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La chronique des arts et de la curiosité — 1869

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Nr. 34 (22 Août)
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https://doi.org/10.11588/diglit.26661#0191
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N° 34.

DIMANCHE 22 AOUT.

1869.

ABONNEMENTS.

Paris.Un an : 15 fr.

—.Six mois : 8 fr.

Départements .... Un an : 18 fr.

— .... Six mois : 10 fr.

Un numéro : 20 cent.

Pour l’étranger, le port en sus.

Rédaction, 55, rue Vivienne.

ABONNEMENTS.

Paris.Un an : 15 fr

— ..Six mois : 8 fr

Départements .... Un an : 18 fr.

— .... Six mois : 10 fr.

Un numéro : 20 cent.

Pour l’étranger, le port en

Administration, 55. rue

Comptes rendus et annonces des ventes
publiques de tableaux, dessins, estampes,
bronzes, ivoires, médailles, livres rares,
autographes, émaux, porcelaines, armes,
objets de curiosité, etc.

CHRONIQUE

.

Correspondances étrangères. — Nouvelles
des galeries publiques, des ateliers. —
Bibliographie des livres, articles de revues
et estampes, publiés en France et à
l’Étranger.

DES ARTS ET DE LA CURIOSITÉ

Revue des Arts industriels.

GUIDE SPÉCIAL DES ARTISTES ET DES AMATEURS

Expositions de Province et de l’Etianger.

JOURNAL POLITIQUE PARAISSANT LE DIMANCHE

LA

DISTRIBUTION DES. MÉDAILLES.

La distribution des récompenses aux
artistes exposants de 1869 a eu lieu ven-
dredi 13 courant, dans le grand Salon
carré.

Nous ne cesserons de protester contre
le choix de cet emplacement. Les exha-
laisons d’une foule qui cuit dans un en-
droit non ventilé, la poussière qu’elle
provoque, les meurtrissures que les têtes
ou les chapeaux peuvent envoyer à des
chefs-d’œuvre sans prix... toutes ces
causes de dangers effrayants et de dété-
riorations imminentes n’ont d’autre rai-
son d’être que la vanité d’un groupe de
fonctionnaires qui veulent une fois par an
exhiber solennellement leurs habits bro-
dés. Le Salon carré est un sanctuaire', et
non une salle banale dont on puisse pri-
ver le public sérieux pour la livrer an-
nuellement pendant quatre jours aux
tapissiers de la couronne.

La distribution des récompenses aux
exposants devrait se faire au milieu ou à
la fin du Salon. 11 est impossible de don-
ner une raison à ce retard autre que la
banale raison politique dé la fête du
15 août. Quel rapport y a-t-il entre le
mérite des décorés ou des médaillés, et
l’amour que l’on porte à son souverain?
Et encore, quel mépris témoigné au ca-
ractère des artistes, jeunes ou vieux, que
de les obliger à monter en public cher-
cher leur croix sur une estrade, comme
des élèves de cinquième qui vont pren-
dre une couronne de la main du maire
de leur arrondissement. Cette année,
plusieurs artistes, médaillés ou décorés,
se sont dérobés à ces puériles ovations.
11 faut les en louer.

L’interminable distribution des prix,
accessits, mentions aux élèves de l’École,
devrait avoir lieu à l’Éeole des Beaux-
Arts, et non au Louvre.

Cette proclamation de noms encore
inconnus n’intéresse que les professeurs,
les camarades et les parents. Il n’y a pas
concours en public. C’est une série
d’actes scolaires qui se passent entre
quatre murs. Mais quelle occasion per-
due de faire la roue et d’arrondir les
bras !

C’est à l’Institut que M. Duc aurait
dû recevoir son grand prix de cent
mille francs. Ce 11’est ni le ministre, ni
le surintendant, ni le jury du Salon, ni
le conseil de l’École qui le lui ont donné.
Que signifie cette médaille d’or ajoutée
au dernier moment à ce prix ? Quels en-
fantillages !

Après tout, cette mise en scène n’a
peut-être qu’un but : celui de faire ou-
blier l’écart entre la valeur ^réelle de la
médaille — présumée de 400 francs -—
que reçoivent les artistes et sa valeur
absolue — 330 francs! — On les enguir-
lande et le tour est joué !

Pii. Burïv.

La semaine appartient aux discours
prononcés à propos des distributions de
prix et de médailles.

Parmi ces discours, celui du directeur
de l’École de médecine, M. Boisbaudran,
nous a paru aussi sage par le fond des
idées que modéré par la forme. Alors
que l’enseignementdes Beaux-Arts, fourni
par l'État* précipite dans une carrière
incertaine, encombrée, une foule de
jeunes gens qu’attendent, de terribles
désillusions, il nous paraît bon de lais-
ser la parole à ce professeur distingué,
qui parle en faveur de l’application à
l’industrie des intelligences et des apti-
tudes spéciales.

Ph. B.

Vous le savez, mes chers élèves, j’ai profité de
toutes les circonstances importantes qui nous ont
réunis pour vous exhorter à suivre avec persévé-
rance la carrière des arts industriels à laquelle
notre école a mission de vous initier.

Si j’insiste autant sur le choix de cette carrière,
c’est qu’elle possède l’immense avantage d’offrir
des applications variées pour tous les degrés d’ap-
titude et do talent. Les jeunes gens qui s’y enga-
gent, môme doués de dispositions ordinaires,
peuvent toujours espérer trquver dans cette voie
des ressources et des positions honorables. Quant
à ceux d’entre vous que la nature a libéralement
favorisés de ses dons, ils tomberaient dans une
grave erreur s’ils croyaient ne point trouver un
digne emploi de leurs facultés dans les arts ap-
pliqués à l’industrie. Les sujets d’élite, les orga-
nisations supérieures peuvent prendre un libre
essor et se développer largement dans le vaste
domaine des arts décoratifs.

Ce n’est point le moment de vous décrire et de
vous faire connaître d’une manière complète
cette belle région de l’art que vous êtes appelés
à parcourir et à cultiver. Je ne veux y jeter qu’un
rapide coup d’œil avec vous.

L’art de l’ornementation présente peut-être à

l’artiste un champ plus vaste encore que celui de
l’art proprement dit; car il n’est pas aussi rigou- *
reusement limité'par la raison et la vraisem-
blance.

Il a cependant, lui aussi, ses règles, sa logi-
que, ses principes de vérité. Les êtres les plus
étranges, les plus impossibles qu’il imagine doi-
vent toujours procéder des créatures réelles
sous peine de ne présenter aucune des appa-
rences de la vie. Les animaux les plus chiméri-
ques, tels que les sphinx, les salamandres, les
dragons, tous ces monstres fabuleux se voient
forcés d’emprunter certaines parties de leur
structure à celle des animaux vivants. Ils ne
peuvent exprimer la puissance, la grâce, l’éner-
gie qu’à la condition d’être soumis aux lois gé-
nérales de construction des êtres animés.

Ainsi, dans le domaine de la plus libre fantaisie,

Ta où toute science pourrait sembler sans objet,
l’anatomie se trouve appelée à jouer un rôle im-
portant.

. Il en est de même de la botanique, cette ana-
tomie de la végétation dont les principes devront
toujours régir les créations les plus fantastiques
de la flore ornemanesque.

Enfin, deux de vos études essentielles, l’archi-
tecture et la perspective, trouvent dans l’orne-
mentation des applications'nombreuses. Elles lui
fournissent de précieux principes de rectitude et
de proportion, des moyens rigoureux de vérité et
d’illusion pittoresques qui deviennent, s’il s’agit
de décoration théâtrale, d’une importance fonda-
mentale et prépondérante.

Chaque art a ses limites naturelles; l’art déco-
ratif doit laisser à la statuaire et à la peinture
d’histoire l’expression des sentiments, des pas-
sions, des effets dramatiques. Mais il peut, lui
aussi, communiquer à l’âme certaines impres-
sions par les moyens qui lui sont propres. En
ornant nos demeures, en nous entourant de ses
mille fictions ingénieuses, il exerce sur nous une
influence incessante et très-efficace, bien que
souvent inaperçue. Il inspire le calme, la séré-
nité, le goût de l’intérieur, un sentiment de bien-
être et de paix; il charme les yeux tout en inté-
ressant l’esprit.

Certes, un beau tableau, une belle statue pro-
voquent des émotions plus fortes, plus élevées,
mais peuvent aussi produire une tension plus
pénible de nos facultés. L’art ornemental n’est
point un enseignement, il ne saurait donc exiger
aucune fatigue du spectateur. Il ne doit préten-
dre qu’à plaire; son action intellectuelle et mo-
rale très-réelle se produit naturellement et par
surcroît.

Pour plaire et intéresser, il faut d’abord rani-
mer l’attention engourdie, réveiller le goût blasé
par la répétition monotone de formes et de mo-
tifs toujours lès mêmes empruntés à tous les
styles connus. 11 est urgent de sortir'de la rou-
tine des imitations et des arrangements pour
entrer dans la voie des inventions véritables.
Les grands maîtres ont toujours puisé dans la
nature même les éléments de leurs œuvres; imi-
tez leur exemple au lieu de paraphraser éternel-
lement leurs ouvrages; prenez, comme eux, la
nature de première main pour en faire la base
de vos conceptions.

Ce procédé si simple, qui a été celui des grands
artistes dont on invoque sans cesse l’autorité, est
singulièrement délaissé de nos jours. La plupart

des ornements modernes méritent peu le titre de
compositions, ils sont formés le plus souvent
d’emprunts faits çà et là dans les musées et les
bibliothèques. S’agit-il de placer une fleur fan-
tastique dans un rinceau ou dans une arabesque,
on se contente généralement de copier cette fleur
dans quelque ouvrage plus ou moins connu;
rien assurément déplus expéditif. Ne vaudrait-il
pas mieux faire appel à sa propre imagination en
demandant à la nature des inspirations ,qui ne
sont jamais des plagiats? Que l’on visite les serres
et les jardins, on trouvera en foule des idées pre-
mières, des motifs de combinaisons nouvelles,
des éléments de transition de la réalité à l’idéal.

Voilà les secours dont peut s’aider l’imagina-
tion sans supprimer le travail, qui est le moyen
même de son développement. C’est après des ef-
forts d’invention et non avant d’en avoir tenté
aucun, qu’il est bon pour le jeune artisle de con-
sulter les chefs-d’œuvre; ils lui donnent alors
leurs hautes leçons sans risquer d’arrêler son
premier essor.

En étendant autant que possible l’application
de cette méthode, aussi simple que naturelle, on
développerait par l’exercice les facultés inven-
tives aujourd’hui si négligées, et l’on pourrait
espérer ranimer l’intérêt du public par des créa-
tions variées et originales.

L’art décoratif ne se borne pas à inventer, à
combiner des fleurs, des feuillages, des animaux
chimériques, il fait aussi de la figure humaine
l’un de ses principaux éléments d’intérêt. Dans
le monde des fictions comme dans celui de la
réalité tout s’anime et se complète par la pré-
sence de l’homme. Des figures de femmes,
d’hommes et d’enfants, de faunes, de satyres, de
dieux et de déesses viennent se mêler aux mille
caprices de l’ornement pour y semer la variété et
la vie; tout art original, etj’oserai dire autonome,
s’appuie toujours sur certaines conventions pre-
mières, faisant une part à la réalité et une à la
fiction. Dans l’art décoratif, la part de la vérité
est nécessaire, mais celle de l’imagination et de
la fantaisie est peut-être plus importante encore.
Là est le charme poétique qui nous entraîne un
moment loin do nos préoccupations soucieuses
au pays des chimères et des rêves.

Ainsi que les belles époques nous en ont donné
l’exemple, le goût, la distinction, l’invention in-
génieuse doivent marquer de leur empreinte tous
les produits industriels d’un pays, tels que meu-
bles, tapisseries, émaux, faïences, orfèvrerie, etc.,
depuis les œuvres les plus somptueuses jusqu’à
de modestes objets usuels.

Le temps me manque pour indiquer, même
sommairement, toutes les diverses applications
de l’art décoratif. Il en est une cependant qui ne
saurait être omise à cause de sa haute impor-
tance : je veux parler de la décoration monu-
mentale. C’est là que l’art décoratif, ennobli èn-
core par son alliance avec l’architecture, atteint
à sa plus haute expression.

La décoration des monuments fait appel et
donne essor à toutes-les facultés supérieures de
l’artiste. La sévérité des formes et des lignes de
l’architecture repousse toute trivialité et réclame
impérieusement l’élévation du style. Les grands
artistes de l’Antiquité et de la llenaissance, en
appliquant leur génie à la décoration monumen-
tale, ont fondé la grandeur de cet art, en ont
consacré la noblesse.
 
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