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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 18.1878

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Nr. 4
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Mantz, Paul: La peinture française: exposition universelle
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https://doi.org/10.11588/diglit.22838#0445

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LÀ PEINTURE FRANÇAISE.

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Cette fermeté de pinceau est naturellement mieux à sa place clans
les portraits cl’hommes. Les contemporains de M. Delaunay sont des lut-
teurs sur le visage desquels les combats de la vie et la fatigue des tra-
vaux intellectuels ont laissé une trace; leur teint n’a pas, comme celui des
femmes, les douces fraîcheurs de la rose du Bengale. M. Delaunay peut
les traiter cavalièrement. Ses portraits masculins sont superbes. Je n’en
veux distinguer aucun, quoique celui de M. Legouvé soit justement cé-
lèbre, car ils ont tous des qualités pareilles; ils ont la ressemblance
sévèrement écrite, la physionomie morale, la fermeté de la médaille.
M. Delaunay a pu quelquefois s’égarer dans des tentatives hasardeuses,
mais des tableaux comme la Peste cle Rome et la plupart de ses portraits
obligent la critique à s’incliner devant une œuvre où se reconnaît toujours
l’effort résolu d’un pinceau viril.

M. Gustave Moreau est aussi une personnalité intéressante. Si jamais
un artiste moderne a songé aux maîtres anciens, c’est bien l’auteur de la
Salomé et de Y Hercule devant ï Hydre. M. Moreau a étudié les peintres
primitifs et surtout ceux du xve siècle finissant; mais il les a trouvés beau-
coup trop simples, et il a combiné ses velléités archaïques avec les curio-
sitésd’un orientalisme chargé d’émaux, de pâtes rapportées, de paillons et
de verroteries. A la suite d’efforts qu’il ne dissimule pas, il arrive à des
résultats non classés. La Salomé, déjà discutée lors du Salon de !876, con-
serve son caractère énigmatique. \i Hercule est plus clair. Il y a vraiment
une création intellectuelle dans l’audace silencieuse du jeune dieu, qui,
délicat comme une femme, vase mesurer avec le monstre polycéphale. La
juxtaposition a ici la valeur d’une antithèse. On sent très bien quelasoli-
tude fangeuse où l’hydre se repaît de cadavres va être témoin d’une formi-
dable bataille, et que l’intelligence triomphera du reptile, incarnation sym-
bolique des forces aveugles de la nature, au temps où la matière en
désordre n’était qu’un chaos continué. M. Moreau est un inventeur :
le monstre épouvantable qui se dresse sur sa queue et agite ses têtes
sifflantes fait le plus grand honneur à son imagination. Nous croyons
d’ailleurs avoir déjà parlé de ce beau tableau, et nous ne voudrions pas
nous répéter.

Au surplus, M. Moreau demande à être jugé sur des œuvres nou-
velles : on ne connaissait ni le Jacob, ni le David, ni le Moïse exposé sur
le Nil, ni le Sphinx deviné. Les trois premiers de ces tableaux pourraient
provoquer bien des objections : je les supprime. Tout le monde a noté
chez M. Moreau la surabondance des détails qui étouffent le sujet
principal sous une avalanche de bijouteries, tout le monde a vu ou cru
voir dans sa conception et dans sa manœuvre une sorte de passion mala-
 
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