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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 4.1878 (Teil 2)

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Montrosier, Eugène: La caricature politique: Honoré Daumier
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https://doi.org/10.11588/diglit.16909#0036

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26

L'ART.

exalte les souffrants, on élève sur le pavois les bâillonnés et les proscrits. On s'érige en justicier.
Et, pour ce fait, on devient justiciable.

La Caricature a ambitionné ce beau rôle qui eût tenté Don Quichotte : défendre tous
les vaincus! Nous parlons de la Caricature d'hier, et non de celle d'aujourd'hui. Qui s'y mé-
prendrait en voyant ce qu'elle fut, en regardant ce qu'elle est? A présent, elle trouve la vie
bonne , la morale facile. Descendre le « fleuve de l'existence » est si commode. A quoi bon
nager et essayer de remonter le courant ? Métier de dupe, travail qu'Hercule lui-même eût dédai-
gné... '.

Des êtres qui se sont appelés Daumier, Henri Monnier, Gavarni, Traviès, ont envisagé à une
autre époque la question d'un point de vue différent, avec des arguments dissemblables et une
« poétique » qui fut personnelle à chacun d'eux.

Le plus redoutable fut Honoré Daumier.

Henri Monnier railla la Bourgeoisie et coula d'un seul jet, sans bavochure, ce bronze
impérissable : Prudhomme !

Gavarni, nourri de dandysme et de scepticisme, s'en prit aux mœurs s'avilissant d'heure en
heure. Il fit des lithographies... au fer rouge! C'était à faire reculer d'horreur les plus dépravés,
les plus corrompus.

Traviès, clair de lune d'Henri Monnier, laissera dans l'œuvre des caricaturistes du xix': siècle
une empreinte curieusement frappée : le masque de Mayeux.

Le superbe artiste qui nous attire en ce moment, et dont nous avons, pièce à pièce, interrogé
l'œuvre immense, peut, s'il le veut, se reposer, car il a travaillé pour la postérité, tout aussi bien
que l'Anglais Hogarth dont les satires illuminent la salle qui leur est affectée à la National
Gallety, à Londres ; que Seymour et que George Cruikshank, ses compatriotes ; que Goya, en
Espagne; que Pinelli, en Italie.

Il est né en Marseille en 1808. Son père, bon et honnête vitrier, poète à ses heures et non
sans souffle ni sans élan, mêlait l'étude au travail manuel et élevait ses enfants tout en élargis-
sant !e champ de ses rêves.

Des débuts, des hésitations, des tâtonnements du fils de Jean-Baptiste Daumier, on sait peu
de détails. Il fut, croyons-nous, d'abord dans une maison de librairie où le meilleur de ses loisirs,
hélas ! chichement mesurés, dut être consacré à dessiner furieusement sur toute chose et à propos
de tout. Ce fut ainsi qu'il jeta sa gourme, non sans péril, car voici ce que l'on put lire un matin
dans la Caricature du 30 août 1832 :

« Au moment où nous écrivons ces lignes, on arrêtait, sous les yeux de son père et de sa
mère, dont il était le seul soutien, M. Daumier, condamné à six mois de prison pour la caricature
de Gargantua. »

Le dessin montrait le roi Louis-Philippe en train d'avaler de gros budgets et des pâtés-
dotations, que des marmitons habillés en ministres lui font parvenir. L'intention fut incriminée
plus que la lithographie, d'un trait naïf, d'une exécution malhabile. Cependant, Daumier devint
l'homme d'un parti et se trouva entraîné dans une voie où les plus vivaces de ses semences
devaient germer.

III

Philippon, qui fut le journalisme fait homme, avait fondé la Caricature et s'en servit pour
saper le trône de Louis-Philippe. Il dirigeait de ses conseils, de son esprit, de ses emportements,
même de ses inimitiés, toute une légion de frondeurs dont les chefs se nommaient : Grandville,

1. Nous tenons à détacher du groupe des dessinateurs faciles que nous visons deux artistes de courage et de talent qui eussent figuré
dignement aux côtés de Daumier. Nous n'avons pas à apprécier leur genre, nous le signalons seulement. Il s'agit de MM. André Gill et Gilbert-
Martin.
 
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