N» 18.
DIMANCHE 2 MAI.
1869.
CHRONIQUE
DES ARTS ET DE LA CURIOSITÉ
GUIDE SPÉCIAL DES ARTISTES ET DES AMATEURS
ABONNEMENTS.
fr.
Départements .... Un an : 18 fr.
— .... Six mois : 10 fr.
Un numéro : 20 cent.
Pour l’étranger, le port en sus.
RÉdacti on , 55, rue Vivienne.
ABONNEMENTS.
Départements .
. Un an : 15 fr
. Six mois : 8 fr
. Un an : 18 fr.
.... Six mois : 10 fr.
Un numéro : 20 cent.
Pour l’étranger, le port en sus.
Administration, 55, rue
Correspondances étrangères. — Nouvelles
des galeries publiques, des ateliers. —
Bibliographie des livres, articles de revues
et estampes, publiés en France et à
l’Etranger.
Expositions de Province et de l’Ét: anger.
Comptes rendus et annonces des ventes
publiques de tableaux, dessins, estampes,
bronzes, ivoires, médailles, livres rares,
autographes, émaux, porcelaines, armes,
objets de curiosité, etc.
Revue des Arts industriels.
JOURNAL POLITIQUE PARAISSANT LE DIMANCHE
DES ACQUISITIONS DE L’ÉTAT
AUX SALONS.
(2e Article.)
L’assemblée législative, en constituant
une dotation pour encourager, ou plutôt,
ainsi que l’a dit Pastoret dans la dis-
cussion, pour récompenser les peintres,
n’entendait nullement substanter les
incapables, mais soutenir ceux qui se
montraient dignes de rivaliser avec les
artistes de la Grèce et de V Italie, et de
conquérir à leur patrie plusieurs siècles
de gloire. U n’est point permis de douter
de ses intentions, quand on lit le décret
du 3 décembre 1791, dont nous croyons
utile de reproduire quelques dispositions
essentielles, au moment où l’administra-
tion songe probablement à faire ses ac-
quisitions au Salon.
Art. III. Parmi les peintres d’histoire,
statuaires et architectes exposants, l’assem-
blée des commissaires nommera seize ar-
tistes, qui, à son jugement, se seront mon-
trés les plus dignes d’encouragement.
Art. IV. La somme de 70,00.0 livres con-
sacrée à des travaux d’encouragement pour
cette classe d’artistes, par l’article 1er de la loi
du 17 septembre, sera divisée en seize por-
tions graduées entre elles selon l’échelle de
mérite des ouvrages exposés par les seize
artistes que l’assemblée des commissaires
aura distingués , de manière cependant
qu’aucune de ces sommes partielles ne
pourra être de plus de 10,000 livres ni de
moins de 3,000 livres.
AM. V. L’assemblée des commissaires
nommera aussi des artistes parmi les peintres
dits de genre, et les graveurs exposant qui,
à son jugement, se seront montrés les plus
dignes d’encouragement.
Art. VI. La somme de 20,000 livres qui,
aux termes de la loi du 17 septembre, art. 1er,
est destinée à des travaux d’encouragement
pour cette classe d’artistes, sera divisée en
dix portions, pour la graduation desquelles
on suivra l’échelle de mérite des ouvrages
des dix articles distingués dans l’exposition;
de manière que le maximum sera de 3,000
livres et le minimum de 1,000 livres.
Ces articles disent assez, sans que
nous ayons besoin d’insister davantage,
que l’assemblée législative, en affectant
une somme pour les acquisitions à faire
au Salon, voulait assurer à nos Musées la
possession des œuvres les plus méritoires.
Et, afin que son intention fût bien com-
prise et suivie, elle statua, par une loi,
que les achats ne descendraient point
au-dessous de 3,000 livres pour une
peinture d’histoire, et de 1,000 livres
pour un tableau de genre ; sommes vrai-
ment considérables à cette époque.
Ces principes excellents, les seuls
qu’une nation puisse admettre, sont-ils
appliqués de nos jours? C’est ce que dira
le tableau que nous publions ici sur des
documents certains.
ANNÉES.
ŒUVRES ACHETÉES ET DISTRIBUÉES.
OEUVRES COMMANDÉES ET
DISTRIBUÉES.
SUJETS.
SOMMES DÉPENSÉES
pour
LES PORTRAITS.
NOMBRE.
VALEUR TOTALE.
VALEUR MOYENNE.
NOMBRE.
VALEUR TOTALE.
VALEUR MOYENNE.
COMPOSITIONS
diverses.
COPIES.
PORTRAITS
de la
famille impériale.
1863.
104
355,000 fr.
3,413 fr.
241
400,000 fr.
1,659 fr.
71
78
92
110,400 fr.
1864-
164
450,000 »
2,743 »
207
' 300,000 »
1,449 »
34
72
101
121,200 »
1865.
126
300,000 »
2,380 »
165
230,000 »
1,393 »
17
64
84
100,800. »
1866.
125
» 230,000 »
1,840 »
169
200,000 a
1,183 »
15
77
77
92,400 »
519
1,335,000 fr.
782
1,130,000 fr;
■ 137
291
354
424,800 fr.
Ainsi, pendant quatre ans, le ministère
des Beaux-Arts a dépensé 1,335,000 fr.
pour acquérir 519 peintures; employé
1,130,000 francs en commandes pour
291 copies, 137 compositions diverses,
et pour 351 portraits de la famille im-
périale qui ont absorbé 424,800 francs.
Ainsi la moyenne des tableaux achetés
est descendue de 3,413 francs, quelle
était en 1863, à 1840 francs; et la
moyenne des tableaux commandés qui
était, en 1863, de 1,659 francs, est tom-
bée, en 1866, à 1,183 francs!
En face de pareils chiffres, force est
bien de reconnaître que les principes
proclamés en 1791 ont été oubliés ou
méconnus. Si, depuis l’annexion, en 1863,
des Beaux-Arts au ministère de la Maison
de l’Empereur; si, depuis la création
d’une surintendance, l’administration a
soutenu, encouragé quelques artistes sé-
rieux, elle a donc surtout créé, organisé,
développé une industrie nouvelle : celle
des peintres-artisans, employés à salaires
intermittents, dont la troupe, pour peu
qu’on marche dans la même voie, ira
toujours grossissant, et dévorera de plus
en plus le budget des Beaux-Arts au dé-
triment des peintres qui portent haut le
drapeau de l’École française.
Voilà la situation faite aux arts par une
direction que la presse, soumise à un
régime rigoureux, ne pouvait ni avertir,
ni arrêter! Voilà, la vérité accusée par
des chiffres plus éloquents que des pa-
roles !
Mais, nous dira-t-on, comment expli-
quer cet abaissement continu, progressif
danslavaleurdes tableaux acquis par l’État
lorsque la hausse sur toutes choses et
notamment sur les œuvres d’art aurait
dû amener le contraire? Nous ne doutons
point que l’intention ait été louable, dic-
tée par un sentiment de charité : celui
de venir en aide à des artistes malheu-
reux. Cependant, que l’administration ait
poursuivi un second but, c’est ce que
paraît prouver l’inscription : DON DE
L’EMPEREUR, apposée, dans tous les
musées, dans toutes les églises, au-des-
sous de tableaux payés avec les deniers
de l’Etat. Acheter un grand nombre
d’œuvres pour multiplier les largesses
de l’Empereur, tel semble être actuelle-
ment le principe d’après lequel se font
les acquisitions.
Loin de nous la pensée de faire re-
monter jusqu’à l’Empereur la conception
d’un pareil dessein. Certainement il
ignore, encore aujourd’hui, ces largesses
qu’une administration trop zélée lui attri-
bue. Et, si nous les signalons ici, c’est
uniquement pour mettre fin à un système,
qu’on a pu croire bon en politique, mais
qui, à coup sûr, ne l’est pas au point de
vue de l’art, le seul point de vue auquel
devraient se placer des fonctionnaires
dont la mission est de diriger, d'entre-
tenir et de développer en France le goût
des belles choses.
Emile Galiciion.
- —"... —*—
BEAUCOUP DE BRUIT POUR RIEN.
Mardi, 20 avril, le jury de peinture pour
le grand concours de Rome a prononcé son
jugement, et fait entrer en loges, par ordre
de réception, MM. 1, Luc-Olivier Merson,
élève de MM. Pils et G. Cfiassevent; — 2,
M. Mathieu, élève de MM. Cabanel et Cogniet ;
—3, Hippolyte Charles, élève de M. Cabanel ;
— h, Lematte, élève de M. Cabanel; — 5,
Vimont, élève de MM. Cabanel et Maillot; —
G, Gaudefroy, élève de MM. Cabanel et Co-
gniet; — 7, Sylvestre, élève de M. Cabanel;
— 8, François Lafon, élève de M. Émile La-
fon; — 9, M. Guay, élève de M. Gérôme; —
10, M. Médard, élève de MM. Gérôme, Co-
gniet et Cornu.
Contre ce jugement, quelques élèves
évincés protestèrent et remirent, vendredi,
DIMANCHE 2 MAI.
1869.
CHRONIQUE
DES ARTS ET DE LA CURIOSITÉ
GUIDE SPÉCIAL DES ARTISTES ET DES AMATEURS
ABONNEMENTS.
fr.
Départements .... Un an : 18 fr.
— .... Six mois : 10 fr.
Un numéro : 20 cent.
Pour l’étranger, le port en sus.
RÉdacti on , 55, rue Vivienne.
ABONNEMENTS.
Départements .
. Un an : 15 fr
. Six mois : 8 fr
. Un an : 18 fr.
.... Six mois : 10 fr.
Un numéro : 20 cent.
Pour l’étranger, le port en sus.
Administration, 55, rue
Correspondances étrangères. — Nouvelles
des galeries publiques, des ateliers. —
Bibliographie des livres, articles de revues
et estampes, publiés en France et à
l’Etranger.
Expositions de Province et de l’Ét: anger.
Comptes rendus et annonces des ventes
publiques de tableaux, dessins, estampes,
bronzes, ivoires, médailles, livres rares,
autographes, émaux, porcelaines, armes,
objets de curiosité, etc.
Revue des Arts industriels.
JOURNAL POLITIQUE PARAISSANT LE DIMANCHE
DES ACQUISITIONS DE L’ÉTAT
AUX SALONS.
(2e Article.)
L’assemblée législative, en constituant
une dotation pour encourager, ou plutôt,
ainsi que l’a dit Pastoret dans la dis-
cussion, pour récompenser les peintres,
n’entendait nullement substanter les
incapables, mais soutenir ceux qui se
montraient dignes de rivaliser avec les
artistes de la Grèce et de V Italie, et de
conquérir à leur patrie plusieurs siècles
de gloire. U n’est point permis de douter
de ses intentions, quand on lit le décret
du 3 décembre 1791, dont nous croyons
utile de reproduire quelques dispositions
essentielles, au moment où l’administra-
tion songe probablement à faire ses ac-
quisitions au Salon.
Art. III. Parmi les peintres d’histoire,
statuaires et architectes exposants, l’assem-
blée des commissaires nommera seize ar-
tistes, qui, à son jugement, se seront mon-
trés les plus dignes d’encouragement.
Art. IV. La somme de 70,00.0 livres con-
sacrée à des travaux d’encouragement pour
cette classe d’artistes, par l’article 1er de la loi
du 17 septembre, sera divisée en seize por-
tions graduées entre elles selon l’échelle de
mérite des ouvrages exposés par les seize
artistes que l’assemblée des commissaires
aura distingués , de manière cependant
qu’aucune de ces sommes partielles ne
pourra être de plus de 10,000 livres ni de
moins de 3,000 livres.
AM. V. L’assemblée des commissaires
nommera aussi des artistes parmi les peintres
dits de genre, et les graveurs exposant qui,
à son jugement, se seront montrés les plus
dignes d’encouragement.
Art. VI. La somme de 20,000 livres qui,
aux termes de la loi du 17 septembre, art. 1er,
est destinée à des travaux d’encouragement
pour cette classe d’artistes, sera divisée en
dix portions, pour la graduation desquelles
on suivra l’échelle de mérite des ouvrages
des dix articles distingués dans l’exposition;
de manière que le maximum sera de 3,000
livres et le minimum de 1,000 livres.
Ces articles disent assez, sans que
nous ayons besoin d’insister davantage,
que l’assemblée législative, en affectant
une somme pour les acquisitions à faire
au Salon, voulait assurer à nos Musées la
possession des œuvres les plus méritoires.
Et, afin que son intention fût bien com-
prise et suivie, elle statua, par une loi,
que les achats ne descendraient point
au-dessous de 3,000 livres pour une
peinture d’histoire, et de 1,000 livres
pour un tableau de genre ; sommes vrai-
ment considérables à cette époque.
Ces principes excellents, les seuls
qu’une nation puisse admettre, sont-ils
appliqués de nos jours? C’est ce que dira
le tableau que nous publions ici sur des
documents certains.
ANNÉES.
ŒUVRES ACHETÉES ET DISTRIBUÉES.
OEUVRES COMMANDÉES ET
DISTRIBUÉES.
SUJETS.
SOMMES DÉPENSÉES
pour
LES PORTRAITS.
NOMBRE.
VALEUR TOTALE.
VALEUR MOYENNE.
NOMBRE.
VALEUR TOTALE.
VALEUR MOYENNE.
COMPOSITIONS
diverses.
COPIES.
PORTRAITS
de la
famille impériale.
1863.
104
355,000 fr.
3,413 fr.
241
400,000 fr.
1,659 fr.
71
78
92
110,400 fr.
1864-
164
450,000 »
2,743 »
207
' 300,000 »
1,449 »
34
72
101
121,200 »
1865.
126
300,000 »
2,380 »
165
230,000 »
1,393 »
17
64
84
100,800. »
1866.
125
» 230,000 »
1,840 »
169
200,000 a
1,183 »
15
77
77
92,400 »
519
1,335,000 fr.
782
1,130,000 fr;
■ 137
291
354
424,800 fr.
Ainsi, pendant quatre ans, le ministère
des Beaux-Arts a dépensé 1,335,000 fr.
pour acquérir 519 peintures; employé
1,130,000 francs en commandes pour
291 copies, 137 compositions diverses,
et pour 351 portraits de la famille im-
périale qui ont absorbé 424,800 francs.
Ainsi la moyenne des tableaux achetés
est descendue de 3,413 francs, quelle
était en 1863, à 1840 francs; et la
moyenne des tableaux commandés qui
était, en 1863, de 1,659 francs, est tom-
bée, en 1866, à 1,183 francs!
En face de pareils chiffres, force est
bien de reconnaître que les principes
proclamés en 1791 ont été oubliés ou
méconnus. Si, depuis l’annexion, en 1863,
des Beaux-Arts au ministère de la Maison
de l’Empereur; si, depuis la création
d’une surintendance, l’administration a
soutenu, encouragé quelques artistes sé-
rieux, elle a donc surtout créé, organisé,
développé une industrie nouvelle : celle
des peintres-artisans, employés à salaires
intermittents, dont la troupe, pour peu
qu’on marche dans la même voie, ira
toujours grossissant, et dévorera de plus
en plus le budget des Beaux-Arts au dé-
triment des peintres qui portent haut le
drapeau de l’École française.
Voilà la situation faite aux arts par une
direction que la presse, soumise à un
régime rigoureux, ne pouvait ni avertir,
ni arrêter! Voilà, la vérité accusée par
des chiffres plus éloquents que des pa-
roles !
Mais, nous dira-t-on, comment expli-
quer cet abaissement continu, progressif
danslavaleurdes tableaux acquis par l’État
lorsque la hausse sur toutes choses et
notamment sur les œuvres d’art aurait
dû amener le contraire? Nous ne doutons
point que l’intention ait été louable, dic-
tée par un sentiment de charité : celui
de venir en aide à des artistes malheu-
reux. Cependant, que l’administration ait
poursuivi un second but, c’est ce que
paraît prouver l’inscription : DON DE
L’EMPEREUR, apposée, dans tous les
musées, dans toutes les églises, au-des-
sous de tableaux payés avec les deniers
de l’Etat. Acheter un grand nombre
d’œuvres pour multiplier les largesses
de l’Empereur, tel semble être actuelle-
ment le principe d’après lequel se font
les acquisitions.
Loin de nous la pensée de faire re-
monter jusqu’à l’Empereur la conception
d’un pareil dessein. Certainement il
ignore, encore aujourd’hui, ces largesses
qu’une administration trop zélée lui attri-
bue. Et, si nous les signalons ici, c’est
uniquement pour mettre fin à un système,
qu’on a pu croire bon en politique, mais
qui, à coup sûr, ne l’est pas au point de
vue de l’art, le seul point de vue auquel
devraient se placer des fonctionnaires
dont la mission est de diriger, d'entre-
tenir et de développer en France le goût
des belles choses.
Emile Galiciion.
- —"... —*—
BEAUCOUP DE BRUIT POUR RIEN.
Mardi, 20 avril, le jury de peinture pour
le grand concours de Rome a prononcé son
jugement, et fait entrer en loges, par ordre
de réception, MM. 1, Luc-Olivier Merson,
élève de MM. Pils et G. Cfiassevent; — 2,
M. Mathieu, élève de MM. Cabanel et Cogniet ;
—3, Hippolyte Charles, élève de M. Cabanel ;
— h, Lematte, élève de M. Cabanel; — 5,
Vimont, élève de MM. Cabanel et Maillot; —
G, Gaudefroy, élève de MM. Cabanel et Co-
gniet; — 7, Sylvestre, élève de M. Cabanel;
— 8, François Lafon, élève de M. Émile La-
fon; — 9, M. Guay, élève de M. Gérôme; —
10, M. Médard, élève de MM. Gérôme, Co-
gniet et Cornu.
Contre ce jugement, quelques élèves
évincés protestèrent et remirent, vendredi,