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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 4.1878 (Teil 2)

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La direction des beaux-arts
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https://doi.org/10.11588/diglit.16909#0287

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LA DIRECTION DES BEAUX-ARTS

Est-ce une révolution qui vient de s'accomplir dans l'admi-
nistration des beaux-arts ? Non, mais une e'volution qui, nous
en sommes persuadé, n'aura que de bons résultats. M. le marquis
Philippe de Chennevières-Pointel est admis à faire valoir ses
droits à la retraite. Il est remplacé à la direction des beaux-arts
par M. Eugène Guillaume, directeur de l'Ecole nationale des
beaux-arts, qui lui-même a pour successeur en cette qualité
son éminent confrère, M. Paul Dubois. La révolution, c'eût été
la suppression de la direction des beaux-arts, notre idéal, nous
en convenons, car sur ce point comme sur bien d'autres nous
sommes un peu, et même un peu beaucoup, de l'avis de notre
collaborateur M. Viollet-le-Duc qui, « accusé » de prétendre à
la succession éventuelle de M. de Chennevières, coupait court
aux insinuations en déclarant que si jamais on lui offrait la place
il s'empresserait de l'accepter... pour la supprimer. Mais nous
n'en sommes pas là. Cette solution radicale n'a aucune chance
de succès, elle n'en aura probablement pas d'ici à longtemps, et
du moment qu'on était décidé à ne pas s'écarter du conservatisme
administratif, il est certain que, pour mettre à la tète de la
direction des beaux-arts un homme d'une vraie valeur, on ne
pouvait faire de meilleur choix que celui de M. Eugène
Guillaume.

Nous n'avons jamais fait campagne avec les adversaires de
M. de Chennevières. Dans une circonstance récente, alors que
s'amoncelait à l'horizon l'orage qui a fini par éclater sur lui et
le renverser, nous avons fait preuve d'une discrétion et d'une
réserve qui frisaient la sympathie et qui ont pu être remarquées.
Nous ne regrettons pas cette attitude, et maintenant que M. de
Chennevières est par terre, le moment nous paraîtrait moins
heureux que jamais pour lui jeter la pierre. Il faut d'ailleurs
reconnaître en M. de Chennevières non-seulement un lettré
délicat et un homme de goût, mais encore un administrateur
animé des meilleures intentions. Malheureusement l'enfer en
est pavé, comme on dit, et M. de Chennevières a succombé
pour s'être contenté de ces pavés-là, et pour n'avoir pas compris
qu'ils pourraient bien un jour tomber dans son jardin et l'écraser.
La bonne volonté ne suffit pas, surtout quand on perd la tète
au moment décisif. Avec un peu plus d'énergie, M. de Chenne-
vières aurait réussi à triompher des difficultés qui ont amené sa
retraite. S'il est vrai — et pour notre part nous le croyons —
qu'il n'est pas seul responsable de l'organisation défectueuse de
l'exposition française des beaux-arts au Champ-de-Mars, il est
cependant difficile d'admettre qu'il lui fût impossible de faire
tomber les obstacles qui s'opposaient à la réalisation de ses
vœux. On lui refusait, quoi ? Des tapis dans les galeries de pein-
ture, une installation convenable pour la sculpture, cette gloire
et cette force de l'école française contemporaine, qu'il a bien
fallu caser en fin de compte, ce qui n'a pris ni beaucoup de
temps, ni beaucoup de peine. En pareil cas un directeur des
beaux-arts, au risque de casser quelques vitres, —on les raccom-
mode si vite, — avait un moyen bien simple d'en venir à ses
fins : déclarer nettement que l'exposition française — tout
comme les expositions artistiques des sections étrangères —
n'ouvrirait pas avant d'être complètement et dignement installée,
et tenir bon jusqu'à satisfaction définitive, qui ne se fût pas
longtemps fait attendre.

Le grief le plus sérieux qu'on puisse articuler contre l'admi-
nistration de M. de Chennevières, dans sa dernière et fâcheuse
période, est le dédain avec lequel ont été traités à l'Exposition
universelle les noms les plus illustres de l'école française de
peinture, dédain aussi peu explicable que justifiable. L'étranger
s'étonne à bon droit que, dans une exposition qui a pour but de

réunir les plus belles manifestations de l'art français dans les
onze dernières années, celles qui lui font le plus grand honneur
soient comptées pour rien ou à peu près. A l'Exposition uni-
verselle de 1855, Ingres, Delacroix, Decamps, Horace Vernet
étaient représentés par leur œuvre à peu près complet.
M. Ingres avait même le privilège d'une grande salle, transformée
en une sorte de temple, et exclusivement consacrée à son culte.
Il eût été décent de faire pour les morts en 1878 ce qu'on avait
fait pour les vivants en 1855, d'autant plus que ces morts sont
au nombre des plus grands artistes non-seulement de ce temps
mais de tous les âges. Nous trouvons bien au Champ-de-Mars
quelques Corot, quelques Daubigny, mais des maîtres de cette
importance méritaient d'être plus largement représentés dans
une Exposition universelle où tant de peintres de second et de
troisième ordre ont empilé la plupart de leurs productions. Nous
y voyons un Courbet, un seul, celui qui a été récemment acquis
pour le Luxembourg, un beau morceau de peinture assurément,
mais qui ne donne qu'une idée fragmentaire du tempérament
de ce peintre. Courbet a eu beau s'égarer dans la politique la
plus sotte et la plus coupable, il n'en est pas moins une des
physionomies caractéristiques de la peinture contemporaine,
une puissante nature d'artiste, un talent varié sinon souple, un
maître peintre, comme il le disait lui-même avec fatuité, mais
avec raison. Un seul Courbet, cela est encore plus dérisoire au
Champ-de-Mars qu'au Luxembourg et encore moins excusable,
car au Champ-de-Mars il eût été facile d'obtenir des amateurs
qu'ils se dessaisissent provisoirement des œuvres de l'artiste qui
honorent leurs collections. Du moins Courbet prend-il part à
cette revue internationale des beaux-arts. Diaz en est exclu,
Millet également, Millet un des maîtres les plus originaux de
l'époque, un de ceux dont l'influence aura été la plus féconde
non-seulement sur la peinture, mais sur la sculpture elle-même,
qu'elle renouvelle en incitant les Dalou, les Paul Dubois, les
Albert-Lefeuvre à chercher après lui leurs inspirations dans la
nature rustique.

Pour Diaz, il est à notre connaissance qu'il a été non pas
seulement oublié par mégarde, mais explicitement refusé. Un
amateur que nous pouvons nommer, M. Guérin, qui a la passion
des Diaz, et qui en possède plusieurs de la meilleure manière
du peintre, n'a pas hésité à les offrir pour l'Exposition univer-
selle. On a décliné son offre.

Il n'y a pas que les morts, et voici un vivant dont on ne
s'est pas plus inquiété que s'il n'existait plus : Jules Dupré. Pas
un tableau de lui au Champ-de-Mars. On nous dira que M. Jules
Dupré n'envoie rien au Salon, qu'il y a de beaux ans qu'il se
tient à l'écart des expositions. Mais nous ne sommes pas au
Salon, nous sommes à l'Universelle. Il fallait relancer l'artiste,
et en supposant qu'on n'eût pas réussi auprès de lui, on avait
encore la ressource de frapper à la porte des collectionneurs qui
se fussent empressés de mettre leurs Jules Dupré à la disposition
des organisateurs de l'Exposition. Il fallait faire pour la France
ce qu'a eu soin de faire pour la Belgique le directeur des beaux-
arts de ce pays, M. Jean Rousseau, qui n'a rien négligé, lui,
pour que la galerie belge fût autant que possible à la hauteur
de la vieille réputation artistique de la race flamande. Et le fait
est que l'exposition belge se distingue par une tenue des plus
sérieuses et des plus respectables.

Il est assez étrange qu'un petit pays comme la Belgique
vienne montrer à une grande nation comme la France comment
on s'y prend pour faire valoir une école et rendre hommage aux
maîtres qui l'ont illustrée.

Là est la grande faute de la défunte direction des beaux-
 
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