8e Année.
— N° $2
26 Décembre 1869.
LA CHRONIQU
TOLITÏQJJE
DES ARTS ET DE LA CURIOSITÉ
Paraissant tous les Dimanches
abonnements :
Paris , un an. 15 fr.
— six mois. 8 fr.
UN NUMÉRO 2 0 CENT.
RÉDACTION: Rue Vivienne, 55, Taris
Comptes rendus & annonces de ventes publiques de tableaux
dessins, estampes, bronzes, ivoires, médailles^, livres rares, autographes
émaux, porcelaines, armes, objets de curiosité, &c., &c.
Nouvelles des galeries publiques, des ateliers. — Correspondances étrangères
Bibliographie des livres, articles de revues & estampes
publiées en France & a l’Etranger. — Revue des arts industriels
Expositions de Province & de l’Étranger
Paraissant tous les Dimanches
ABONNEMENTS :
Departements, un an. 18 fr.
— six mois. .... 10 fr.
Etranger, le port en sus.
ADMINISTRATION : Rue Viviennc, 55j Paris
AVIS' IMPORTANT.
Nous croyons devoir rappeler ii
nos Abonnés que.nous pouvons en-
core disposer en leur faveur de quel-
ques collections complètes de l’Art pour
tous du 1er [janvier 1860 au ci dé-
cembre 1869, mais de quelques collec-
tions seulement, au prix de 120 francs,
au lieu de 212 francs que chaque exem-
plaire coûte en librairie. Les souscrip-
teurs qui désireraient profiter de cet
avantage considérable devront ajouter
30 francs au montant de leur abonne-
ment à la Gazette des Beaux-Arts, et
s’engager à payer 30 francs le 4™ avril,
30 francs le 1er juillet et 30 francs le
1er octobre.
UNE CIRCULAIRE A LA PROVINCE.
Certaines villes, qui commencent à
comprendre l’influence considérable des
arts suri’avenir de l’industrie, s’imposent
en ce moment de louables sacrifices pour
vulgariser la connaissance du dessin et
pour faciliter le développement du goût
parmi les habitants. Mais ii reste encore
bien du chemin à parcourir, et, afin que
ce mouvement ne ralentisse pas, nous
nous sommes déterminé à entrer en rap-
ports plus directs avec la province. Pour
"ommencer, nous avons adressé à MM. les
présidents des Sociétés des amis des arts
une circulaire que nous croyons indis-
pensable de porter à la connaissance de
nos abonnés, car nous sommes convaincu
que parmi eux il en est un grand nombre
qui entendront notre appel et qui s’em-
presseront de nous prêter leur concours.
v°'-ci les termes de notre récente cir-
culaire :
« Lorsqu en 1359 la Gazette des Beaux-
Arts devenait noUa propriété, nous n’a-
vions qu’un but: suivit les traces de son
éminent fondateur, M. Cfurles Blanc, et
qu’un mobile : la passion exclusive de
l’art. Un peu plus tard, pour pouvoir trai-
ter clés questions que le cadre de k Ga-
zette. ne comportait pas, nous fondions la
Chronique des Arts, qui complète la pre-
mière publication au point de vue des
nouvelles, et notamment de l’examen des
faits que la critique doit saisir au passage.
Nous n’avons pas à vous faire ici l’éloge
de ces deux organes ; vous satez les ser-
vices qu’ils ont rendus à la cause des
arts.
« Depuis longtemps la province désire
contribuer à un mouvement artistique
que nous avons de toutes nos forces se-
condé à Paris, mais qu’il importe de gé-
néraliser et de féconder sur tous les
points de la France. Malheureusement
nous ne pouvons suivre par nous-même
ce qui se fait à cet égard dans les quatre-
vingt-neuf départements. Bien des ten-
tatives, bien clés aspirations artistiques
y demeurent sans fruits, faute d’avoir
été connues et encouragées à temps, car
la province manque d’organes spéciaux
pour appuyer ses projets de- création ou
d’amélioration concernant les arts et les
nombreuses industries qui en dépendent.
Désireux de combler cette lacune et d’as-
surer aux départements les bénéfices de
la décentralisation en entretenant une
correspondance plus active et plus di-
recte encore avec eux, nous nous em-
pressons de vous faire savoir que nous
mettons à partir de ce jour la Chronique
à votre disposition, pour y formuler les
besoins, les réclamations, les vœux et les
projets artistiques de votre localité.
« Par votre position et par vos rela-
tions, Monsieur, vous pouvez singulière-
ment nous faciliter la tâche nouvelle que
nous nous imposons, en nous adressant
tous les mois, ou au moins tous les deux
mois, mi bulletin mentionnant ce qui se
produit d’intéressant pour les arts autour
de vous, notamment les comptes rendus
et les travaux publiés par les sociétés ar-
tistiques ou savantes qui existent dans
votre localité ; en nous disant la marche
de ces sociétés, les perfectionnements
dont elles sont susceptibles, les fouilles
entreprises dans un intérêt d’art, les res-
taurations de monuments projetées ou
en cours d’exécution ; en nous exposant
l’état des écoles de dessin, leur direction,
leurs ressources, les progrès réalisés ou
à réaliser, le nombre des élèves qui les
fréquentent, la nature des travaux et des
études, les améliorations à introduire
dans cet enseignement si important pour
l’avenir des industries départementales;
enfin, en nous signalant les acquisitions
faites par les musées et les accroisse-
ments que ces collections publiques pour-
raient prendre.
« Nous espérons que vous prendrez en
sérieuse considération le but tout .désin-
téressé de notre projet. Bien renseignée
s tu- les efforts tentés par la province en
laveur des arts, la Chronique pourra par-
ler avec plus d’autorité encore, encou-
rager les tentatives individuelles, les re-
dresser, les guider au besoin., rendre
justice aux uns, entretenir le zèle des
autres, faire naître des idées heureuses,
relier entre eux les 'efforts isolés et par-
tiels, et porter à la connaissance de tous
des exemples parfois utiles à suivre. C’est
le seul moyen, croyons-nous, de vivifier
les institutions d’art dont la France s’ho-
nore, et qu’il importe plus que jamais de
soutenir et de perfectionner, afin de con-
server à notre pays sa supériorité sur des
nations rivales , et notamment sur la
Grande-Bretagne, dont les récentes ex-
positions internationales ont révélé les
rapides progrès dans l’enseignement du
dessin relatif à l’industrie-.
« Émile Galichon. »
SEANCE PUBLIQUE ANNUELLE
DE L’ACADÉMIE DES BEAUX-ARTS.
La séance publique de l’Académie des
Beaux-Arts a eu lieu samedi 18 décembre.
Une foule nombreuse et choisie s’y était
donné rendez-vous pour entendre M. Beulé
prononcer l’éloge de Rossini. La musique
n’étant point du domaine de notre recueil,
nous n’avons pas, et nous le regrettons, à
•reproduire ou à apprécier ici cet éloge
écouté avec une sympathie très-marquée et
fort applaudi ; mais nous donnerons le rap-
port de M. Guillaume, président de l’Aca-
démie, sur les prix décernés cette année
par la quatrième classe de l’Institut. M. Guil-
laume n’est point seulement un sculpteur
distingué, mais de plus un caractère juste,
bienveillant et ferme, un esprit fin, délicat
et cultivé. Aussi avons-nous l’assurance que
son rapport sera lu, comme il a été entendu,
c’est-à-dire avec un véritable intérêt.
F. de TAL.
Messieurs,
Les prix de plus en plus nombreux que l’Académie
des Beaux-Arts est appelée à décerner au nom de
généreux donateurs n’ont point une portée étroite et
une signification bornée. Les fondations qui les éta-
blissent sont le signe des préoccupations d’un temps
aussi bien que de ses aspirations légitimes. Leur-
effet s’étend bien au delà des personnes auxquelles
elles sont dévolues comme une récompense ou comme
un bienfait. Expression de la confiance publique, ces
prix agrandissent l’autorité morale de l’Académie
en l’associant au travail de l’opinion ; émanant de
simples particuliers, ils fortifient .son indépendance
et augmentent ainsi la reconnaissance qu’elle: doit à
ceux qui les ont institués.
Parmi ces bienfaiteurs,' le plus grand nombre a
depuis longtemps disparu d’au milieu de nous. Ce
serait une œuvre do pieuse gratitude que do les faire
apparaître ici, que de tirer leur existence et leurs
personnes de l’obscurité qui parfois les enveloppe au
grand détriment du bien. Mais nous ne les avons pas
connus, et ils ne se sont révélés que par l’acte au-
thentique où ils ont consigné leurs dernières volon-
tés. Là du moins se trahissent leur belle àme et le
trait décisif de leur caractère ; ils semblent revivre
dans les expressions réfléchies qui consacrent leurs
bienfaits.
Le plus ancien de nos prix est celui qu’a institué
M. Deschaumes, architecte à Paris. Les termes dans
lesquels il établit sa fondation nous dévoilent son
àme aimante et candide. M. Deschaumes est un dis-
ciple de M. de Montyon; son langage respire le plus
pur amour de la vertu. On voit qu’il avait survécu à
une sœur dont l’amitié avait fait tout son bonheur,
et qu’en souvenir de cette union fraternelle il avait
voulu qu’un prix fût décerné chaque année à un
jeune architecte, peu favorisé de la fortune, marquant
des dispositions dans son art, ayant donné l’exemple
d’une moralité parfaite, et-vivant avec une ou plu-
sieurs, sœurs dans une affection qu’ennoblirait nu
caractère de protection et de dévouement. Le prix
Deschaumes s’adresse donc à la fois aux espérances
du talent et à ce qu’il y a de plus délicat dans la
pratique des devoirs domestiques. Cette année l’Aca-
démie est heureuse d'offrir cette récompense exquise
à M. Eugène Létang, élève de la première classe
d’architecture de l’École des Beaux-Arts, et elle n’ac-
corde pas à ce jeune homme un éloge médiocre en
disant que, par ses éludé», ses sentiments et ses
actes, il a pleinement satisfait aux conditions exigées
par ie vénérable testateur.
C’est aussi une figure digne de respect que celle
de M. Lambert. Arrivé, quand nous le rencontrons,
au terme d’une carrière laborieuse, au déclin de la
vie, il se tourne avec sérénité vers les chemins qu’il
a parcourus, et nous laisse deviner sans orgueil les
difficultés du voyage. Enfant de pauvres artistes, il a
grandi par le travail; il est parvenu à donner des
compositions musicales qui ont été remarquées; il
est honoré d’amitiés distinguées; il possède une in-
dépendance modeste. Il croit énergiquement à la
puissance du travail, et cependant, au souvenir de
sa mère morte à l’hôpital, une sympathie, une ten-
dresse infinies s’émeuvent en lui en. faveur des ar-
tistes et des gens de lettres, de leurs veuves, tous si
fréquemment atteints par les rigueurs d’un sort im-
mérité, et il vous charge de les rechercher et de leur
tendre en son nom une main amie. L’Académie des
Beaux-Arts n’a pas cru pouvoir mieux faire que de
continuer cette année la jouissance de la fondation
Lambert, qui est aussi un honneur, à Mmo veuve Ca-
ron et à M. Walcher, dont les titres respectables
n’out pas été oubliés. Elle a appelé au partage du
• même prix M. Pluyette, peintre de talent, qu’un
travail intense de l’esprit et l’insatiable poursuite
du mieux entravent dans sa carrière et empêchent
de réaliser encore ce que l’on peut attendre de lui. :
Si le souvenir des joies paisibles peut, comme celui
d’une vie de lutte, inspirer des bienfaits, le simple
spectacle des choses y suffit; et, quelque haut que
l’on soit placé dans le monde, le point de vue ne fait
que changer. Il vous appartenait, Messieurs, de dé-
cerner cette année le prix fondé par M. le comte
Maillé-Latour-Landry. La noblesse du talent et les
titres qu’il possède à la sollicitude,, quand il est dans
sa fleur, avaient éveillé la sympathie de ce vrai gentil-
homme que préoccupait la destinée des Malfilàtre,
des Gilbert, et la fin alors récente d’Hégésippe Mo-
reau. Un peu d’aide, croyait-il, eût suffi à les pré-
server et nous eût valu des chefs-d’œuvre. Vous
vous êtes associés à cette pensée si juste, et vous
l’avez appliquée en donnant le prix qu’elle a fait
naître à M. David et à M. Delhomme. Le premier,
graveur en pierres fines, avec beaucoup de talent et
au milieu de travaux importants, s’est vu tout à coup
atteint dans les sources de la vie par un accident
terrible, un empoisonnement involontaire dont il
n’est pas encore guéri. Le second, déjà statuaire
habile, 'a pu, malgré des privations excessives, se
faire remarquer dans les expositions publiques, où il
a remporté une médaille. Tous deux vont puiser de
nouvelles forces dans la distinction que leur accorde
l’Académie,' intermédiaire des bienfaits de M. le
comte Maillé-Latour-Landry.
Le point de vue et la préoccupation étaient les
mêmes chez M. le baron deTrémont, qui, tout en
remplissant avec honneur de hautes fonctions pu-
bliques, avait vu de près les artistes et bien apprécié
— N° $2
26 Décembre 1869.
LA CHRONIQU
TOLITÏQJJE
DES ARTS ET DE LA CURIOSITÉ
Paraissant tous les Dimanches
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Paris , un an. 15 fr.
— six mois. 8 fr.
UN NUMÉRO 2 0 CENT.
RÉDACTION: Rue Vivienne, 55, Taris
Comptes rendus & annonces de ventes publiques de tableaux
dessins, estampes, bronzes, ivoires, médailles^, livres rares, autographes
émaux, porcelaines, armes, objets de curiosité, &c., &c.
Nouvelles des galeries publiques, des ateliers. — Correspondances étrangères
Bibliographie des livres, articles de revues & estampes
publiées en France & a l’Etranger. — Revue des arts industriels
Expositions de Province & de l’Étranger
Paraissant tous les Dimanches
ABONNEMENTS :
Departements, un an. 18 fr.
— six mois. .... 10 fr.
Etranger, le port en sus.
ADMINISTRATION : Rue Viviennc, 55j Paris
AVIS' IMPORTANT.
Nous croyons devoir rappeler ii
nos Abonnés que.nous pouvons en-
core disposer en leur faveur de quel-
ques collections complètes de l’Art pour
tous du 1er [janvier 1860 au ci dé-
cembre 1869, mais de quelques collec-
tions seulement, au prix de 120 francs,
au lieu de 212 francs que chaque exem-
plaire coûte en librairie. Les souscrip-
teurs qui désireraient profiter de cet
avantage considérable devront ajouter
30 francs au montant de leur abonne-
ment à la Gazette des Beaux-Arts, et
s’engager à payer 30 francs le 4™ avril,
30 francs le 1er juillet et 30 francs le
1er octobre.
UNE CIRCULAIRE A LA PROVINCE.
Certaines villes, qui commencent à
comprendre l’influence considérable des
arts suri’avenir de l’industrie, s’imposent
en ce moment de louables sacrifices pour
vulgariser la connaissance du dessin et
pour faciliter le développement du goût
parmi les habitants. Mais ii reste encore
bien du chemin à parcourir, et, afin que
ce mouvement ne ralentisse pas, nous
nous sommes déterminé à entrer en rap-
ports plus directs avec la province. Pour
"ommencer, nous avons adressé à MM. les
présidents des Sociétés des amis des arts
une circulaire que nous croyons indis-
pensable de porter à la connaissance de
nos abonnés, car nous sommes convaincu
que parmi eux il en est un grand nombre
qui entendront notre appel et qui s’em-
presseront de nous prêter leur concours.
v°'-ci les termes de notre récente cir-
culaire :
« Lorsqu en 1359 la Gazette des Beaux-
Arts devenait noUa propriété, nous n’a-
vions qu’un but: suivit les traces de son
éminent fondateur, M. Cfurles Blanc, et
qu’un mobile : la passion exclusive de
l’art. Un peu plus tard, pour pouvoir trai-
ter clés questions que le cadre de k Ga-
zette. ne comportait pas, nous fondions la
Chronique des Arts, qui complète la pre-
mière publication au point de vue des
nouvelles, et notamment de l’examen des
faits que la critique doit saisir au passage.
Nous n’avons pas à vous faire ici l’éloge
de ces deux organes ; vous satez les ser-
vices qu’ils ont rendus à la cause des
arts.
« Depuis longtemps la province désire
contribuer à un mouvement artistique
que nous avons de toutes nos forces se-
condé à Paris, mais qu’il importe de gé-
néraliser et de féconder sur tous les
points de la France. Malheureusement
nous ne pouvons suivre par nous-même
ce qui se fait à cet égard dans les quatre-
vingt-neuf départements. Bien des ten-
tatives, bien clés aspirations artistiques
y demeurent sans fruits, faute d’avoir
été connues et encouragées à temps, car
la province manque d’organes spéciaux
pour appuyer ses projets de- création ou
d’amélioration concernant les arts et les
nombreuses industries qui en dépendent.
Désireux de combler cette lacune et d’as-
surer aux départements les bénéfices de
la décentralisation en entretenant une
correspondance plus active et plus di-
recte encore avec eux, nous nous em-
pressons de vous faire savoir que nous
mettons à partir de ce jour la Chronique
à votre disposition, pour y formuler les
besoins, les réclamations, les vœux et les
projets artistiques de votre localité.
« Par votre position et par vos rela-
tions, Monsieur, vous pouvez singulière-
ment nous faciliter la tâche nouvelle que
nous nous imposons, en nous adressant
tous les mois, ou au moins tous les deux
mois, mi bulletin mentionnant ce qui se
produit d’intéressant pour les arts autour
de vous, notamment les comptes rendus
et les travaux publiés par les sociétés ar-
tistiques ou savantes qui existent dans
votre localité ; en nous disant la marche
de ces sociétés, les perfectionnements
dont elles sont susceptibles, les fouilles
entreprises dans un intérêt d’art, les res-
taurations de monuments projetées ou
en cours d’exécution ; en nous exposant
l’état des écoles de dessin, leur direction,
leurs ressources, les progrès réalisés ou
à réaliser, le nombre des élèves qui les
fréquentent, la nature des travaux et des
études, les améliorations à introduire
dans cet enseignement si important pour
l’avenir des industries départementales;
enfin, en nous signalant les acquisitions
faites par les musées et les accroisse-
ments que ces collections publiques pour-
raient prendre.
« Nous espérons que vous prendrez en
sérieuse considération le but tout .désin-
téressé de notre projet. Bien renseignée
s tu- les efforts tentés par la province en
laveur des arts, la Chronique pourra par-
ler avec plus d’autorité encore, encou-
rager les tentatives individuelles, les re-
dresser, les guider au besoin., rendre
justice aux uns, entretenir le zèle des
autres, faire naître des idées heureuses,
relier entre eux les 'efforts isolés et par-
tiels, et porter à la connaissance de tous
des exemples parfois utiles à suivre. C’est
le seul moyen, croyons-nous, de vivifier
les institutions d’art dont la France s’ho-
nore, et qu’il importe plus que jamais de
soutenir et de perfectionner, afin de con-
server à notre pays sa supériorité sur des
nations rivales , et notamment sur la
Grande-Bretagne, dont les récentes ex-
positions internationales ont révélé les
rapides progrès dans l’enseignement du
dessin relatif à l’industrie-.
« Émile Galichon. »
SEANCE PUBLIQUE ANNUELLE
DE L’ACADÉMIE DES BEAUX-ARTS.
La séance publique de l’Académie des
Beaux-Arts a eu lieu samedi 18 décembre.
Une foule nombreuse et choisie s’y était
donné rendez-vous pour entendre M. Beulé
prononcer l’éloge de Rossini. La musique
n’étant point du domaine de notre recueil,
nous n’avons pas, et nous le regrettons, à
•reproduire ou à apprécier ici cet éloge
écouté avec une sympathie très-marquée et
fort applaudi ; mais nous donnerons le rap-
port de M. Guillaume, président de l’Aca-
démie, sur les prix décernés cette année
par la quatrième classe de l’Institut. M. Guil-
laume n’est point seulement un sculpteur
distingué, mais de plus un caractère juste,
bienveillant et ferme, un esprit fin, délicat
et cultivé. Aussi avons-nous l’assurance que
son rapport sera lu, comme il a été entendu,
c’est-à-dire avec un véritable intérêt.
F. de TAL.
Messieurs,
Les prix de plus en plus nombreux que l’Académie
des Beaux-Arts est appelée à décerner au nom de
généreux donateurs n’ont point une portée étroite et
une signification bornée. Les fondations qui les éta-
blissent sont le signe des préoccupations d’un temps
aussi bien que de ses aspirations légitimes. Leur-
effet s’étend bien au delà des personnes auxquelles
elles sont dévolues comme une récompense ou comme
un bienfait. Expression de la confiance publique, ces
prix agrandissent l’autorité morale de l’Académie
en l’associant au travail de l’opinion ; émanant de
simples particuliers, ils fortifient .son indépendance
et augmentent ainsi la reconnaissance qu’elle: doit à
ceux qui les ont institués.
Parmi ces bienfaiteurs,' le plus grand nombre a
depuis longtemps disparu d’au milieu de nous. Ce
serait une œuvre do pieuse gratitude que do les faire
apparaître ici, que de tirer leur existence et leurs
personnes de l’obscurité qui parfois les enveloppe au
grand détriment du bien. Mais nous ne les avons pas
connus, et ils ne se sont révélés que par l’acte au-
thentique où ils ont consigné leurs dernières volon-
tés. Là du moins se trahissent leur belle àme et le
trait décisif de leur caractère ; ils semblent revivre
dans les expressions réfléchies qui consacrent leurs
bienfaits.
Le plus ancien de nos prix est celui qu’a institué
M. Deschaumes, architecte à Paris. Les termes dans
lesquels il établit sa fondation nous dévoilent son
àme aimante et candide. M. Deschaumes est un dis-
ciple de M. de Montyon; son langage respire le plus
pur amour de la vertu. On voit qu’il avait survécu à
une sœur dont l’amitié avait fait tout son bonheur,
et qu’en souvenir de cette union fraternelle il avait
voulu qu’un prix fût décerné chaque année à un
jeune architecte, peu favorisé de la fortune, marquant
des dispositions dans son art, ayant donné l’exemple
d’une moralité parfaite, et-vivant avec une ou plu-
sieurs, sœurs dans une affection qu’ennoblirait nu
caractère de protection et de dévouement. Le prix
Deschaumes s’adresse donc à la fois aux espérances
du talent et à ce qu’il y a de plus délicat dans la
pratique des devoirs domestiques. Cette année l’Aca-
démie est heureuse d'offrir cette récompense exquise
à M. Eugène Létang, élève de la première classe
d’architecture de l’École des Beaux-Arts, et elle n’ac-
corde pas à ce jeune homme un éloge médiocre en
disant que, par ses éludé», ses sentiments et ses
actes, il a pleinement satisfait aux conditions exigées
par ie vénérable testateur.
C’est aussi une figure digne de respect que celle
de M. Lambert. Arrivé, quand nous le rencontrons,
au terme d’une carrière laborieuse, au déclin de la
vie, il se tourne avec sérénité vers les chemins qu’il
a parcourus, et nous laisse deviner sans orgueil les
difficultés du voyage. Enfant de pauvres artistes, il a
grandi par le travail; il est parvenu à donner des
compositions musicales qui ont été remarquées; il
est honoré d’amitiés distinguées; il possède une in-
dépendance modeste. Il croit énergiquement à la
puissance du travail, et cependant, au souvenir de
sa mère morte à l’hôpital, une sympathie, une ten-
dresse infinies s’émeuvent en lui en. faveur des ar-
tistes et des gens de lettres, de leurs veuves, tous si
fréquemment atteints par les rigueurs d’un sort im-
mérité, et il vous charge de les rechercher et de leur
tendre en son nom une main amie. L’Académie des
Beaux-Arts n’a pas cru pouvoir mieux faire que de
continuer cette année la jouissance de la fondation
Lambert, qui est aussi un honneur, à Mmo veuve Ca-
ron et à M. Walcher, dont les titres respectables
n’out pas été oubliés. Elle a appelé au partage du
• même prix M. Pluyette, peintre de talent, qu’un
travail intense de l’esprit et l’insatiable poursuite
du mieux entravent dans sa carrière et empêchent
de réaliser encore ce que l’on peut attendre de lui. :
Si le souvenir des joies paisibles peut, comme celui
d’une vie de lutte, inspirer des bienfaits, le simple
spectacle des choses y suffit; et, quelque haut que
l’on soit placé dans le monde, le point de vue ne fait
que changer. Il vous appartenait, Messieurs, de dé-
cerner cette année le prix fondé par M. le comte
Maillé-Latour-Landry. La noblesse du talent et les
titres qu’il possède à la sollicitude,, quand il est dans
sa fleur, avaient éveillé la sympathie de ce vrai gentil-
homme que préoccupait la destinée des Malfilàtre,
des Gilbert, et la fin alors récente d’Hégésippe Mo-
reau. Un peu d’aide, croyait-il, eût suffi à les pré-
server et nous eût valu des chefs-d’œuvre. Vous
vous êtes associés à cette pensée si juste, et vous
l’avez appliquée en donnant le prix qu’elle a fait
naître à M. David et à M. Delhomme. Le premier,
graveur en pierres fines, avec beaucoup de talent et
au milieu de travaux importants, s’est vu tout à coup
atteint dans les sources de la vie par un accident
terrible, un empoisonnement involontaire dont il
n’est pas encore guéri. Le second, déjà statuaire
habile, 'a pu, malgré des privations excessives, se
faire remarquer dans les expositions publiques, où il
a remporté une médaille. Tous deux vont puiser de
nouvelles forces dans la distinction que leur accorde
l’Académie,' intermédiaire des bienfaits de M. le
comte Maillé-Latour-Landry.
Le point de vue et la préoccupation étaient les
mêmes chez M. le baron deTrémont, qui, tout en
remplissant avec honneur de hautes fonctions pu-
bliques, avait vu de près les artistes et bien apprécié