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Revue égyptologique — 2.1881

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Nr. 2-3
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Revillout, Eugène: Entretiens philosophiques d'une chatte éthiopienne et d'un petit chacal Koufi, [3]
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https://doi.org/10.11588/diglit.10049#0122

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84

Eugène Revillout.

Dans ces pages il s'agit, en effet, non plus seulement de l'exposé d'un fatalisme, quelque
peu panthéiste, qu'on rencontre souvent dans les doctrines orientales, mais de ces grandes
questions, tout-à-fait vitales pour l'humanité, qui ont préoccupé l'esprit de Job et qu'il dra-
matise dans son livre : le bien, le mal, la responsabilité humaine, la rétribution finale.

Ici, le cadre de la dispute s'est encore élargi.

Job et ses amis croyaient également à Dieu et à la Providence. Ils discutaient seule-
ment sur la manière dont s'exerçait cette providence ainsi que la juste rétribution du bien
et du mal qui en est la conséquence forcée : — soit dans cette vie — soit dans l'autre. —
C'était, sous une autre forme, l'objet des préoccupations de Socrate au moment de sa mort,
préoccupations se rattachant toujours, comme à leur racine, au principe d'une divinité pater-
nelle, présidant aux destinées du monde.

Dans notre livre démotique, c'est ce principe même qui est attaqué. — Pour trouver,
dans l'histoire philosophique, quelque chose de vraiment analogue aux théories que le chacal
Koufi explique à la chatte éthiopienne, il faut descendre jusqu'à notre temps et consulter
les livres d'un illustre savant anglais, membre actuel de l'Institut de France, M. Darwin.

Struggle for life — tel paraît être la devise de notre chacal, et c'est cette devise qu'il
commente, pour ainsi dire, daus les pages qui vont suivre, en en cherchant les causes et en
en déduisant les conséquences avec une logique impitoyable.

Selon son système, il n'y a ni divinité protectrice, ni rétribution finale. Le mal, les
violences, qui se passent sur la terre, sont voulus par la divine nature. Tous les vivants sont
faits pour s'entremanger. Le plus fort opprime le plus faible : c'est la loi même de son être.
Il faut que les plus faibles disparaissent pour entretenir la vie des autres. Ventre affamé n'a
pas d'oreilles, et c'est bouder contre son estomac que d'avoir des idées de justice, de dou-
ceur, d'honnêteté, de rétribution divine. Le mal est le souverain bien.

Notre chacal est un érudit et, d'ailleurs, il a pour lui la grande autorité du vautour —
le vautour, symbole de Maut, mère des dieux! — Il raconte, à ce sujet, comment Isis fut
un jour scandalisée des procédés brutaux de cet oiseau divin. L'épouse de l'Être hon fit des
reproches au vautour sur sa conduite. Hais le vautour lui répondit que, lui aussi, il avait
eu des scrupules sous ce rapport et que, dégoûté des excès dont le monde était plein, il
avait alors résolu d'étudier cette question, et — en attendant la solution — de s'abstenir
de tout massacre. Il tint parole jusqu'au soir. Mais le soir, sa gorge étant desséchée et,
dans l'intervalle, — l'estomac aidant, — il avait réfléchi.

Ce fut comme une vision : une révélation divine des secrets de Ea, le maître dès dieux :
et cette révélation était celle que certains esprits 1 devaient chercher plus tard sous ces mots
de Darwin : La lutte pour la vie.

On verra le détail des preuves dans le discours de notre chacal — auquel nous vou-
lons conserver intacts ses droits d'auteur. — Qu'il nous suffise de dire que la chatte éthio-
pienne, imbue des vieilles traditions religieuses, ne voulut pas se rendre à ses arguments,
qu'il étayait pourtant de nombreuses citations — quelque peu transformées — des textes
sacrés de l'Egypte. Elle défendit même avec un certain talent des idées se rapprochant beau-

1 II est clair que M. Darwin n'a pas en vue cette façon (pas trop pratique) de comprendre ses théories
exclusivement scientifiques.
 
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