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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 4.1878 (Teil 2)

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Genevay, Antoine: Charles Le Brun et son influence sur l'art décoratif
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https://doi.org/10.11588/diglit.16909#0012

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CHARLES LE BRUN

ET

SON INFLUENCE SUR L'ART DÉCORATIF

1

e coupable et fastueux Fouquet était tombé. Avec une dis-
simulation que Louis XI ne possédait point à son âge, et
qui ressemble à une trahison , un jeune prince de vingt-trois
ans l'avait abattu. Sa chute fut amené moins par ses concus-
sions, par le poids de ses fautes et de ses vices, que par son
inintelligence à comprendre le caractère et la passion dominante
de son maître. Fouquet avait voulu être quelque chose par
lui-même, avoir une valeur personnelle, indépendante, briller
d'un éclat qui ne fût pas un reflet , et le relever encore par
le prestige de la magnificence, du faste et des arts. C'était là
un crime impardonnable aux yeux d'un homme dont l'orgueil
surhumain touchait à la démence. S'entourer d'une cour, éle-

Dessin de Camille Gilbert.

ver le château de Vaux', le remplir de chefs-d'œuvre, peupler
ses jardins de statues, y faire couler des torrents d'eau2, y donner des fêtes sans égales, des
repas où, de tous les points de l'Europe, venaient s'asseoir six mille grands seigneurs et grandes
dames 3, avoir pour poètes et Molière et La Fontaine ; pour peintre, Le Brun, et plus de pen-
sionnaires que le roi; promener ses faveurs parmi les plus belles filles de la cour, et ne pas
trouver de cruelles; faire pâlir, enfin, les splendeurs royales : pour Louis XIV, c'était, de la
part du surintendant, toucher aux prérogatives de la couronne, usurper sur la majesté du trône,
et mériter la hache.

Aussi se montra-t-il sans miséricorde; il descendit jusqu'à solliciter la sévérité des juges, et
sâ colère fut si ardente qu'elle éveilla la pitié publique en faveur de la victime. A leur éternel
honneur, les lettres, que Fouquet avait encouragées, lui restèrent fidèles : Pellisson, La Fontaine,
Hénault, Brébœuf, le savant Lefebvre, père de Mme Dacier, Molière, MI|C de Scudéri, M",c de Sévigné
ne cachèrent ni leurs vœux ni leurs larmes. La magistrature, quoiqu'on l'eût choisie pour
condamner et non pour juger, fit son devoir; la tête de Fouquet ne tomba pas sur l'échafaud.
Condamné au bannissement, le surintendant vit sa peine commuée en une prison perpétuelle4.
Admire qui voudra la justice et la toute-puissance des pouvoirs absolus.

Sur les débris de la fortune de Fouquet s'éleva Colbert qui, secondant Louis XIV, après
avoir incliné son esprit vers ce côté, présida, sans jamais paraître, au mouvement artistique du
règne comme au réveil de l'industrie. Pour apprendre à aimer et à connaître les belles choses,
cet enfant de la bourgeoisie, qui eut plus tard la faiblesse de renier son origine, ce fils d'un
petit drapier de Reims, s'était trouvé à bonne école. Attaché à la maison de Mazarin, devenu
son homme de confiance, mieux que tout autre il avait pu connaître la plus ardente des passions
du cardinal, celle qu'il portait aux produits de l'art ; il tenait le compte de toutes les richesses
amoncelées dans son palais et dans sa splendide galerie, si belle encore aujourd'hui, décorée par
le pinceau de Romanelli. Il n'ignorait pas avec quelle amère douleur il avait quitté ces trésors où
s'était épuisé le génie des arts, et, certainement, de Brienne lui avait raconté la scène dont il

t. Vaux-le-Vicomte près Melun. L'architecte de Fouquet était Le Vau; pour les jardins, Lenôtre.

2. Cent ans après la chute de Fouquet, le duc de Villars, propriétaire de Vaux, fit enlever les conduites d'eau ; le plomb seul, vendu au
poids, lui donna plus de 490,000 livres. D'où nous concluons que lorsque l'on estime à 9 millions de livres les dépenses de Fouquet à Vaux on
est très-loin de la vérité.

». 17 août 1661. Ce repas prodigieux fut ordonné par Vatel, maître d'hôtel du surintendant.

4. Toujours captif, Fouquet mourut en 1681. Il avait été arrêté le ^ septembre 1661.
 
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