L' art: revue hebdomadaire illustrée (4.1878 (Teil 2))

140 L'ART.

le signalons, c'est uniquement dans la pensée de montrer qu'il est sage de rompre dorénavant
avec ces prétendues concessions à un art qui a la prétention d'être absolu. Évidemment l'archi-
tecte, auquel le constructeur du palais du Champ-de-Mars s'est adressé pour apporter un appoint
d'art à ce vaste bâtiment, n'a pas compris que cet appoint d'art devait se soumettre absolument
à la conception structurale, qu'il devait l'appuyer, non la masquer. Mais n'insistons pas, d'autant
que sur bien des points cette influence pernicieuse de l'École n'a pas empêché de décorer cette
structure comme il convient. Il est certain, par exemple, que ces remplissages en terre cuite
émaillée sont bien la décoration qui convient à la construction de fer et, sous ce rapport, le
bâtiment de la ville de Paris placé au centre du palais est absolument satisfaisant. Là, l'architecte,
loin de chercher à dissimuler une structure de fer très-bien entendue et d'un aspect excellent,
parce qu'elle est fournie par le calcul et une connaissance exacte des propriétés du métal, n'a
fait, par son mode de décoration, qu'appuyer cette structure.

Nous dirons aussi que le procédé de décoration des plafonds des deux grands vestibules est
parfaitement approprié à l'objet. Ce sont des panneaux de staff remplissant les intervalles laissés
entre les membrures de fer, panneaux extrêmement légers, bien que durables à l'intérieur, faciles
à poser et qui permettent aussi bien les reliefs les plus prononcés que la peinture. Nous n'aurions
à reprocher à cette décoration, dont le principe est excellent, que d'être trop grande d'échelle et
de manquer de caractère.

A ce propos, relatons un fait qui mérite d'être signalé aujourd'hui que nos habitudes, nos
besoins, nécessitent l'élévation rapide de bâtiments et se refusent aux encombrements produits
dans une ville active par la présence des chantiers.

Sauf les travaux de fondations et de terrassements, toute l'œuvre composant le palais du
Champ-de-Mars a été achevée dans les usines et les ateliers. Il n'est pas besoin d'insister
beaucoup pour faire comprendre les avantages de ce système. Les différentes pièces d'un bâtiment
pouvant être ainsi façonnées sur un grand nombre de points, on n'a pas à redouter l'encombre-
ment. Commandées en temps opportun, elles arrivent de ces points au jour dit, pour prendre leur
place. C'est la division du travail en grand, dans ce qu'elle présente d'avantageux et de réellement
pratique. Mais on comprendra que l'emploi de ce moyen exige, de la part de la direction, une
précision absolue, puisqu'il peut arriver qu'un centimètre de plus ou de moins donné à certaines
pièces, occasionne les plus grandes difficultés lors de la pose. Aussi, les dessins cotés ne suffisent-
ils pas, et les usiniers qui doivent fondre ou façonner les pièces de fer reçoivent de la direction
des mesures parfaitement étalonnées.

On comprendra combien cette direction exige d'ordre et de méthode, pour que chaque partie
de l'œuvre arrive sur le tâs non trop tôt, ce qui serait une cause d'encombrement, non trop tard,
ce qui arrêterait la marche régulière du travail.

Eue Emm. Viollet-le-Duc.

MÉDAILLON

Composé par Ranson et grave par Berthault.