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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 4.1878 (Teil 2)

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Chronique de l'hôtel Drouot
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https://doi.org/10.11588/diglit.16909#0033

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CHRONIQUE DE

L'HOTEL DROUOT

Une vente d'estampes de l'école française. — Depuis
quelques années l'e'cole française du xviii" siècle, si longtemps et
si injustement délaissée, a reconquis toutes les sympathies des
amateurs d'estampes : sans parler de ventes moins importantes
où cette école a dignement figuré, citons les ventes Le Blond,
Herzog, de Béhague, dans lesquelles les belles pièces ont atteint
des prix de plus en plus élevés.

Cette réparation un peu tardive peut-être était bien due à
ces graveurs féconds qui ont traduit avec tant de talent les
œuvres gracieuses et élégantes des maîtres du xvme siècle.
L'homme du monde retrouve dans les séries d'estampes de cette
époque la peinture fidèle des mœurs, des traditions de ses
ancêtres, et l'artiste, à quelque branche de l'art qu'il appartienne,
y puise des renseignements précieux.

La vente d'une collection choisie d'estampes du xvmc siècle
est donc une bonne fortune pour tous ceux qui s'intéressent aux
beaux-arts, et c'est ce que nous venons annoncer pour les 8, 9 et
10 avril prochain (Hôtel Drouot, salle n° 4, exposition publique
le dimanche 7 avril, de 2 à 5 heures du soir).

Cette vente ne s'annonce au public sous aucun nom, mais
en voyant le goût fin et délicat qui a présidé à la formation de
ce charmant ensemble, on ne tarde pas à pénétrer le mystère.

Cette collection présente en effet un caractère tout particulier
et porte en quelque sorte le cachet de son auteur : ce que l'on y
remarque avant tout c'est la pièce unique, la gravure de choix,
l'estampe originale, la production la plus parfaite d'un artiste
dans son état le plus intéressant. L'amateur éclairé ne saurait
s'attacher en effet à l'unique recherche de l'œuvre d'un maître :
le plus grand a eu ses jours de défaillance et de faiblesse, le plus
humble a eu parfois des éclairs de génie. Réunir en un recueil
toutes les pages réussies, de quelque nom qu'elles soient signées,
est le fait de l'homme de bon goût.

Dans une collection de cette nature, l'eau forte devait être
largement représentée. Cet état primitif de l'estampe a été long-
temps considéré comme un essai informe du graveur auquel on
n'attachait aucun prix : il appartenait aux amateurs délicats de
notre époque d'en apprécier tout le mérite.

L'eau-forte exécutée par une main habile ressemble à un
beau dessin à la plume : la ligne y apparaît dans toute sa pureté
et la composition, dégagée de tous les travaux complémentaires
qui trop souvent l'alourdissent, ressort avec netteté et précision.
L'effet d'ensemble n'est assurément point complet, une savante
dégradation des tailles n'a point permis de donner encore aux
diverses parties de l'estampe leur valeur relative, mais l'œil
exercé du connaisseur y supplée facilement et saisit mille déli-
catesses de touche, d'expression, qui se perdent plus tard sous
les hachures multipliées du burin. Ajoutez à cela les repentirs,
les changements nombreux qui se remarquent entre l'eau-forte
et l'estampe terminée, autant d'attraits pour la curiosité.

Ne citons qu'un exemple tiré du catalogue que nous avons
sous les yeux. Tout le monde élégant connaît aujourd'hui et
voudrait posséder le charmant recueil du Costume physique et
moral de Moreau le jeune : l'une des pièces de la suite dite du
« Petit-Maître » qui a pour titre : Le souper fin présente, à l'état
rarissime d'eau-forte (n° 425 du catalogue), un détail piquant
que le graveur a cru devoir faire disparaître plus tard. Dans
cette épreuve, la femme qui lit une lettre a les seins complète-
ment découverts ; — dans la gravure terminée un fichu recouvre
la poitrine. — L'eau-forte, on le voit, s'adresse aux intimes et
leur réserve plus d'une surprise.

Bien que des ventes semblables aient eu lieu à toutes les épo-
ques, on s'explique généralement peu dans le monde que celui
qui a passé une partie de sa vie à former pièce à pièce un écrin
précieux s'en dessaisisse tout à coup. Rien cependant n'est plus
facile à comprendre : la grande jouissance de l'amateur n'est point
de posséder, mais de chercher et de trouver. Lorsque l'œuvre est
accomplie, qu'il ne reste plus rien à découvrir dans une branche
de l'art, la tranquille possession d'un trésor laborieusement acquis
ne saurait suffire à l'activité fiévreuse du collectionneur ; il se
tourne d'un autre côté et recommence ses recherches dans une
voie nouvelle. Et c'est alors qu'il livre sans regrets aux enchères
les richesses qu'il avait précédemment amassées, et qu'après en
avoir joui il veut que d'autres en jouissent à leur tour. Faut-il se
plaindre de cette tendance et doit-on désirer que les merveilles
de l'Art s'immobilisent dans certaines mains privilégiées ? —
Non, assurément non : cet échange continuel, cette circulation
incessante des chefs-d'œuvre de toute nature que nous ont
légués nos pères entretiennent le culte du beau et forment cette
école du bon goût dans laquelle la France a toujours occupé le
premier rang.

Si nous nous abstenons de citer les estampes rares et curieuses
de cette collection, c'est qu'il nous faudrait copier la plus grande
partie du catalogue. Nous ne pouvons mieux faire que d'inviter
tous les amateurs à se procurer ce catalogue chez MM. Danlos et
Delisle, experts chargés de la vente, et à visiter en même temps
les portefeuilles de la collection qui sont exposés dans leur
magasin, 15, quai Malaquais.

— Une autre vente d'estampes qui aura lieu comme la précé-
dente par le ministère de M. Maurice Delestre. commissaire-
priseur, est fixée au samedi 1} avril (Hôtel Drouot, salle n° 4.
Expert, M. Clément, 3, rue des Saints-Pères). Il s'agit ici d'une
collection d'estampes anciennes de toutes les écoles, de lithogra-
phies et d'eaux-fortes modernes, celle de feu M. Hardy, de
Boulogne-sur-Mer. Parmi les séries les plus intéressantes nous
citerons celle de Daumier, qui ne comporte pas moins de 1,936
pièces, c'est-à-dire une grande partie de l'œuvre du célèbre
caricaturiste. Ces pièces sont groupées en 84 suites, qui seront
vendues séparément s'il n'y a pas acquéreur pour l'ensemble.

Cul-de-lampe composé par Léon Gaucherel.
 
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