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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 4.1878 (Teil 2)

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Véron, Eugène: Notre bibliothèque
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https://doi.org/10.11588/diglit.16909#0056

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Composition de R. Seitz.
Gravure tirée du Faust. (Paris, Hachette.)

NOTRE BI BLIOTH È Q_U E

GVIII

GŒTHE. Faust, tragédie. Traduction de J. Porchat, revue par
B. Lévy. Un magnifique volume in-folio, illustré de 15 gra-
vures sur acier et de 50 gravures sur bois d'après les dessins
de Liezen Mayer, et enrichi d'ornements, tètes de pages et
culs-de-lampe par R. Seitz. — Paris, Hachette, 1878.

l n'y a guère de livres qui, par le
caractère des scènes et des person-
nages, prêtent plus à l'imagination du
dessinateur que le premier Faust de
Gœthe. Le choix seul de cet ouvrage
pour en faire un livre illustré était
donc déjà une heureuse idée. Il ne
restait qu'à trouver des artistes capa-
bles de la mettre en œuvre, et à ce
point de vue encore nous ne pou-
Uttre nrce du Faut. vons que féliciter les intelligents édi-

(Paris, Hachette.) . . ......

teurs qui ont pris 1 initiative de cette
belle publication. La confection matérielle du livre est très-
soignée ; c'est une vieille habitude de la maison. Sans
doute, au point de vue du luxe de l'exécution, il n'y a
pas de comparaison à établir entre le Faust et la Vie de
Joseph. Le caractère est beau, mais quand on le rapproche
de celui du Joseph il paraît grêle; on n'y trouve pas cette
plénitude, cette justesse de proportions qui éclatent dans
l'autre. Le papier est aussi moins fort, moins sonnant; en
un mot, au point de vue du bibliophile et comme livre, le paral-
lèle ne lui serait pas avantageux. Mais il rachète cette infériorité
par une qualité spéciale qui compense tout le reste. L'illustration
du Faust semble sortir tout naturellement du sujet ; elle fait corps
avec le livre, tandis que celle du Joseph paraît un peu factice.
En tournant les pages du premier, on trouve tout naturel de se
rencontrer avec tous ces personnages; ils sont là chez eux. Cette
intimité de l'illustration avec le texte est infiniment moins sen-
sible dans la Vie de Joseph. Il semble qu'il ait fallu quelque effort
pour les rapprocher, pour les souder ensemble. Cela ne coule
pas de source.

A qui la faute? à l'artiste? au sujet? Je ne sais, mais l'impres-
sion est réelle.

Il y a autre chose encore. Dans le Joseph l'illustration est
en quelque sorte impersonnelle. Au fond, le lecteur s'intéresse
médiocrement à ce monde lointain, dont les aventures sentent
la légende, et l'illustrateur n'a pas pu se défendre de cette indiffé-
rence. Il ne s'émeut guère des mésaventures de Joseph jeté dans
la citerne, vendu comme esclave ou condamné comme adultère,

non plus que de sa reconnaissance par ses frères et de la mort
de Jacob.

Dans le Faust, la situation est bien différente. L'émotion
humaine et profonde qui anime toute cette histoire monte sans cesse
à la surface, même avant que soit commencé le drame proprement
dit. Il suffit de la présence de Méphistophélès auprès de Faust,
quand il rencontre Marguerite, pour que dès les premières pages
on prévoie, on sente monter les larmes de la fin. Puis quand
s'engage l'action véritable, quand Marguerite a écouté les pre-
mières déclarations de Faust, on sait bien dès lors qu'elle est
perdue, et qu'il n'y a plus pour elle aucun espoir. Quel sera son
sort? On ne le sait, mais on l'entrevoit terrible. A quoi peut
aboutir une action menée par le diable, par l'esprit du mal, si ce
n'est à une catastrophe effroyable? La donnée même du drame
en contient le dénoûment implicite. Dès l'entrée en matière
l'esprit se trouve placé sous l'obsession d'une idée fixe, qui le
condamne à une anxiété croissante, et finit, grâce à cette tension
prolongée, par aiguiser, affiner, exaspérer la sensibilité jusqu'à
une sorte d'hallucination douloureuse.

Rien n'épouvante, rien ne prend l'homme tout entier comme
la perspective lointaine d'un désastre inévitable, qu'on sent venir,
qu'on voit approcher sans pouvoir rien faire pour y échapper.
Les péripéties inattendues, les coups de fortune qui précipitent
subitement du bonheur parfait en pleine catastrophe, sont loin,
malgré le contraste, d'agir sur l'esprit des spectateurs avec la
même puissance et la même intensité que cette marche lente et
dès longtemps prévue du malheur final. C'est par là que le drame
d'Eschyle est resté au théâtre la plus complète expression de la
terreur. Là ni péripétie, ni revirements. Du premier coup l'action,
le châtiment marche sur le coupable; on sait que rien ne l'arrê-
tera, et l'on compte avec une angoisse croissante chacun de ses
pas.

Gœthe a procédé comme Eschyle. Méphistophélès, dans son
drame, représente la fatalité antique; c'est lui qui est le mauvais
génie de Marguerite. Et l'on s'attend à tout. Même là où elle ne
paraît pas, on la sent. Il n'y a pas un moment dans la série des
scènes où l'on cesse de penser à elle, et la poignante émotion qui
s'attache à cette douce et triste figure crée pour le drame tout
entier une sorte d'atmosphère d'attendrissement, qui commu-
nique à chaque scène une émotion d'un genre particulier, mais
toujours porté à son maximum d'intensité. Aussi peut-on dire
qu'il ne se trouve pas dans tout cet ouvrage un seul instant où
l'intérêt languisse, où l'émotion faiblisse, parce qu'il n'y en a pas
où il soit possible d'oublier Marguerite.

C'est cette émotion quia débordé du texte dans l'illustration,
et c'est grâce à cette contagion qu'il y a dans tout l'ensemble
cette intimité, cette pénétration réciproque de toutes les parties,
 
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