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REVUE ARCHEOLOGIQUE.
ou toute autre cause, les familles se croyaient suffisamment auto-
risées à remplacer les grains perdus par d’autres grains, moins an-
ciens, empruntés à l’industrie contemporaine, mais auxquels le
simple contact des pièces authentiques transmettait sans doute les
mêmes propriétés occultes. C’est ce qui explique pourquoi, parmi
les grains qui composent le collier, il y en a qui portent le cachet
d’une antiquité franche, tandis que quelques-uns indiquent une
époque plus rapprochée de nous. C’est pour cela aussi qu’interrogé
par M. Alexandre Bertrand, le savant rédacteur en chef de la Revue
Archéologique, sur l’origine de ces curieux colliers, nous avons pu
lui répondre que, si les dates respectives de chacun des grains sem-
blaient s’échelonner depuis l’antiquité la plus reculée jusqu’à des
époques relativement modernes, à coup sûr les gougads corres-
pondent à des mœurs et à une coutume superstitieuse dont l’origine
remonte aux premiers temps des peuplades de l’Armorique.
Les gougads-patereu, tels qu’ils sont composés aujourd’hui, n’ont
jamais été découverts dans les tombeaux armoricains que nous som-
mes convenus d’appeler celtiques. Mais les colliers en pierre de cou-
leur, chacun le sait, font partie du mobilier funéraire qu’on est
habitué à rencontrer dans les chambres des dolmens. Les trois ma-
gnifiques colliers en perles bleues et vertes de Tumiac, celui non
moins beau du Mont-Saint-Michel de Carnac, et les grains divers
recueillis dans les fouilles des dolmens tumulaires du Mané-er-hoeck,
de Kercado, du Moustoir-Carnac et du Mane-lud, sont là pour attester
l’existence d’un usage identique chez les peuples Armoricains pri-
mitifs. On déposait à côté des morts ces colliers en jaspe, en serpen-
tine, ou en turquoise, avec ce double caractère de parure funèbre et
de talisman protecteur. Quant aux colliers d’ambre jaune, sijusqu’ici
nos fouilles sous les dolmens ne nous en ont fait découvrir aucun,
l’archéologie nous apprend qu’ds ne sont pas rares dans les tumulus
de la Scandinavie et sous lescairns de la Grande Bretagne.
Je me souviens d’une vieille femme du pays de Bignan, couchée
dans un lit de l’hôpital de Vannes, appelant confidentiellement la
religieuse qui allait lui fermer les yeux, et, après lui avoir découvert
un collier pendu en avant de sa poitrine, lui recommandant avec
instance de ne pas la séparer de cet objet dans le cercueil. Ce collier
était un gougad-patereu du même genre que celui que j’ai sur ma
table en écrivant cette notice, et en tout semblable à celui qu’on
verra au musée de Saint-Germain.
Donc, si les colliers en pierre verte des dolmens représentent une
pratique superstitieuse quia jusqu’à un certain point son analogue
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ou toute autre cause, les familles se croyaient suffisamment auto-
risées à remplacer les grains perdus par d’autres grains, moins an-
ciens, empruntés à l’industrie contemporaine, mais auxquels le
simple contact des pièces authentiques transmettait sans doute les
mêmes propriétés occultes. C’est ce qui explique pourquoi, parmi
les grains qui composent le collier, il y en a qui portent le cachet
d’une antiquité franche, tandis que quelques-uns indiquent une
époque plus rapprochée de nous. C’est pour cela aussi qu’interrogé
par M. Alexandre Bertrand, le savant rédacteur en chef de la Revue
Archéologique, sur l’origine de ces curieux colliers, nous avons pu
lui répondre que, si les dates respectives de chacun des grains sem-
blaient s’échelonner depuis l’antiquité la plus reculée jusqu’à des
époques relativement modernes, à coup sûr les gougads corres-
pondent à des mœurs et à une coutume superstitieuse dont l’origine
remonte aux premiers temps des peuplades de l’Armorique.
Les gougads-patereu, tels qu’ils sont composés aujourd’hui, n’ont
jamais été découverts dans les tombeaux armoricains que nous som-
mes convenus d’appeler celtiques. Mais les colliers en pierre de cou-
leur, chacun le sait, font partie du mobilier funéraire qu’on est
habitué à rencontrer dans les chambres des dolmens. Les trois ma-
gnifiques colliers en perles bleues et vertes de Tumiac, celui non
moins beau du Mont-Saint-Michel de Carnac, et les grains divers
recueillis dans les fouilles des dolmens tumulaires du Mané-er-hoeck,
de Kercado, du Moustoir-Carnac et du Mane-lud, sont là pour attester
l’existence d’un usage identique chez les peuples Armoricains pri-
mitifs. On déposait à côté des morts ces colliers en jaspe, en serpen-
tine, ou en turquoise, avec ce double caractère de parure funèbre et
de talisman protecteur. Quant aux colliers d’ambre jaune, sijusqu’ici
nos fouilles sous les dolmens ne nous en ont fait découvrir aucun,
l’archéologie nous apprend qu’ds ne sont pas rares dans les tumulus
de la Scandinavie et sous lescairns de la Grande Bretagne.
Je me souviens d’une vieille femme du pays de Bignan, couchée
dans un lit de l’hôpital de Vannes, appelant confidentiellement la
religieuse qui allait lui fermer les yeux, et, après lui avoir découvert
un collier pendu en avant de sa poitrine, lui recommandant avec
instance de ne pas la séparer de cet objet dans le cercueil. Ce collier
était un gougad-patereu du même genre que celui que j’ai sur ma
table en écrivant cette notice, et en tout semblable à celui qu’on
verra au musée de Saint-Germain.
Donc, si les colliers en pierre verte des dolmens représentent une
pratique superstitieuse quia jusqu’à un certain point son analogue