L' art: revue hebdomadaire illustrée (4.1878 (Teil 2))

Cartouche composé et gravé par A. Miielli.

EXPOSITION DE DESSINS DES ANCIENS MAITRES

(fin)"

III

a Majesté la Reine d'Angleterre avait envoyé de Windsor à la
Grospenor Gallery sa collection de dessins de Léonard de Vinci,
l'une des plus intéressantes et considérables qu'il y ait en Europe.
Elle rivalise brillamment avec celle de la Bibliothèque Ambrosienne
de Milan, et lui ressemble par les témoignages éclatants qu'elle
nous donne de l'étendue et de la variété des facultés de l'artiste.
Il est rare qu'on ne perde pas en puissance ce qu'on gagne en
étendue. La souplesse est une qualité généralement incompatible
avec l'intensité du style, et l'un des traits les plus merveilleux
du génie de Léonard est précisément d'avoir uni à une curiosité
investigatrice, qui embrassait la nature entière, cette finesse et
cette sûreté de perception qui, chez les hommes d'une taille moins haute, sont la marque et le
prix d'une dévotion étroite à une spécialité artistique exclusive. Il n'est guère un aspect de la
nature qu'il n'ait étudié à fond, dont il n'ait tout au moins résumé l'impression avec cet instinct
divinateur qui révèle au génie les mystères des choses. Voici de précieuses et savantes études de
draperies, des dessins de fleurs et de fruits d'une précision qui n'ôte rien à leur charme, des coins
de paysages empreints du réalisme chercheur d'Albert Durer, et tout un clavier de têtes où sont
notés les caractères des physionomies les plus diverses, et fixées les phases changeantes
et multiples de l'expression de la figure humaine. C'est peut-être dans sa façon de traiter
la figure humaine que Léonard a déployé avec le plus d'ampleur l'originalité de son art.

i. Voir l'Art, 4e année, tome Ier, pages 155 et 169.

Lettre du xvr" siècle, collection Bonnafle.