I
DES SIRES,OU BARONS.DE COUCI. 717
ayant été blessé dangereusement au mois de Novembre
1114, dans une surprise, par Guermond, Vidame de
l’Evêque d’Amiens , il futobligé d’abandonner lapartie
et d’aller se faire panser au cliâteau de Marle. Cet ac-
cident ne fut pas le seul qu’il essuya; les Evêques de
la Métropole de Reims et de deux autres provinces ,
assemblés le 6 Décembre de la inême année à Beau-
vais , le frapperent d’anathême , et le déclarerent en
même tems dégradé de l’Ordre de la Chevalerie etprivé
de tous ses honneurs , comme infàme , scélérat, et en-
nemi du nom chrétien. 11s firent plus , ils engagerent
le lloi Louis le Gros à venir à l’appui de leurs cen-
sures. Le Roi , dans le Carême suivant, prit Nogent
et Créci, qu’il fit raser.
Thomas , devenu , l’an 1116, Sire de Couci et de
Boves et Comte d’Amiens par la inort de son pere , se
crut en état de braver son Souverain ; rnais il se
trompa. Louis le Gros, dont les troupes tenoient blo-
quée depuis deux ansla citadelle d’Amiens, étantvenu
l’attaquer en personne sur la fm de cette année ou
au commencement de la suivante, l’emporta d’assaut,
la fit dénrolir , et rendit à la Maison de Vermandois ,
dans la personne d’Adélaïde, veuve de Hugues le Grand,
son oncle , le Comté d’Amiens , auquel celle de Couci
avoit néamnoins aussi des droits par une suite de la
succession du B. H. Simon. Tlromas , atterré par ce
coup de vigueur et craignant de se voir entiérement
dépouillé , vint se jetter aux pieds du Monarque ,
acheîa son pardon par de grandes sommes, et promit
de réparer les torts qu’il avoit faits aux Ecclésiastiques.
Mais la suite de sa vie fit voir que ces soumissions n’é-
toient que l’effet de la nécessité. Le Comté d’Amiens
étant tombé par mariage à Charles de DanemarcK,
il lui déclara la guerre pour le recouvrer, et se joi-
gnit à Guillaume d’Ypres , compétiteur de Charles ,
pour lui faire manquer le Comté de Flandre , que la
protection du Roi lui fit obtenir la mêrne année.
Repoussé et battu par Charles , il cessa à la fm de
l’inquiéter. Mais , après la mort de ce Prince, Guil-
laurne Cliton lui ayant succédé , il prit le parti des
1 concurrens de ce dernier , uniquement parce que sa
I proiuotion étoit l’ouvrage du R.oi. L’an 1128 , s’étant
i brouillé ( l’on ne sait pour quel sujet ) avec Henri,
Comte de Chaumont en Vexin et frere de Raoul le
J^aillant, Comte de Vermandois , il init fm à la que-
relle en le faisant assassiner. Ce forfait fut de près
suivi d’un autre. Des marchands avoient obtenu un
sauf-conduit, signé de lui, pour passer librement sur
ses terres ; mais, par la plus noire perfidie, il les ht
arrêter à leur passage , les dépouiila de leurs effets et
les mit en prison. Le Roi Louis le Gros, appreriant
cette atrocité, monte à cheval, accoinpagné du Comte
de Vermandois , et suivi d’une armée qu’il mene droit
au château de Couci. Thomas, en se tenant renfermé
dans la place, qui passoit pour imprenable , eût pu
vraisemblablement triompher des esforts du Prince ;
mais la Providence perrnit qu’il fit une sortie , dans
laquelle il fut blessé mortellement par le Comte Raoul,
qui satisfit par là son ressentiment personnel en ven-
geant la mort de son frere. Thomas fut présenté au
Roi, qui ordonna de le transporter à Laon , où il mou-
rut sans avoir donné presque aucune marque de re-
pentir, et sans même avoir voulu rendre les marchands
qu’il tenoit en prison. (Suger.) Guillaume de Nangis
met sa mort en 1128. Mais Robert du Mont et la
Chronique de S. Médard de Soissons la reculent de
deux années et la placent en n3o. C’est le senti-
ment que Duchêne , MM. de Sainte-Marthe et nos
rneilleurs Historiens ont suivi. Thomas laissa de sa
I premiere épouse une fille , nommée Ide comme elle,
1 et Basilie, suivant Albéric , femme d’Alard , Seigneur
1 de Chimai, que Duchêne , trompé par Pidentité de
li nom , donne pour époux à la mere au lieu de la fille.
1 De sa troisieme femrne (morte l’an 1147 au plutôt)
| Thomas eut deux fils : Enguerand, qui suit, et Robert,
Seigneur de Boves , que son mariage avec Béatrix, fille
de Hugues II, Comte de S. Paul, lit Comte d’Amiens, j
rnort au siége d’Acre en 1191 ; et une fille, mariée à
Hugues , Seigneur de Gournai en Normandie , après
avoir été proinise à Adelesme, fils d’Adam, Châteiain
d’Amiens.
ENGUERAND II.
1 ido. Enguervnd II, fils aîné de Thômas, lui suc-
céda dans les Seigneuries de Couci , de la Fere , de
Marle, de Créci, de Vervins, de Fontaines etd’autres
lieux , conservant de plus Ia directe sur la terre de
Boves , échue en partage à Robert, son frere puîné.
(Cette terre releve encore aujourd’hui de celle de
Couci. ) La premiere chose qu’il fit lorsqu’il se vit pos-
sesseur de ces Domaines , fut de restituer aux Eglises
les biens dont son pere les avoit dépouillées. On a des
actes de ces restitutions, datés de l’an 1131. 11 en fit
plusieurs autres dans la suite. Cependant le Roi et le
Cornte de Vennandois , qui avoient poursuivi le pere
à mort , continuerent la guerre contre le fils. L’an
1182 , ils assiégerent la F’ere depuis le 7 Mai jusqu’au
9 Juillet. Mais , 11’ayant pu forcer la place , ils songe-
rent à la paix ; et le sceau de cette paix fut le mariage
d’Enguerand avec Agnès , ou Ade, fille de Raoul de
Baugenci et de Mahaut, cousine germaine du Roi et
sœur du Comte de Vermandois. Enguerand partit, l’an
1147 , à la suite du Iloi Louis le Jeune pour la Terre-
Sainte. On croit qu’il mourut dans cette expédidon ; du
moins aucun monument 11e prouve qu’il en soit re-
venu. 11 laissa de son mariage deux fiîs : Raoul, qui
suit; et Enguerand, rnort au plus tard en 1174.
R A 0 U L I, d 1 t D E MARLE.
1148 ou environ. Raoul, fils aîné d’Enguerand II
et son successeur dans la Sirerie de Couci comme
dans la plupart de ses autres terres, lut surnornmé de
Marle , à cause du séjour ordinaire qu’il faisoit en
cette ville. L’an 11^4 ? Robert de Boves , son oncle
paternel, non moins avare et presque aussi cruel que
Thornas de Marle, s’empara de ses châteaux et de ceux
qui appartenoient au jeune Enguerand , son frere.
Cette usurpation ne paroît pas néanmoins avoir eu
de suite. ( Tabul. Fusniac.) Raoul accompagna, l’an
1183 , le Roi Philippe-Auguste dans la guerre qu’il
sit au Comte de Flandre, et dont lui-même étoit en
partie l’auteur par ses conseils.
En 1185, Roger, Evêque de Laon, de quî relevoit
en partie la Seigneurie de la Fere, en céda la directe
au Roi Philippe-Auguste ; et le Sire de Couci, par ce
moyen, qui le mettoit dans la mouvance immédiate du
Roi, tint cette terre en Baronie ou Pairie du Royaume.
On voit aussi par une pieee de l’an 1187, rapportée
dans l’Histoire de la Maison de Guines (p. 35o), que
pendant la guerre du Roi contre le Comte de Flandre,
ce Prélat avoit forcé IFaoul de lui faire honunage pour
Marle et Vervins, mais que Philippe-Auguste ne vou-
lut faire la paix qu’à condition que cet hommage seroit
rendu à sa Couronne coinme auparavant ; ce qui
prouve que cette terre étoit originairement immédiate
comme celle de Couci.
Raoul, après avoir fait son testament, s’embarqua,
l’an 1190 , avec le Monarque pour la Terre-Sainte.
Etant sur le point de partir, il s’étoit accommodé pro-
visionnelleinent, au mois de Juin de la même année,
avec l’Eglise de Laon touchant les droits de main-
morte qu’elle prétendoit à Couci, à Marle et à la F'ere,
et sur d’autres droits qui étoient en litige entre eux.
( Tabular. Eccles. Laudun. , fol. 278, ro. ) _I1 mourut
l’année suivante au siége d’Acre. (Albèric. ) FfAbbé
Velli raconte qu’un Chevalier, chargépar le testament
de Raoul de porter son cœur en France à la Daine de
F’ayel, rencontra sur le pont du château le mari de la
Dame , qui , l’ayant fait fouiller, lui trouva le fatal
présent. » Le malheureuxépoux, ajoute-t-il, transporté
T 3 %
Toms II.
DES SIRES,OU BARONS.DE COUCI. 717
ayant été blessé dangereusement au mois de Novembre
1114, dans une surprise, par Guermond, Vidame de
l’Evêque d’Amiens , il futobligé d’abandonner lapartie
et d’aller se faire panser au cliâteau de Marle. Cet ac-
cident ne fut pas le seul qu’il essuya; les Evêques de
la Métropole de Reims et de deux autres provinces ,
assemblés le 6 Décembre de la inême année à Beau-
vais , le frapperent d’anathême , et le déclarerent en
même tems dégradé de l’Ordre de la Chevalerie etprivé
de tous ses honneurs , comme infàme , scélérat, et en-
nemi du nom chrétien. 11s firent plus , ils engagerent
le lloi Louis le Gros à venir à l’appui de leurs cen-
sures. Le Roi , dans le Carême suivant, prit Nogent
et Créci, qu’il fit raser.
Thomas , devenu , l’an 1116, Sire de Couci et de
Boves et Comte d’Amiens par la inort de son pere , se
crut en état de braver son Souverain ; rnais il se
trompa. Louis le Gros, dont les troupes tenoient blo-
quée depuis deux ansla citadelle d’Amiens, étantvenu
l’attaquer en personne sur la fm de cette année ou
au commencement de la suivante, l’emporta d’assaut,
la fit dénrolir , et rendit à la Maison de Vermandois ,
dans la personne d’Adélaïde, veuve de Hugues le Grand,
son oncle , le Comté d’Amiens , auquel celle de Couci
avoit néamnoins aussi des droits par une suite de la
succession du B. H. Simon. Tlromas , atterré par ce
coup de vigueur et craignant de se voir entiérement
dépouillé , vint se jetter aux pieds du Monarque ,
acheîa son pardon par de grandes sommes, et promit
de réparer les torts qu’il avoit faits aux Ecclésiastiques.
Mais la suite de sa vie fit voir que ces soumissions n’é-
toient que l’effet de la nécessité. Le Comté d’Amiens
étant tombé par mariage à Charles de DanemarcK,
il lui déclara la guerre pour le recouvrer, et se joi-
gnit à Guillaume d’Ypres , compétiteur de Charles ,
pour lui faire manquer le Comté de Flandre , que la
protection du Roi lui fit obtenir la mêrne année.
Repoussé et battu par Charles , il cessa à la fm de
l’inquiéter. Mais , après la mort de ce Prince, Guil-
laurne Cliton lui ayant succédé , il prit le parti des
1 concurrens de ce dernier , uniquement parce que sa
I proiuotion étoit l’ouvrage du R.oi. L’an 1128 , s’étant
i brouillé ( l’on ne sait pour quel sujet ) avec Henri,
Comte de Chaumont en Vexin et frere de Raoul le
J^aillant, Comte de Vermandois , il init fm à la que-
relle en le faisant assassiner. Ce forfait fut de près
suivi d’un autre. Des marchands avoient obtenu un
sauf-conduit, signé de lui, pour passer librement sur
ses terres ; mais, par la plus noire perfidie, il les ht
arrêter à leur passage , les dépouiila de leurs effets et
les mit en prison. Le Roi Louis le Gros, appreriant
cette atrocité, monte à cheval, accoinpagné du Comte
de Vermandois , et suivi d’une armée qu’il mene droit
au château de Couci. Thomas, en se tenant renfermé
dans la place, qui passoit pour imprenable , eût pu
vraisemblablement triompher des esforts du Prince ;
mais la Providence perrnit qu’il fit une sortie , dans
laquelle il fut blessé mortellement par le Comte Raoul,
qui satisfit par là son ressentiment personnel en ven-
geant la mort de son frere. Thomas fut présenté au
Roi, qui ordonna de le transporter à Laon , où il mou-
rut sans avoir donné presque aucune marque de re-
pentir, et sans même avoir voulu rendre les marchands
qu’il tenoit en prison. (Suger.) Guillaume de Nangis
met sa mort en 1128. Mais Robert du Mont et la
Chronique de S. Médard de Soissons la reculent de
deux années et la placent en n3o. C’est le senti-
ment que Duchêne , MM. de Sainte-Marthe et nos
rneilleurs Historiens ont suivi. Thomas laissa de sa
I premiere épouse une fille , nommée Ide comme elle,
1 et Basilie, suivant Albéric , femme d’Alard , Seigneur
1 de Chimai, que Duchêne , trompé par Pidentité de
li nom , donne pour époux à la mere au lieu de la fille.
1 De sa troisieme femrne (morte l’an 1147 au plutôt)
| Thomas eut deux fils : Enguerand, qui suit, et Robert,
Seigneur de Boves , que son mariage avec Béatrix, fille
de Hugues II, Comte de S. Paul, lit Comte d’Amiens, j
rnort au siége d’Acre en 1191 ; et une fille, mariée à
Hugues , Seigneur de Gournai en Normandie , après
avoir été proinise à Adelesme, fils d’Adam, Châteiain
d’Amiens.
ENGUERAND II.
1 ido. Enguervnd II, fils aîné de Thômas, lui suc-
céda dans les Seigneuries de Couci , de la Fere , de
Marle, de Créci, de Vervins, de Fontaines etd’autres
lieux , conservant de plus Ia directe sur la terre de
Boves , échue en partage à Robert, son frere puîné.
(Cette terre releve encore aujourd’hui de celle de
Couci. ) La premiere chose qu’il fit lorsqu’il se vit pos-
sesseur de ces Domaines , fut de restituer aux Eglises
les biens dont son pere les avoit dépouillées. On a des
actes de ces restitutions, datés de l’an 1131. 11 en fit
plusieurs autres dans la suite. Cependant le Roi et le
Cornte de Vennandois , qui avoient poursuivi le pere
à mort , continuerent la guerre contre le fils. L’an
1182 , ils assiégerent la F’ere depuis le 7 Mai jusqu’au
9 Juillet. Mais , 11’ayant pu forcer la place , ils songe-
rent à la paix ; et le sceau de cette paix fut le mariage
d’Enguerand avec Agnès , ou Ade, fille de Raoul de
Baugenci et de Mahaut, cousine germaine du Roi et
sœur du Comte de Vermandois. Enguerand partit, l’an
1147 , à la suite du Iloi Louis le Jeune pour la Terre-
Sainte. On croit qu’il mourut dans cette expédidon ; du
moins aucun monument 11e prouve qu’il en soit re-
venu. 11 laissa de son mariage deux fiîs : Raoul, qui
suit; et Enguerand, rnort au plus tard en 1174.
R A 0 U L I, d 1 t D E MARLE.
1148 ou environ. Raoul, fils aîné d’Enguerand II
et son successeur dans la Sirerie de Couci comme
dans la plupart de ses autres terres, lut surnornmé de
Marle , à cause du séjour ordinaire qu’il faisoit en
cette ville. L’an 11^4 ? Robert de Boves , son oncle
paternel, non moins avare et presque aussi cruel que
Thornas de Marle, s’empara de ses châteaux et de ceux
qui appartenoient au jeune Enguerand , son frere.
Cette usurpation ne paroît pas néanmoins avoir eu
de suite. ( Tabul. Fusniac.) Raoul accompagna, l’an
1183 , le Roi Philippe-Auguste dans la guerre qu’il
sit au Comte de Flandre, et dont lui-même étoit en
partie l’auteur par ses conseils.
En 1185, Roger, Evêque de Laon, de quî relevoit
en partie la Seigneurie de la Fere, en céda la directe
au Roi Philippe-Auguste ; et le Sire de Couci, par ce
moyen, qui le mettoit dans la mouvance immédiate du
Roi, tint cette terre en Baronie ou Pairie du Royaume.
On voit aussi par une pieee de l’an 1187, rapportée
dans l’Histoire de la Maison de Guines (p. 35o), que
pendant la guerre du Roi contre le Comte de Flandre,
ce Prélat avoit forcé IFaoul de lui faire honunage pour
Marle et Vervins, mais que Philippe-Auguste ne vou-
lut faire la paix qu’à condition que cet hommage seroit
rendu à sa Couronne coinme auparavant ; ce qui
prouve que cette terre étoit originairement immédiate
comme celle de Couci.
Raoul, après avoir fait son testament, s’embarqua,
l’an 1190 , avec le Monarque pour la Terre-Sainte.
Etant sur le point de partir, il s’étoit accommodé pro-
visionnelleinent, au mois de Juin de la même année,
avec l’Eglise de Laon touchant les droits de main-
morte qu’elle prétendoit à Couci, à Marle et à la F'ere,
et sur d’autres droits qui étoient en litige entre eux.
( Tabular. Eccles. Laudun. , fol. 278, ro. ) _I1 mourut
l’année suivante au siége d’Acre. (Albèric. ) FfAbbé
Velli raconte qu’un Chevalier, chargépar le testament
de Raoul de porter son cœur en France à la Daine de
F’ayel, rencontra sur le pont du château le mari de la
Dame , qui , l’ayant fait fouiller, lui trouva le fatal
présent. » Le malheureuxépoux, ajoute-t-il, transporté
T 3 %
Toms II.