Revue archéologique (12.1865)

28 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.

décrit, dans un cours des plus élémentaires, me semblait admirablement adapté au
but qu’il se proposait : permettre à tout agriculteur de reconnaître si la terre con-
tient assez de phosphate de chaux pour faire pousser son grain. Mais de là à dire
qu’il y avait eu un corps inhumé parce que le précipité était plus ou moins abon-
dant... ??

Je soumis toutes mes objections à M. Rigout.

« Vous avez raison, me répondit-il, il ne suffit pas d'employer le procédé que vous
« m'indiquez pour être certain de la. présence du phosphate de chaux dans une terre
« en assez grande quantité, pour en conclure la présence cl’os dans cette terre.

« Le phosphate de chaux n’est décomposé qu’incomplétement par ébullition avec
« un alcali carbonaté et en supposant qu’on attaque une suffisante quantité de phos-
« phate par ce procédé, il n’est pas prouvé que l’on ne dissolve pas en môme temps
« une certaine portion de la silice qui se trouve dans la terre, et cette silice sera pré-
« cipitée par l’ammoniaque dans l’expérience finale.

« Je suppose qu’on sait que, pour précipiter l’acide phosphorique dans une liqueur,
« il faut employer, après avoir saturé la liqueur par l’ammoniaque, une dissolution
« claire de sulfate de magnésie, de chlorhydrate d’ammoniaque et d’ammoniaque, et
« qu’il ne faut point (comme vous le dites) verser dans la liqueur chlorhydrique du
« sulfate de magnésie et enfin de l’ammoniaque. Il faut encore, une fois le précipité
« obtenu, s’assurer qu’on a bien affaire à du phosphate ammoniaco-magnésien.

« L’aspect de la terre doit en dire beaucoup plus que l’expérience conduite comme
« vous l'indiquez. N’est-il donc pas possible de trouver dans cette terre des traces
« blanches, de petils amas blancs de phosphate de chaux, dont il serait facile de
« déterminer la nature? Dans le cas contraire, il me semble qu’il serait convenable
« de faire des expériences comparatives sur la terre où l’on suppose qu’il y ait eu
« inhumation et sur une autre terre où l’on serait certain qu’il n’y en a pas eu;
» chercher dans des échantillons bien connus les quantités de phosphate! ... et en-
« core!!... »

Malheureusement, dans la crypte du Moustoir comme à Crubelz et sous les menhirs
de Lanvaux, on ne trouve ni traces blanches, ni amas blancs de phosphate de chaux.
Il n’a pas été fait d’analyses quantitatives; quant aux analyses comparatives, à qu’elles
terres s’adresser? Ne savons-nous pas, à propos de la terre sur laquelle nous avons
opéré, que le granit contient du phosphate de chaux, comme l’indique Dufrenoy
(Minéralogie, 2e édition, t, II, p. 400), comme M. de Limur m’en a montré de nom-
breux échantillons pris dans les carrières du Morbihan (l) ? Connaissons-nous, surtout,
la richesse de ces terres en phosphates aux temps reculés où elles ont été déposées
dans ces cryptes, et pouvons-nous leur comparer nos terres actuelles appauvries par
la culture? Maintenant que l’on a sous les yeux les éléments de cette discussion im-
portante au point de vue archéologique, je conclus :

Pas plus dans la crypte orientale du Moustoir-Carnac, qu’à Crubelz, qu’au Mané-
er-h’roëk, que'sous les menhirs et les tombelles fouillés en ces derniers temps dans la
lande de Lanvaux, on n’a obtenu des résultats assez précis et assez concluants pour
qu’on puisse affirmer que là était une sépulture.

Arrivé au terme de cette étude, il nous est permis de nous demander si cette

(1) Le Phosphate de chaux à l’état de cristal hexagonal ou annulaire se trouve, dans
le Morbihan, dans les carrières de Kerboulard, Plumériau, Port-Louis, la ville d'Er,
etc. Dans ce département, les phosphates de plomb et d’alumine sont encore plus nom-
breux et l’on peut dire que le phosphate de fer se trouve partout dans ces granits.