit fameux dès lorspar ungrand
nombre d’actions pour la plupart atroces et plus dignes
d’un brigand que d’un véritable Chevalier. Ses pre-
mieres arrnes, qu’il fit à la Terre-Sainte, où il se rendit
à la suite de Huguesle Grand, frere du B.oi PhilippeI,
furent celles qui sui firent le plus d’honneur. II étoit de
retourde cetteexpéditionl’an 1 iooou 1101 auplustard.
Ce fut vers ce tems qu’il perdit Ide , sa femme, fille de
Baudouin II, Comte de Hainaut, de laquelle il étoit ,
suivantRuteau, le a emari. ( Elle avoit épousé, dit-il, en
premieres noces Gui, Seigneur de Chievres.) Maître du
château de Montaigu dans le Laonnois, par un second
mariage qu’il contracta bientôt après avec la fille du
Comte Roger, Tliomas s’en sit une place d’armes d’où
il faisoit main-basse impunément sur le menu peuple
et sur toute la Noblesse du voisinage. Ses violences
déterminerent plusieurs Chevaliers à former contre Iui
une ligue, à la tête de laquelle se mit Enguerand,
son pere, qui le haïssoit mortellement, à cause de ses
déportemens, et parce qu’il ne le regardoit pas, ainsi
qu’on Pa dit, cornme son fils. L’an 1104 ou environ,
ils vinrent l’assiéger dans le château de Montaigu.
Thomas, ne se trouvant pas assez fort pour tenir tête
à tant de braves gens, sort la nuit de la place, et vient
implorer le secours de Louis le Gros, Roi désigné des
François, qui gouvernoit déja par lui-même. Louis, à
l’instigation de ses courtisans, que Thomas avoit gagnés
par ses présens , se prête à ses desirs , et lui amene
700 liommes de cheval. A la vue de l’héritier de la
Couronne, les assiégeans sont déconcertés ; et après
lui avoir fait d’inutiies remontrances sur le droit de
représailles qu’ils exerçoient, ils prennent le parti de la
soumission, et levent le siége. Thomas peu de tems
après fut privé de la possession du château de Mon-
taigu par la nécessité où la raison de parenté le mit de
se séparer de celle qui le lui avoit apporté en dot j mais
il fut dédommagé de cette perte par une troisieme al-
liance qu’il contracta avec Melisende , fille et héri-
tiere de Gui, Seigneur de Créci et de Nogent, II conti-
nua ses brigandages dans ces deux places.
L’an 1112, les assassins de Gaudri, Evêque de
Laon, se voyant poursuivis par le Roi Louis le Gros,
eurent recours à Thomas , qui leur ouvrit un asyle
dans ses châteaux. L’année suivante, il porta du se-
cours, comme on l’a dit, aux habitans d’Amiens ré-
voltés contre son pere ; et s’étant ensuite réconcilié
avec lui, il tourna ses annes contre eux. Le mal qu’il
leur fit répondit à la férocité de son caractere. Mais,
ayant