DES ROIS D E HONGRIE.
49
CHRONOLOGIE HISTORIQUE
D E S
ROIS D E H O N G R I E,
La Hongrie s’étend sur une partie de l’ancienne Pannonie, de la Dacie 8c du pays des Jazyges. Les Huns ,
l’ayant conquise sur les Romains après le milieu du 4 e siecle , furent obligés de la céder aux Goths , ap-
pellés Gépides, après la mort d’Attila. Ces derniers en furent chalTés à leur tour par les Lombards, qui
peu après l’abandonnerent aux Abares ou Avares , pour pasfer en Italie. Ceux-ci furent subjugués , Fan
79c), par Charlemagne , après une guerre cruelle de 8 ans , où périrent tous leurs Chefs avec une grande
partie de la nation. Ce pays demeura sous la domination des Princes carlovingiens, jusqu’à la mort de
Charles le Gros. Sur la fin du 9 e siecle, il devint la proie d’un nouveau peuple sorti, comme les Huns 8c
les Avares , de la Scythie Asiatique ou Tartarie , 8c composé d’Onigours 8c de Madgiares. Les Panno-
niens leur donnerent le nom de Hongrois qui n’est qu’une corruption de celui d’Onigour. Telle est l’opi-
nion de M. de Guignes. M. Jean Eberhard Fischer, Profesteur en Hiscoire à FAcadémie de Pétersbourg ,
dans un petit ouvrage in-i 1, imprimé à Gottingen l’an 1770 , sous ce titre : Quœftiones petropolitana j
donne une origine un peu difterente aux Hongrois. Ce peuple, selon lui, fut d’abord connu sous le nom
de Jugres (.Jugri ) dont par corruption 011 a fait Hugres, Hungres 8c Hungares. Leur premiere habitation ,
dit-il, fut dans les pays situés autour de la vilie de Turfan, àl’Occident de la Chine , d’où, après de longs
circuits, ils vinrent s’établir en Basldrie. Chastés de-là ensuite par les Petscheneges ou Patzinaces, après un
long intervalle de tems, ils se réfugierent sur les terres des Romains, 8c fixerent leur demeure en Pan-
nonie. Du reste cette nation étoit entièrement difterente des Huns , pour les mœurs, la figure , la maniere
de se vètir , 8c par le langage. Leur idiôme , selon le mème Ecrivain , étoit composé en grande partie du
Tartare 8c du Scythe , 8c sur-tout du dialede des Tartares Vogules. Le Chefde laconquête qu’ils firent
en Pannonie , fut Almus ou Almon , nommé par les Orientaux Salmuts , qui se prétendoit issu d’Attila.
Ii eutun fils nommé Harpad, qui, lui ayant succédé, transmit ses Etats, l’an 907, à son fils Zulta ou Zol-
tan. Les armées de celui-ci se répandirent dans l’Europe , 8c ravagerent l’Allemagne , l’Italie 8c la France
orientale. Zulta céda ses Etats à son fils Toxun, dont ie gouvernement fut le contraste de celui de son pere.
La paix, que ce Prince établit dans ses Etats , en ouvrit l’entrée aux étrangers. Ce fut par leur ministere
que Géisa, son fiis 8c son succestèur , connut 8c embrassa ia religion chrétienne. Ce dernier eut de Sarolth
son épouse, nommée Jécha par Albéric, l’an 969 , ou seion d’autres, l’an 977 , un fils nommé Etienne,
par où commence la Chronologie des Rois de Hongrie, 8c deux filles, N. mariée à Otton Orséolo, Doge
cie Venise , 8c Sama , femme d’Aba , qui viendra ci-après.
E T I E N N E I.
L’an 997 Etienne I, fils du Duc Géisa , baptisé avec lui le
jour de S. Etienne de l’année précédente, par S. Adalbert, Evê-
041e de Prague , suivant l’Auteur de sa vie, ou par S. Brunon ,
Apôtre de ia Pruise, seion Adhémar de Chabannois, fut re-
connu Waivode, ou Duc de Hongrie, après la mort de son
pere. Héritier de ses vertus, il obligea les Hongrois à recevoir
le bapteme. Son zeie occasionna des révoltes dont sa valeur
triompha. L’an 1000, lesHongrois lui déférerent le titrc de Roi
dont il demanda auPape Silveflre II ia ccnsinnation. Le Pape y
ajouta celui d’Apôtrede la Hongrie, avec le pouvoir derégler &
disposer les affaires ecclésiastiques de Hongrie, présentes & à
venir, & de nommer auxgrands & petits Bénéfices du Royaume
comme tenant laplace du Pontife Romain: c’étoit lui donnerl’é-
quivalent du titre de Légat perpétuel du S. Siége. La Bulle , qui
contient ces priviléges, futconfirmée long-tems après au Concile
dc Constance, à la demande de l’Empereur Sigismond, Roi de
Hongrie. L’Empereur Henri II scella de son approbation , l’an
10^8, la royauté d’Etienne , en lui donnant sa sceur Gisele en
mariage. Etienne établit dans ses États dix Evêchés, dont Gran
ou Strigonie futla Métropole. La religion d’Etienne fut-un mo-
tif pour Giula, son oncle, Duc de Transylvanie, & idolâtre fa-
natique , de lui déclarer la guerre. Etienne, plein de confiancc
dans le secours du Ciel, marcha contre lui, le vainquit Scajouta
à la Monarchie Hongroise , dit Thwrocz, ses vastes & riches
Etats : Universum regnum ejus latijjimum & opulentissimum Mo~
narchia Hungaris. adjunxit. Etienne, dit le même Auteur,
tourna ensuite ses armes contre Kean, Duc des Bulgares & des
Sclaves, qu’il tua dc sa main dans une bataille, non sans avoir
éprouvé bicn des difficuités pour pénétrer dans son pays, dé-
fendu, comme il étoit, par dehautes montagnes. Le vainqueur
donna ce Duché à Zulta , son bisaïeul, qui vivoit encore, &
après la mort duquel il le réunit à ses Etats. Etienne , ajoute
Thwrocz , remporta de son expédition de grandes richesses qui
lui servirent à doter les Eglises qu’il avoit fondées. Conrad le
Salique R.oi de Germanie & depuis Empereur , ayant donné ,
l’an 1017, la Baviere à son fils Henri, le Roi de Hongrie lui en-
voya , l’année suivante , une ambassade pour réclamer ce Du-
ché aü nom de Gisele , sa femme, & d’Eméric, son fils unique,
Duc de la Russie rouge. La demande d’Etienne étoit fondée,
Eméric étant leplus prochehéritier de l’Empereur Hemill, son
oncle, dont la Baviere étoit le patrimoine. Sur le refus que fait
Conrad de Iui rendre justice, Etienne se prépase à Ja guerre.
L’an 1030, il entre dans la Baviere , où il fait de grands dé-
gâts. Mais Eméric étant venu à mourir l’année suivante, il con-
clut la paix avec le fils de l’Empereur, en renonçant à ses pré-
tentions. Ce Prince, après avoir policé la Hongrie par des loix
où sa piété, pour ne rien disfimuler, brille quelquefois plus que
son discernement, mourut à Bude le 15 Août 1038, à l’âge de
60 ans. Son corps fut inhumé dans le magnifique Temple qu’il
avoit fait bâtir à Albe-Royale. L’Eglise l’a placéau nombre des
Saints, ainsi que son fils Eméric. Sa fête se célébroit autrefois le
xo Aosit; InnocencXI l’amise au 2 Septembre. Lamémoire de
S. Etienne est tellement en vénération chez les Hongrois, qu’ils
se servent de sa couronne pour le sacre de leurs Rois, & la re-
gardent comme essentielle à cette cérémonie.
Le gouvernement féodal étoit établi avant Etienne en Hongrie , et
ce Prince l’y maintint. Les Comtes et les Barons qui en possédoient
les grands domaines , avoient deux sortes de vassaux nobles , les
Chevaliers terriens, Milites pradiales, qui tenoient des fiefs dansleur
mouvance, et des Chevaliers servans, Milites scrvientes, qu’ils sou-
doyoient pour les suivre à la guerre.
PIERRE surnommé L’ALLEMAND.
1038. Pierre, Allemand de naiffance, fut élu pour succéder
au Roi S. Etienne, par les intrigues de la Reine Gisele , sa pa-
Tome 1L
N
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CHRONOLOGIE HISTORIQUE
D E S
ROIS D E H O N G R I E,
La Hongrie s’étend sur une partie de l’ancienne Pannonie, de la Dacie 8c du pays des Jazyges. Les Huns ,
l’ayant conquise sur les Romains après le milieu du 4 e siecle , furent obligés de la céder aux Goths , ap-
pellés Gépides, après la mort d’Attila. Ces derniers en furent chalTés à leur tour par les Lombards, qui
peu après l’abandonnerent aux Abares ou Avares , pour pasfer en Italie. Ceux-ci furent subjugués , Fan
79c), par Charlemagne , après une guerre cruelle de 8 ans , où périrent tous leurs Chefs avec une grande
partie de la nation. Ce pays demeura sous la domination des Princes carlovingiens, jusqu’à la mort de
Charles le Gros. Sur la fin du 9 e siecle, il devint la proie d’un nouveau peuple sorti, comme les Huns 8c
les Avares , de la Scythie Asiatique ou Tartarie , 8c composé d’Onigours 8c de Madgiares. Les Panno-
niens leur donnerent le nom de Hongrois qui n’est qu’une corruption de celui d’Onigour. Telle est l’opi-
nion de M. de Guignes. M. Jean Eberhard Fischer, Profesteur en Hiscoire à FAcadémie de Pétersbourg ,
dans un petit ouvrage in-i 1, imprimé à Gottingen l’an 1770 , sous ce titre : Quœftiones petropolitana j
donne une origine un peu difterente aux Hongrois. Ce peuple, selon lui, fut d’abord connu sous le nom
de Jugres (.Jugri ) dont par corruption 011 a fait Hugres, Hungres 8c Hungares. Leur premiere habitation ,
dit-il, fut dans les pays situés autour de la vilie de Turfan, àl’Occident de la Chine , d’où, après de longs
circuits, ils vinrent s’établir en Basldrie. Chastés de-là ensuite par les Petscheneges ou Patzinaces, après un
long intervalle de tems, ils se réfugierent sur les terres des Romains, 8c fixerent leur demeure en Pan-
nonie. Du reste cette nation étoit entièrement difterente des Huns , pour les mœurs, la figure , la maniere
de se vètir , 8c par le langage. Leur idiôme , selon le mème Ecrivain , étoit composé en grande partie du
Tartare 8c du Scythe , 8c sur-tout du dialede des Tartares Vogules. Le Chefde laconquête qu’ils firent
en Pannonie , fut Almus ou Almon , nommé par les Orientaux Salmuts , qui se prétendoit issu d’Attila.
Ii eutun fils nommé Harpad, qui, lui ayant succédé, transmit ses Etats, l’an 907, à son fils Zulta ou Zol-
tan. Les armées de celui-ci se répandirent dans l’Europe , 8c ravagerent l’Allemagne , l’Italie 8c la France
orientale. Zulta céda ses Etats à son fils Toxun, dont ie gouvernement fut le contraste de celui de son pere.
La paix, que ce Prince établit dans ses Etats , en ouvrit l’entrée aux étrangers. Ce fut par leur ministere
que Géisa, son fiis 8c son succestèur , connut 8c embrassa ia religion chrétienne. Ce dernier eut de Sarolth
son épouse, nommée Jécha par Albéric, l’an 969 , ou seion d’autres, l’an 977 , un fils nommé Etienne,
par où commence la Chronologie des Rois de Hongrie, 8c deux filles, N. mariée à Otton Orséolo, Doge
cie Venise , 8c Sama , femme d’Aba , qui viendra ci-après.
E T I E N N E I.
L’an 997 Etienne I, fils du Duc Géisa , baptisé avec lui le
jour de S. Etienne de l’année précédente, par S. Adalbert, Evê-
041e de Prague , suivant l’Auteur de sa vie, ou par S. Brunon ,
Apôtre de ia Pruise, seion Adhémar de Chabannois, fut re-
connu Waivode, ou Duc de Hongrie, après la mort de son
pere. Héritier de ses vertus, il obligea les Hongrois à recevoir
le bapteme. Son zeie occasionna des révoltes dont sa valeur
triompha. L’an 1000, lesHongrois lui déférerent le titrc de Roi
dont il demanda auPape Silveflre II ia ccnsinnation. Le Pape y
ajouta celui d’Apôtrede la Hongrie, avec le pouvoir derégler &
disposer les affaires ecclésiastiques de Hongrie, présentes & à
venir, & de nommer auxgrands & petits Bénéfices du Royaume
comme tenant laplace du Pontife Romain: c’étoit lui donnerl’é-
quivalent du titre de Légat perpétuel du S. Siége. La Bulle , qui
contient ces priviléges, futconfirmée long-tems après au Concile
dc Constance, à la demande de l’Empereur Sigismond, Roi de
Hongrie. L’Empereur Henri II scella de son approbation , l’an
10^8, la royauté d’Etienne , en lui donnant sa sceur Gisele en
mariage. Etienne établit dans ses États dix Evêchés, dont Gran
ou Strigonie futla Métropole. La religion d’Etienne fut-un mo-
tif pour Giula, son oncle, Duc de Transylvanie, & idolâtre fa-
natique , de lui déclarer la guerre. Etienne, plein de confiancc
dans le secours du Ciel, marcha contre lui, le vainquit Scajouta
à la Monarchie Hongroise , dit Thwrocz, ses vastes & riches
Etats : Universum regnum ejus latijjimum & opulentissimum Mo~
narchia Hungaris. adjunxit. Etienne, dit le même Auteur,
tourna ensuite ses armes contre Kean, Duc des Bulgares & des
Sclaves, qu’il tua dc sa main dans une bataille, non sans avoir
éprouvé bicn des difficuités pour pénétrer dans son pays, dé-
fendu, comme il étoit, par dehautes montagnes. Le vainqueur
donna ce Duché à Zulta , son bisaïeul, qui vivoit encore, &
après la mort duquel il le réunit à ses Etats. Etienne , ajoute
Thwrocz , remporta de son expédition de grandes richesses qui
lui servirent à doter les Eglises qu’il avoit fondées. Conrad le
Salique R.oi de Germanie & depuis Empereur , ayant donné ,
l’an 1017, la Baviere à son fils Henri, le Roi de Hongrie lui en-
voya , l’année suivante , une ambassade pour réclamer ce Du-
ché aü nom de Gisele , sa femme, & d’Eméric, son fils unique,
Duc de la Russie rouge. La demande d’Etienne étoit fondée,
Eméric étant leplus prochehéritier de l’Empereur Hemill, son
oncle, dont la Baviere étoit le patrimoine. Sur le refus que fait
Conrad de Iui rendre justice, Etienne se prépase à Ja guerre.
L’an 1030, il entre dans la Baviere , où il fait de grands dé-
gâts. Mais Eméric étant venu à mourir l’année suivante, il con-
clut la paix avec le fils de l’Empereur, en renonçant à ses pré-
tentions. Ce Prince, après avoir policé la Hongrie par des loix
où sa piété, pour ne rien disfimuler, brille quelquefois plus que
son discernement, mourut à Bude le 15 Août 1038, à l’âge de
60 ans. Son corps fut inhumé dans le magnifique Temple qu’il
avoit fait bâtir à Albe-Royale. L’Eglise l’a placéau nombre des
Saints, ainsi que son fils Eméric. Sa fête se célébroit autrefois le
xo Aosit; InnocencXI l’amise au 2 Septembre. Lamémoire de
S. Etienne est tellement en vénération chez les Hongrois, qu’ils
se servent de sa couronne pour le sacre de leurs Rois, & la re-
gardent comme essentielle à cette cérémonie.
Le gouvernement féodal étoit établi avant Etienne en Hongrie , et
ce Prince l’y maintint. Les Comtes et les Barons qui en possédoient
les grands domaines , avoient deux sortes de vassaux nobles , les
Chevaliers terriens, Milites pradiales, qui tenoient des fiefs dansleur
mouvance, et des Chevaliers servans, Milites scrvientes, qu’ils sou-
doyoient pour les suivre à la guerre.
PIERRE surnommé L’ALLEMAND.
1038. Pierre, Allemand de naiffance, fut élu pour succéder
au Roi S. Etienne, par les intrigues de la Reine Gisele , sa pa-
Tome 1L
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