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Revue égyptologique — 2.1881

DOI issue:
Nr. 2-3
DOI article:
Revillout, Eugène: Les affres de la mort, [3]
DOI Page / Citation link: 
https://doi.org/10.11588/diglit.10049#0109

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Les affres de la mort.

71

» on fait grâce à tous ceux qui sont dans les tourments, le samedi ; et le dimanche on nous
» livre de nouveau aux supplices, comme de coutume, de telle sorte que nous oublions les
» années que nous avons passées dans le monde. Ensuite, si nous nous habituons à la peine
»de tel supplice, on nous livre à un autre plus pénible encore. Mais quand tu as prié pour
» moi, à l'instant, le Seigneur a donné un ordre à ceux qui me châtient, et ils m'ont débarrassé
» du mors de fer qui est dans ma bouche. Ils m'ont laissé. Je suis venu ici. Voici donc que
»je t'ai dit tout ce qui me concerne, mon seigneur et père. Prie pour moi afin qu'on me
» donne un peu de repos, et que l'on ne me ramène plus à ce lieu. — Mon père dit : Miséricor-
» dieux et bon est le Seigneur. Il te fera miséricorde. Retourne-t'en. Dors jusqu'au jour de la
» résurrection générale, et lorsque tous les hommes ressusciteront, tu ressusciteras avec eux.
» — Dieu m'est témoin, mes frères, que j'ai vu de mes yeux la momie dormant en sa place
» comme auparavant. »

Pour cela personne n'en doute. Il s'agit seulement de savoir si Jean a pris pour un
dialogue une méditation à haute voix faite par son maître, et dans laquelle celui-ci mettait
à profit les traditions égyptiennes sur l'Amenti. Nous avons tout lieu de croire qu'il con-
naissait parfaitement ces traditions, puisque notre document nous apprend qu'il était en état
de lire un ancien papyrus égyptien, contenant, comme des centaines de papyrus démotiques
étudiés par moi, la liste des morts renfermés dans ces antiques catacombes, morts que
s'étaient vendus, l'un à l'autre, pendant de longs siècles, les pastophores d'Amon Api et
dont ils tenaient soigneusement note pour en toucher les liturgies payées par la famille '.
Ce renseignement donné par Jean est tout à fait précieux; et doit être rapproché de ce fait
si curieux, (déjà indiqué par M. Mariette,) de la trouvaille du Roman de Setna au milieu
des'papyrus coptes de Boulaq, que j'ai publiés et qui contiennent des contrats rédigés par
les moines de Djème au septième et au huitième siècle. Des moines pouvaient donc se dis-
traire avec des romans égyptiens, comme St. Jérôme le faisait avec Plaute et Pesunthius
avec les écrits mystiques ou juridiques des hiérogrammates. Cela n'a rien qui doive nous
étonner quand nous nous rappelons que les païens d'Egypte, (qui avaient conservé avec soin
leur littérature spéciale,') ont certainement duré jusqu'à, la conquête arabe, tout au moins 2.
Il existait même des villes entières peuplées de ces païens, qui y avaient encore leurs tem-
ples et leurs grands prêtres. J'ai déjà eu l'occasion de le prouver dans mon Mémoire sur les
Blemmyes, en racontant la destruction d'une de ces villes par les moines de Senuti, l'année
même où s'est tenu le concile de Chalcédoine. Les idées pagano-gnostiques de l'Egypte ont
pu ainsi persévérer facilement pendant les sept premiers siècles de notre ère, en se retrem-
pant et se renouvelant sans cesse dans la lecture des originaux primitifs.

(La suite à un prochain numéro.)

1 L'AgricoIaos, dont il est question dans le récit, appartenait peut-être à la famille égypto-romaine de
l'archon Soter, famille sur laquelle nous possédons, dans les Musées d'Europe, tant de documents. Je ne
désespère pas de voir retrouver ce sarcophage dans les nécropoles thébaines. Car rien ne paraît plus sincère
que le récit du naïf Jean.

2 C'est pour cela que les Arabes ont pu faire des alphabets hiéroglyphiques et démotiques, alphabets
qui, comme tous les documents relatifs à des langues étrangères conservés par les Arabes, ont été complète-
ment déformés par les copistes postérieurs. On peut voir à ce sujet Étienne Quatbemèke.
 
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