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La chronique des arts et de la curiosité — 1869

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Nr. 12 (21 Mars)
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https://doi.org/10.11588/diglit.26661#0072
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CHRONIQUE DES ARTS,

-r-----:-

2

A chaque enchère élevée, on cherchait à
reconnaître l’acquéreur. Mais peine perdue !
Car la plupart du temps M. Pillet adjugeait
à un marchand qui avait commission ou à
un personnage inconnu et évidemment fic-
tif. C’est ainsi que, sans qu’on le sut, la
délicieuse Place cl’une ville en Hollande est
rentrée pour 40,000 francs dans le sein de
la famille Delessert. Les héritiers, dont la
fortune est énorme et le goût, à ce qu’il
semble, fort éclairé, se sont même entre eux
disputé vivement plusieurs toiles d’élite. Le
Portrait de Wille, par Qreuze, est pour M. Jules
André.

L’arrêt du Raphaël à 150,000 francs causa
la plus vive surprise, Qn avait, ce que l’on
appelle en termes du métier, beaucoup rêvé
siir le prix vénal de ce tableau. Les imagi-
nations montées avaient fait prononcer par
avance des sommes énormes. La réalité a
fait crouler ce généreux échafaudage. Le
Louvre n’entrant pas en lice pour des mo-
tifs que nous ignorons, l’Angleterre faisant
les plus bourgeoises économies depuis son
affaire d’Abyssinie, les riches amateurs
n’ayant, en ce moment, nul Souci de l’école
italienne, la nature mystique de la compo-
sition écartant la possibilité d’entrer dans les
intérieurs modernes essentiellement mon-
dains, lalutte s’est trouvée circonscrite entre
les héritiers, qui tenaient à ce joyau de famille
et le duc d’Aumale que sollicitait aussi la
possession antérieure de ce petit panneau
par le duc d’Orléans. Cette adjudication jeta
un trouble extrême dans l’assemblée. C’est
à peine si l’on remarqua que M. Bartholdi
avait le merveilleux Cuyp pour 92,000 fr.,

M. Say un Hobbémapour Z|0,000 francs, et
Mme Stephan une perle de Backhuisen pour

18.000 francs. Malgré que cette vacation ait
fait six cent trente et quelque mille francs,
on se sépara sans enthousiasme.

• Le lendemain, ce fut bien autre chose.

On sentait que les grands amateurs étaient
là pour acheter et non plus pour juger.

M. Pillet était plein de verve. M. Petit, ra-
dieux. La délicieuse esquisse de Rubens, la
Sainte Famille, atteignant 12,500 francs, mit
le feu aux poudres. On applaudit le princd
Narischkine lorsqu’on le vit pousser jusqu’à

22.000 francs ce portrait de Vieille femme,
deOstade, dessinécomme un Hobbein, peint
comme un Van Eyck. Mais les applaudisse-
ments redoublèrent à l’adjudication, à ce
même prince, de l’Intérieur hollandais,
pourl50,000 francs nets.Dans un groupe de
libres penseurs, on regrettait sincèrement
que cette saine et franche peinture n’entrât
point au Louvre : « Si elle est de Pierre de
Hooghe, disaient ce3 gens qui sentent le
roussi, elle est en tête de son œuvre ; si elle
est d’un des Van der Meer, elle nous enrichit
d’un maître éminent que nous ne possé-
dons point. Dans tous les cas, c’est un
excellent motif à études. » Voilà ce que j’ai
entendu dire et ce que je redis moi-même
« sans horreur. »

. Après la très-judicieuse acquisition du
second Pierre de Hooghe pour le national
Gallery, on peut, sans blesser aucune sus-
ceptibilité, laisser entrevoir que l’entrain
des acheteurs s’éleva jusqu’à une douce
folie, le delirium metallicum. Les louis d’or
ruisselèrent en cascade et Me Ch. Pillet au-
rait pu s’asseoir sur un ballot de billets de
banque. 159,000 francs le Marché au pois-
sons, de Téniers, à M. de Grefhule ; 45,000 •
francs, à M. Narischkine, la Dégustation, de
Terburg, dont, il est vrai, la conservation
est exceptionnelle ; 51,000 francs à M. Say,
le Ruisseau, de ce Wynants, paysagiste sur
le compte duquel il y a beaucoup à dire;
23,500 francs au même amateur, le Musico
hollandais, deOstade.Le resteà l’avenant.Ce
qui prouve que les bons tableaux sont rares,
qu’il y a beaucoup d’argent inactif en France,
que le goût des amateurs se fait, et je les
en félicite, de jour en jour plus indépen-
dant et plus vif, enfin qu’il y a pour cer-
taines galeries, des grâces d’état. Lorsque

l’on sut le résultat de ce second jour de
bataille, plus de 750,000 francs, « chacun1
s’en fut chez soi, » absolument comme dans
la chanson de Malborough, en demandant
aux dieux les mêmes faveurs, si jamais on
faisait une vente.

Le troisième jour toutes les prévisions de
ce groupe parisien, qui juge toujours à son
point de vue personnel, furent déroutées.
On s’était demandé où trouveraient un afori
tous ces paysages qui singent les Paul Botter
et les van de Velde comme un plat frais
écuré pastiche le soleil ; ces Intérieurs qui
sont à Ostade et à Pierre de Hooghe ce qu’un
sujet de lanterne magique tombant sur un
drap tendu est à une peinture d’Eugène De-
lacroix. On avait raisonné sans tenir compte
du marché étranger! Tous les marchands
anglais, belges et hollandais étaient là ! Un
d’eux avait même télégraphié le matin, de
Berlin*: « Je viens de manquer le train, je
vous prie de retarder la vente jusqu’à mon
arrivée. Au moins ne vendez pas les Koek-
keck! » Vain télégramme ! les Koekfceck
furent vendus sans lui ! Nos lecteurs trouve-
ront plus loin la série complète de ces prix
qui, je le répète, sont très-raisonnables pour
les pays où les artistes morts ou vivants ont
exécuté ces honnêtes pr'oduits. Je ne donne-
rai, comme indiscrétion, que le nom du
marquis d’Hertford pour le Bonington, si ca-
valier, si brillant, si aisé. Les deux Meis-
sonierne sortiront point de la maison Deles-
sert. Le Panharmonicon, de Maetzel, cet
instrument qui m’a rappelé la musique de
la garde nationale de Melun à mes distribu-
tions de prix, a été acquis par M. Hulot, de
la Monnaie.

Le quatrième jour manquait tellement
d’intérêt élevé et ne comptait que des noms
si obscurs ou si oubliés, que, je l’avoue,
chers lecteurs et belles lectrices, je suis resté
à mon bureau pour me guérir des migraines
des jours précédents et mettre au net ces
quelques notes sincères.

J’appvonde cjuo l’onoomblo do la venta -a

produit près de dix-huit cent mille francs,
sans les 5 0/0 que l’acheteur a à payer en
sus et qui atteignent 90,000 fr. Bürtv. Ph.

CORRESPONDANCE DE LONDRES.

Mars 1869.

Les questions d’édilité commencent à
préoccuper vivement le public. Il y a quel-
ques travaux en train, bien des projets dans
l’air, et le nouveau parlement aura, paraît-
il, à s’occuper beaucoup de travaux publics.
Ces deux mots ne sont pas précisément sy-
nonymes d’économie ; dans ce but, M. Glads-
tone peut lancer une circulaire pour ordon-
ner « que les plumes d’oie fournies aux
employés du gouvernement soient taillées à
nouveau au lieu d’être jetées au panier »,
mais s’il se mêle de toucher à la pioche et
à la truelle, il ne sait guère où cela l’en-
traînera et combien il lui sera alors difficile
de remplir son programme économique.
En ceci, connue en tout, il lui faut
d’abord satisfaire l’opinion publique, et
c’est à lui de s’y retrouver. Depuis long-
temps ne jugeant que de loin ou sous l’in-
fluence du charme que subit tout étranger
qui rend une courte visite à la capitale de
la France, les Anglais enviaient les embel-
lissements parisiens : dans leur enthou-
siasme, ils allaient jusqu’à désirer un préfet
delà... Tamise; les habitudes du pays ne
permettent pas de se donner ainsi, même à
un baron. Il est donc simplement question
de fusionner les vestries en une sorte de
conseil municipal électif. Déjà M. Layard a
été chargé du Metropolitan Doard of wopks,
sorte de ministère des travaux publics de
Londres, et, comme le remarque fort bien
un des principaux organes de la presse an-
glaise,- c’est la première fois qu’une per-
sonne compétente est mise à la tête de ce
département. De grands travaux sont depuis

longtemps décidés an principe : l’érection
des News courts of Law (Palais de justice),
d’une galerie nationale,, d’un musée d his-
toire naturelle, de nouveaux ministères ; ils
vont enfin recevoir un commencement
d’exécution. Londres sommeillait depuis
longtemps, toujours en y revenant on re-
trouvait chaque chose à sa place. Il n’en est
plus, il n’en sera plus ainsi surtout ;fl n’est
plus question que d’embellir, d’ouvrir de
larges voies, d’assainir ces quartiers ignobles
qui sont à quelques pas des plus belles ha-
bitations.

Sans entrer dans de grands détails, il suf-
fira, pour donner une idée de l’importance
des travaux qu’on veut exécuter, de dire
quelques mots seulement des News courts of
Law.

Tous ceux qui sont venus à Londres con-
naissent le Strand, grande artère qui, par-
tant de Charing-Cross, aboutit à Temple-
Bar, l’antique porte de la cité, en longeant
la Tamise dans tout son parcours et qui est
continuée par Fleet-Street. Sur la gauche et
la droite de Temple-Bar sont le Temple et
Lincoln’s Inn, deux vastes ensembles de
bâtiments, sortes de cités appartenant à des
associations de légistes et où sont centralisés
tous leurs bureaux. Quant aux tribunaux
eux - mêmes, ils sont un peu aux quatre
coins de la ville ; la nécessité de les réunir
dans le même local amena il y a quelques
années le parlement à voter les fonds néces-
saires pour l’achat d’un vaste emplacement
situé sur la gauche du Strand et connu dé-
sormais sous Ife nom de Carey Street site, il
en a déjà coûté 800,000 livres et il en fau-
dra encore 700,000, soit37,500,000 fr., poul-
ie terrain seulement, qui vient d’être à peu
près entièrement dégagé. Il y aeu un concours
de projets, un choix avait même été fait, on
en était presque arrivé au moment de 1 exe-
cution, lorsque sir Charles Trevelyan adressa,
le 1er janvier, au.Times, une lettre qui a tout
remis en question. 11 fait remarquer que
depuis le vote du projet primitif, les travaux
de TEmbanckment ou quai, allant de West-
minster à Blackfriars Bridge, ont été termi-
nés ou à peu près ; qu’entre Somerset-
bouse et le Temple, donnant tous deux à la
fois sur la Tamise et le Strand, il y a un
vaste emplacement, couvert d habitations,
qu’il serait facile d’acquérir et appartenant,
le sol bien entendu, presque exclusivement
au duc de Norfolk ; que ce site pourrait être
acquis et déblayé pour 1,500,000 livres;
qu’il serait bien plus avantageux d’établir
là le nouveau palais de justice, auquel on
arriverait à la fois par le Strand et une voie
nouvelle en cours d’exécution, par les ba-
teaux à vapeur et le chemin de fer métro-
politain ; que l’effet du nouveau palais sur
le bord du fleuve serait beaucoup plus im-
posant, enfin qu’il serait peut-être possible
d’échanger Somerset-bouse avec les pio-
priétaires de Lincoln’s Inn, qui s y installe-
raient, ou encore de leur donner, toujours
en échange, Carey Street site, où ils établi-
raient leurs chctmbevs, faisant ainsi face dans
le Strand au nouveau palais, qui, du.reste,
des deux façons serait, dans un Sens ou
dans l’autre, entre les deux quartiers
des hommes de loi. Somerset-bouse est
occupée aujourd’hui par certains bureaux
de l’Échiquier qui iraient du côté de White-
Hall; par King’s College, qui s’établirait
dans les bâtiments de Lincoln’s Inn ; par le
dépôt des Testaments, qui s’installerait
près des Archives ; enfin par quelques so-
ciétés auxquelles un local est reseive a Bur-
lington-house, dans Piccadilly.

Tel est le projet grandiose conçu et pro-
posé par sir Charles. Il paraît que M. Layard
n’y est point opposé, au contraire ; le Times
l’a approuvé. L’opinion publique, ainsi tâtée
par la presse, a d’abord été un peu ef-
frayée; mais ici tout ce qui est grand, tout
ce qui est de nature à augmenter la gran-
deur nationale est vite compris, et il est
désormais plus que probable que le nouveau

projet sera adopté et soumis au parlement.
Tant qu’à faire, autant bien faire, a-t-il été
dit ; le fait est que la question d’argent mise
de côté, à tous les égards le nouveau site
offre le plus d’avantages.

Ce qui est maintenant à désirer, c’est
qu’un nouveau concours de projets soit
ouvert, les anciens ne peuvent évidemment
plus servir. Dans ce cas il est à espérer que
les architectes britanniques s’efforceront,
dans leurs nouveaux plans, de produire
quelque chose d’un style nouveau, répon-
dant aux idées et aux besoins modernes, ou
s ils ne savent rien inventer et en sont ré-
duits à s’inspirer du style d’une autre épo-
que, qu’ils le reproduisent du moins dans
foute sa pureté. Qu’ils se souviennent des
fautes, des -erreurs du palais de Westmins-
ter, qu ils ne sacrifient pas tout à l’aspect
. extérieur ; s’ils adoptent le gothique, qu’ils
ne voient pas que tours, clochers et beffrois;
en un mot qu’ils n’oublient pas qu’ils tra-
vaillent pour leurs contemporains.

Ne quittons pas le Carey Street site ni le
Strand site sans dire que tous deux sont
situés près de Saint-Clément-Danes, et pro-
litons-en pour ouvrir le curieux volume de
souvenirs que M. Diprose a publié derniè-
rement sur cette église et sa paroisse.

En elle-même, l’Église n’a rien de bien
remarquable, elle a été construite par Wren,
et dans le siècle dernier, un architecte l’a
coiffée d’une tour du plus mauvais goût.
C’est près de là qu’éclata la grande peste de
1664, c’est dans Wych Street que Monk vint
demeurer au plus tort de l’épidémie pour
redonner du courage aux habitants épou-
vantés; c’est dans l’Essex Street moderne
que se trouvait la belle habitation du favori
Essex, que son beau-père, lord Leicester,
lui avait donnée, et qui contenait une col-
lection de superbes tapisseries dont nous
avons retrouvé la curieuse description. Dans
une autre ruelle voisine était la demeure
ordinaire du comte d’Arundel, avec tous ces
trésors d’art et qui devint plus tard Horfolk
house ; dans Clement’s Lane ont vécu Crom-
well et Pierre le Grand : les tavernes les
plus connues, Black lack, Craven head, celle
de Kat, qui fut le berceau de Kit Cat Club,
viennent seulement de disparaître ; elle
n’est plus l’antique maison à pignon et à
fenêtres en saillie, où Crockfortd devint mil-
lionnaire en vendant des coquillages de
mer, des vigneaux de Normandie, enfin
Temple Bar, qui menace ruine et qu’on ne
songera à consolider que lorsqu’un nouveau
lord-maire aura, pendant sa procession, été
enseveli sous les ruines; c’est là que sont ren-
fermées les archives de la plus ancienne mai-
son de banque de Londres, celle qui faisaitles
affaires des principaux personnages du règne
. de Charles IL Certains dossiers doivent être
drôles ! Le livre de M. Diprose ravive tous
ces souvenirs du passé et y mêle une foule
d’anecdotes curieuses, qui font désirer plus
que jamais un ouvrage d’ensemble de ce
genre sur Londres ; M. Tibbs a bien donné
récemment ses Curiosités, mais il n’a fait
qu’effleurer en quelque sorte son sujet et
qu’exciter plus vivement l’intérêt sans le
satisfaire. yy.

LES COULEURS EN PHOTOGRAPHIE.

DÉFINITION DU PROBLEME,

Forcer le soleil à peindre avec des couleurs
toutes faites qu’on lui présente, écrit au
journal le Gers, M. Louis Ducos de Hauron,
tel est le problème que j’ai conçu et que
j’ai résolu.

Mon procédé, qui constitue, on le verra
bientôt, un procédé indirect, sera probable-
unent jugé le seul‘pratique , ou pour le
moins le plus pratique entre ceux que. l’a-
venit peut tenir en réserve.

J’ai lieu de le présumer, il en sera de
l’héliochromie comme de la photographie
ordinaire : on n’aura fait entrer l’une et
l’autre dans leur voie véritable qu’à la con-
 
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