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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 4.1878 (Teil 2)

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Véron, Eugène: Art dramatique, [1]: les Fourchambault - pièce en cinq actes, par Émile Augier
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https://doi.org/10.11588/diglit.16909#0090

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74 L'ART.

titre nobiliaire, et, ne pouvant l'espérer pour elle-même, elle le rêve pour sa fille. Que le
porteur de ce titre soit un fat ou un homme de cœur, qu'il soit ou non capable de faire
le bonheur de Blanche, que celle-ci l'aime ou en aime un autre, peu importe. Est-ce qu'on
peut être malheureuse quand on est baronne ? A ses goûts de dépense elle sacrifie son
mari, à sa vanité elle sacrifie sa fille. Mauvaise épouse et mauvaise mère, elle ne se sauve
de la haine que mériterait son égoïsme que par le mépris qu'inspire sa sottise. Son
inconscience désarme la colère. Ce n'est pas une des moindres habiletés d'Émile Augier
d'avoir su éviter de rendre ce personnage complètement insupportable. Il l'a maintenu
dans les limites de la comédie en tempérant la férocité de son égoïsme par la pauvreté de
son intelligence. Si cette femme manque de cœur, elle ne manque pas moins d'esprit, et
cette aggravation devient en réalité une sorte de compensation.

On peut deviner ce que sont les enfants nés et élevés dans un pareil milieu. Le fils,
Léopold, sans être foncièrement mauvais, est devenu un gommeux qui ne songe qu'à ses
plaisirs ; il partage son temps entre les danseuses et les cartes ; Blanche, une petite
fille insignifiante, se laisse facilement persuader par sa mère, qui en fait la complice de sa
vanité. Pour épouser la baronnie du jeune Rastiboulois, elle brise le cœur d'un honnête
homme qui l'aime et qu'elle-même a cru aimer, mais qui a le tort de s'appeler Chauvet.

Voilà la collection des Fourchambault. A qui s'attacher dans tout cela ? Aussi n'est-ce
pas là qu'est l'intérêt de la pièce. Bien que la comédie porte leur nom, ce n'est pas sur
eux qu'elle repose. Ils en constituent en quelque sorte l'élément passif. L'action vient
d'ailleurs, de même que l'intérêt et la sympathie. Le titre n'est donc pas exact. En ferons-
nous un reproche à l'auteur ? cela n'a pas une grande importance, du moment que, en
somme, l'action, sans les Fourchambault, n'aurait pas de raison d'être.

Dans ce milieu tel que nous venons de le représenter nous trouvons une jeune orphe-
line,, Marie Letellier, appartenant à une famille honorable, mais ruinée. Avec la recomman-
dation du frère de M. Fourchambault, qui habite l'île Bourbon, elle est venue en France,
chercher une occupation qui lui permît de gagner sa vie. Son espoir est de trouver, par
l'entremise de ses nouveaux amis, une place d'institutrice. Elle a apporté dans la famille
Fourchambault les habitudes de la vie créole, l'absence de toute pruderie, une facilité de
relations qui s'allie à la plus scrupuleuse moralité* Sa vertu, pour n'avoir rien de farouche,
n'en est pas moins une vertu très-solide. Elle ne comprend rien aux mille petites hypo-
crisies de la morale européenne et aux affectations d'ignorance et de pudeur effarouchée
qui tiennent lieu d'innocence aux moins naïves. Elle se croit assez sûre d'elle-même pour
n'avoir pas besoin de ce paravent, et elle a du rôle et des fonctions de la femme une idée
assez haute pour ne pas croire qu'il soit nécessaire de se donner l'apparence de n'en rien
connaître.

Les Fourchambault, naturellement, et en particulier la mère et le fils, n'ont ni le
cœur ni l'intelligence assez élevés pour comprendre cette façon d'agir. Le fils ne voit
dans la présence de cette jeune fille que l'occasion de conquérir sans trop de peine
une belle maîtresse. Il la poursuit de ses obsessions, dont il se promet un prompt succès ;
Mme Fourchambault de son côté ne tarde pas à être convaincue que Marie encourage les
 
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