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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 18.1878

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Nr. 3
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Mantz, Paul: Gustave Courbet, [3]
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https://doi.org/10.11588/diglit.22838#0389

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37A

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

un portrait que Courbet avait peint en 1853, mais qui ne fut exposé
qu’en 1865, après la mort de l’écrivain. Je veux parler du portrait de
Proudhon entouré de sa famille. On sait que l’artiste, dont la main fut
souvent si vigoureuse, a faibli jusqu’à l’effacement dans cette œuvre mal
venue. L’illustre modèle n’avait pas été satisfait, et tout le monde lui
donna raison.

Notre ami Bürger, qui n’a jamais passé pour un académique et qui
rendait d’ailleurs si bonne justice au talent de Courbet, a parlé de ce por-
trait avec une netteté aussi décisive que le couperet de la guillotine. Il
déclare que les personnages qui constituent le groupe — Proudhon, sa
femme et les deux petites filles — ne s’arrangent point dans la perspec-
tive aérienne, que l’effet d’ensemble est vulgaire, que le tableau est
u très laid et très mal peint ». Et il ajoute : « Je ne crois pas avoir
jamais vu une aussi mauvaise peinture de Courbet, qui est un vrai
peintre ». Le critique qui, cette année, fit le Salon dans la Gazelle, tenait
à peu près le même langage. Le portrait de Proudhon étant très gris et
très effacé, il s’étonnait de cette décoloration imprévue et il était tenté
d’y voir le commencement d’une maladie.

Eh bien! le moment était mal choisi pour prendre une attitude
mélancolique. Pendant que nous nous attristions ainsi, Courbet prépa-
rait une revanche : son talent, plein de soubresauts, d’inégalités et par-
fois de trahisons, allait répondre à nos plaintes par des œuvres viriles et
fortes.

Aux plus beaux jours de l’été de 1865, Courbet passa quelque temps
à Trouville. Il eut avec l’Océan des entretiens solitaires ; il commença
alors cette série d’études maritimes qu’il devait continuer l’année sui-
vante, et qui lui fît tant d’honneur. Il ne vit pas seulement la mer, il
regarda aussi avec l’intérêt que l’artiste doit apporter à tout ce qui est
excentrique ou charmant, les toilettes des Parisiennes en villégiature.
Séduit par les élégances mondaines, il ne négligea pas l’occasion de
peindre quelques portraits. Dans une lettre du 8 septembre, il raconte
à un ami qu’il a été obligé de prolonger son séjour à Trouville et il
ajoute avec ce ton modeste, qui est la caractéristique de sa manière :

« J’ai fait par hasard le portrait d’une princesse hongroise. Il a un tel
succès que je ne peux plus travailler, tant- j’ai de visiteurs. Toutes les
autres dames me demandent les leurs. J’en ferai encore deux ou trois
pour contenter les plus pressées1 .» Il revint à Paris triomphant et
superbe et, sans cesser de songer à ses princesses, il acheva, pour le

1. Lettres autographes recueillies par Alfred Sensier (Janvier 4 878, n° 639).
 
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