8e Année.
— N" 46
14 Novembre 1869.
LA CHRONIQUE
TOLITIQJJE
DES ARTS ET DE LA CURIOSITÉ
Paraissant tous les Dimanches
ABONNEMENTS :
P aris , un an. 15 fr.
— six mois. 8 fr.
UN NUMÉRO 2 0 CENT.
Comptes rendus & annonces de ventes publiques de tableaux
dessins, estampes^ bronzes, ivoires, médailles, livres rares, autographes
émaux, porcelaines, armes, objets de curiosité, &c., &c.
Nouvelles des galeries publiques, des ateliers. — Correspondances étrangères
Bibliographie des livres, articles de revues & estampes
publiées en France & à l’Étranger. — Revue des arts industriels
Expositions de Prdvince & de l’Étranger-.
RÉDACTION : Rue Vivienne, 55j Paris
Paraissant tous les Dimanches
ABONNEMENTS :
Departements, un an. 18 fr.
— six mois. 10 fr.
Etranger, le porc en sus.
ADMINISTRATION : Rue Viviennc} 55, Paris
Demander des réformes dans l’ad-
ministration des beaux-arts en pleine
tourmente électorale, ce serait avoir la
folie de prétendre dominer la grande
voix de la mer en fureur ; aussi suspen-
drons-nous momentanément nos discus-
sions. Lorsque la tempête sera apaisée
et le calme rétabli, nous reprendrons
l’œuvre commencée dans le but de faire
reconnaître quelques principes de droit
artistique. Trop d’intérêts considérables
se rattachent à la possession des œuvres
d’art et à l’organisation de nos musées,
pour que cette propriété précieuse ne
soit point, comme toutes les autres pro-
priétés, réglée par une législation parfai-
tement déterminée.
Émile Galichon.
ENCORE UN GRATTAGE NÉCESSAIRE.
On lit dans le Moniteur universel :
« Ce matin, un assez grand nombre
de personnes étaient arrêtées devant le
groupe de M. Carpeaux, qui, pendant la
nuit, avait été de nouveau couvert de
macules.
« Que nos lecteurs se tranquillisent,
il n’y a rien là que de très-naturel, et il
est inutile d’ouvrir une enquête pour re-
trouver le coupable. Le temps seul est
l’auteur des taches qui salissent le groupe.
La pluie, délayant la poussière et les
gravas qui couvrent la corniche et le faîte
du bâtiment, a formé une boue épaisse
qui s’est écoulée et s’est étendue .en noires
et longues traînées sur tous les person-
nages de l’œuvre de M. Carpeaux. »
« Que nos lecteurs se tranquillisent ! »
dit l’auteur de cet entrefilet. Ce n’est ni
un fou ni un curieux qui a sali le groupe
d’une nouvelle tache-réclame. « Le temps
seul » est le coupable; c’est-à-dire qu’il
est si ingénieux, si convenable, sous
notre climat, de plaquer contre la façade
des monuments des statues à moitié abri-
tées par le larmier des corniches, à moi-
tié exposées à la pluie, que deux mois à
peine après la pose, la blancheur imma-
culée de la pierre se trouve zébrée de
longues traînées de poussière noire. Bien-
tôt un nettoyage devient nécessaire, et
ce nettoyage, il faut le recommencer tous
les trimestres jusqu’à l’annihilation du
groupe. Sans ces grattages répétés, toute
statue offrirait à Paris l’aspect galeux des
naïades qui se morfondent aux entrées
du pont du Carrousel, exemple attrayant
de la sculpture en pierre exposée aux in-
tempéries et soumise au nettoyage.
Quelle folie pousse nos architectes mo-
dernes à prodiguer la statuaire en plein
air! Aux Tuileries, le pavillon de Flore
est décoré de frontons dans lesquels les
anciens, que nous copions si souvent jus-
que dans leurs défauts, auraient avec
raison placé des figures. Mais, avoir le
sens commun est chose si vulgaire que'
l’architecte a laissé les frontons vides et
posé les statues sur le toit ; ainsi placées,
elles ont l’air d’avoir quitté leur place
naturelle pour respirer plus librement,
comme le feraient de bons bourgeois qui
abandonneraient, en été, leur fenêtre
pour prendre le frais dans la gouttière.
A l’Opéra, pareille extravagance n’a
point été commise; mais l’architecte s’est
trop souvenu des projets d’école, où l’on
prodigue, sur le papier, groupes et statues
qui ne coûtent guère, et qu’on ne lave
qu’une fois à Vaquarelle.
Puisqu’on voulait faire pompeux et
accidenter la façade principale en faisant
appel à la statuaire, il est à regretter
qu’un architecte qui a tant osé, — et
nous sommes loin de lui en faire un re-
proche, — n’ait point eu le courage d’em-
prunter à nos monuments gothiques un
simple détail, mais un détail important,
qui eût abrité les statues.
En plaçant les statues sous des dais,
les architectes du Moyen-âge les préser-
vaient tout à la fois des atteintes délé-
tères de notre climat, et les reliaient au
monument par des lignes rigides qui les
enveloppaient. La Renaissance, à son
apparition, eut le bon esprit, en France,
de se conformer à cet usage, et elle eut
raison. Pourquoi a-t-on abandonné l’em-
ploi de ces dais qui apportaient sur les
façades un élément de décoration si ra-
tionnel et si utile ? Parce-que les Romains
ne les connaissaient pas ! Mais ils creu-
saient des niches, décoration, il est vrai,
bien froide et moins ronflante qu’une
pierre blanche sur un mur gris. Et voilà
comment, pour avoir négligé les ensei-
gnements des uns et des autres, nos ar-
chitectes ont produit tant d’œuvres irra-
tionnelles, auxquelles notre climat, qui
ne fait point métier de flatteur, inflige
de si rudes leçons.
Un Passant.
UNE VILLE DE L’AGE DE PIERRE.
Dans les îles de Thérasia et de Santorin,
qui font partie de l’Archipel, on a trouvé
des demeures antéhistoriques ensevelies
sous des amas de pierres ponces lancées
par u.. volcan. Les outils , les vases, les us-
tensiles domestiques qui appartiennent à
l’âge de pierre, ont été découverts là où ils
avaient été déposés avant la catastrophe. Le
bâtiment principal, mis à nu par les fouilles,
se compose, nous dit M. Fouqué , dans un
article de la Revue des Deux Mondes, de six
pièces d’inégale grandeur, dont la plus
vaste a 6 mètres de long sur 5 de large, et
dont la plus petite, qui est carrée, n’a que
2m,50 de côté. L’un des murs de l’habitation
se retourne sur lui-même de façon à circon-
scrire une sorte de cour de 8 mètres de
longueur, munie d’une seule ouverture
d’entrée. Le mode de construction des mu-
railles est entièrement différent du genre de
maçonnerie exclusivement usité aujour-
d’hui à Santorin et à Thérasia. Les parois
sont formées par une série de blocs de lave
irréguliers superposés sans ordre, non tail-
lés, dont les interstices sont remplis par une
cendre volcanique rougeâtre dépourvue de
cohésion. Entre les pierres s’étendent, dans
tous les sens, de longues et tortueuses bran-
ches d’oliviers. A l’intérieur, nul enduit cal-
caire, tout au plus un badigeonnage gros-
sier avec la même matière terreuse rouge
interposée entre les pierres de maçonnerie.
La façade nord est percée de deux fenêtres;
une troisième fenêtre et une porte ont été
reconnues sur les autres côtés.
Les objets qui ont été trouvés dans l’inté-
rieur de ce bâtiment sont aussi nombreux
que variés. Ce sont des vases, les uns en
terre cuite, les autres en lave, puis des
graines, de la paille, des ossements d’ani-
maux, des outils de silex, de lave. Il est à
remarquer qu’au milieu de tout cela on n’a
trouvé aucun objet en fer ou en bronze, pas
même la trace d’un clou. L’absence des mé-
taux est complète et caractéristique.
Les vases de terre cuite sont faits au tour.
Les plus communs sont de grands récipients
jaunâtres, à parois épaisses, ayant cent litres
de capacité. Us contenaient diverses graines
légumineuses. Ils sont identiques de forme,
de matière, de volume, aux vases dont on
s’est servi en Grèce, pendant l’antiquité,
pour conserver les céréales. D’autres vases,
plus petits et constituant des poteries plus
fines, sont de couleur claire et ornés de
bandes circulaires séparées par des traits
verticaux ou légèrement inclinés, espacés
régulièrement. La matière colorante, d’un
rouge plus ou moins foncé, y a été appli-
quée à l’état d’une pâte très-peu consis-
tante; elle était sûrement formée à l’aide
d’une argile ferrugineuse délayée dans
l’eau. Les dessins qu’elle ligure sont peu
variés et représentent toujours des cercles
ou des lignes droites artistement mélangées.
Ces vases ne peuvent être confondus avec
les vases grecs, étrusques ou égyptiens. On
ne pourrait les rapprocher que de deux
restes de poterie, l’un provenant de Syrie
(au musée du Louvre), l’autre trouvé aux
environs d’Autun (au musée de Saint-Ger-
main).
Les plus singuliers et les plus rares des
vases découverts à Thérasia sont pétris avec
une terre assez fine, d’un jaune clair, et
couverts de figures composées de points et
de lignes courbes entremêlés avec un goût
parfait; quelquefois elles représentent des
guirlandes de feuillage et indiquent une
grande habileté qui dénote presque un ar-
tiste.
Dans un autre ravin, à Acrotiri, on a dé-
couvert au milieu de fragments de vases,
d’instruments en obsidienne taillés par
éclats et non polis, deux petits anneaux
d’or qui paraissent avoir été les chaînons
d’un collier. Ils devaient être enfilés à la
suite les uns des autres; ils sont creux à
l’intérieur et fendus circulairement. L’or
qui les constitue ne montre aucune trace
d’alliage. Ils ont dû être fabriqués avec une
pépite d’or aplatie au martelage, réduite en
feuille mince circulaire, percée d’un trou,
puis repliée sur elle-même.
De tous ces faits et autres observés,
M. Fouqué conclut que cette population
était agricole et pastorale, qu’elle connais-
sait les céréales, l’usage des meules pour
réduire l’orge en farine, qu’elle savait ex-
traire l’huile des olives et tisser les étoffes.
Pourtant l’abondance des ustensiles délavé,
d’obsidienne, de silex, l’absence d’instru-
ments formés de métaux usuels, montrent
qu’on était encore en plein âge de la pierre.
Les vases dont cette primitive popula-
tion faisait usage ont été, pour la plupart,
apportés du dehors, car le sol de Santorin
et de Thérasia ne renferme aucune sub-
stance argileuse, et la lave volcanique qui y
abonde ne jouit d’aucune qualité plastique.
Ces poteries, les petits anneaux d’or d’Acro-
tiri, — l’or n’a jamais été trouvé à Santorin
ni dans les îles volcaniques qui l’environ-
nent, — les instruments de pierre, les
graines elles-mêmes, tout prouve l’existence
d’un commerce maritime contemporain de
l’âge de la pierre. Les caractères de la nou-
velle colonisation qui a repeuplé les restes
de l’île effondrée accusent également des
relations fréquentes entre ces habitants et
ceux des continents voisins. La population
contemporaine de l’effondrement a dû être
anéantie, dès le début de la catastrophe,
sous l’énorme masse de ponces lancée par
le volcan.
Quelle est la date précise de ce cata-
clysme? Quelque difficile que soit la solu-
— N" 46
14 Novembre 1869.
LA CHRONIQUE
TOLITIQJJE
DES ARTS ET DE LA CURIOSITÉ
Paraissant tous les Dimanches
ABONNEMENTS :
P aris , un an. 15 fr.
— six mois. 8 fr.
UN NUMÉRO 2 0 CENT.
Comptes rendus & annonces de ventes publiques de tableaux
dessins, estampes^ bronzes, ivoires, médailles, livres rares, autographes
émaux, porcelaines, armes, objets de curiosité, &c., &c.
Nouvelles des galeries publiques, des ateliers. — Correspondances étrangères
Bibliographie des livres, articles de revues & estampes
publiées en France & à l’Étranger. — Revue des arts industriels
Expositions de Prdvince & de l’Étranger-.
RÉDACTION : Rue Vivienne, 55j Paris
Paraissant tous les Dimanches
ABONNEMENTS :
Departements, un an. 18 fr.
— six mois. 10 fr.
Etranger, le porc en sus.
ADMINISTRATION : Rue Viviennc} 55, Paris
Demander des réformes dans l’ad-
ministration des beaux-arts en pleine
tourmente électorale, ce serait avoir la
folie de prétendre dominer la grande
voix de la mer en fureur ; aussi suspen-
drons-nous momentanément nos discus-
sions. Lorsque la tempête sera apaisée
et le calme rétabli, nous reprendrons
l’œuvre commencée dans le but de faire
reconnaître quelques principes de droit
artistique. Trop d’intérêts considérables
se rattachent à la possession des œuvres
d’art et à l’organisation de nos musées,
pour que cette propriété précieuse ne
soit point, comme toutes les autres pro-
priétés, réglée par une législation parfai-
tement déterminée.
Émile Galichon.
ENCORE UN GRATTAGE NÉCESSAIRE.
On lit dans le Moniteur universel :
« Ce matin, un assez grand nombre
de personnes étaient arrêtées devant le
groupe de M. Carpeaux, qui, pendant la
nuit, avait été de nouveau couvert de
macules.
« Que nos lecteurs se tranquillisent,
il n’y a rien là que de très-naturel, et il
est inutile d’ouvrir une enquête pour re-
trouver le coupable. Le temps seul est
l’auteur des taches qui salissent le groupe.
La pluie, délayant la poussière et les
gravas qui couvrent la corniche et le faîte
du bâtiment, a formé une boue épaisse
qui s’est écoulée et s’est étendue .en noires
et longues traînées sur tous les person-
nages de l’œuvre de M. Carpeaux. »
« Que nos lecteurs se tranquillisent ! »
dit l’auteur de cet entrefilet. Ce n’est ni
un fou ni un curieux qui a sali le groupe
d’une nouvelle tache-réclame. « Le temps
seul » est le coupable; c’est-à-dire qu’il
est si ingénieux, si convenable, sous
notre climat, de plaquer contre la façade
des monuments des statues à moitié abri-
tées par le larmier des corniches, à moi-
tié exposées à la pluie, que deux mois à
peine après la pose, la blancheur imma-
culée de la pierre se trouve zébrée de
longues traînées de poussière noire. Bien-
tôt un nettoyage devient nécessaire, et
ce nettoyage, il faut le recommencer tous
les trimestres jusqu’à l’annihilation du
groupe. Sans ces grattages répétés, toute
statue offrirait à Paris l’aspect galeux des
naïades qui se morfondent aux entrées
du pont du Carrousel, exemple attrayant
de la sculpture en pierre exposée aux in-
tempéries et soumise au nettoyage.
Quelle folie pousse nos architectes mo-
dernes à prodiguer la statuaire en plein
air! Aux Tuileries, le pavillon de Flore
est décoré de frontons dans lesquels les
anciens, que nous copions si souvent jus-
que dans leurs défauts, auraient avec
raison placé des figures. Mais, avoir le
sens commun est chose si vulgaire que'
l’architecte a laissé les frontons vides et
posé les statues sur le toit ; ainsi placées,
elles ont l’air d’avoir quitté leur place
naturelle pour respirer plus librement,
comme le feraient de bons bourgeois qui
abandonneraient, en été, leur fenêtre
pour prendre le frais dans la gouttière.
A l’Opéra, pareille extravagance n’a
point été commise; mais l’architecte s’est
trop souvenu des projets d’école, où l’on
prodigue, sur le papier, groupes et statues
qui ne coûtent guère, et qu’on ne lave
qu’une fois à Vaquarelle.
Puisqu’on voulait faire pompeux et
accidenter la façade principale en faisant
appel à la statuaire, il est à regretter
qu’un architecte qui a tant osé, — et
nous sommes loin de lui en faire un re-
proche, — n’ait point eu le courage d’em-
prunter à nos monuments gothiques un
simple détail, mais un détail important,
qui eût abrité les statues.
En plaçant les statues sous des dais,
les architectes du Moyen-âge les préser-
vaient tout à la fois des atteintes délé-
tères de notre climat, et les reliaient au
monument par des lignes rigides qui les
enveloppaient. La Renaissance, à son
apparition, eut le bon esprit, en France,
de se conformer à cet usage, et elle eut
raison. Pourquoi a-t-on abandonné l’em-
ploi de ces dais qui apportaient sur les
façades un élément de décoration si ra-
tionnel et si utile ? Parce-que les Romains
ne les connaissaient pas ! Mais ils creu-
saient des niches, décoration, il est vrai,
bien froide et moins ronflante qu’une
pierre blanche sur un mur gris. Et voilà
comment, pour avoir négligé les ensei-
gnements des uns et des autres, nos ar-
chitectes ont produit tant d’œuvres irra-
tionnelles, auxquelles notre climat, qui
ne fait point métier de flatteur, inflige
de si rudes leçons.
Un Passant.
UNE VILLE DE L’AGE DE PIERRE.
Dans les îles de Thérasia et de Santorin,
qui font partie de l’Archipel, on a trouvé
des demeures antéhistoriques ensevelies
sous des amas de pierres ponces lancées
par u.. volcan. Les outils , les vases, les us-
tensiles domestiques qui appartiennent à
l’âge de pierre, ont été découverts là où ils
avaient été déposés avant la catastrophe. Le
bâtiment principal, mis à nu par les fouilles,
se compose, nous dit M. Fouqué , dans un
article de la Revue des Deux Mondes, de six
pièces d’inégale grandeur, dont la plus
vaste a 6 mètres de long sur 5 de large, et
dont la plus petite, qui est carrée, n’a que
2m,50 de côté. L’un des murs de l’habitation
se retourne sur lui-même de façon à circon-
scrire une sorte de cour de 8 mètres de
longueur, munie d’une seule ouverture
d’entrée. Le mode de construction des mu-
railles est entièrement différent du genre de
maçonnerie exclusivement usité aujour-
d’hui à Santorin et à Thérasia. Les parois
sont formées par une série de blocs de lave
irréguliers superposés sans ordre, non tail-
lés, dont les interstices sont remplis par une
cendre volcanique rougeâtre dépourvue de
cohésion. Entre les pierres s’étendent, dans
tous les sens, de longues et tortueuses bran-
ches d’oliviers. A l’intérieur, nul enduit cal-
caire, tout au plus un badigeonnage gros-
sier avec la même matière terreuse rouge
interposée entre les pierres de maçonnerie.
La façade nord est percée de deux fenêtres;
une troisième fenêtre et une porte ont été
reconnues sur les autres côtés.
Les objets qui ont été trouvés dans l’inté-
rieur de ce bâtiment sont aussi nombreux
que variés. Ce sont des vases, les uns en
terre cuite, les autres en lave, puis des
graines, de la paille, des ossements d’ani-
maux, des outils de silex, de lave. Il est à
remarquer qu’au milieu de tout cela on n’a
trouvé aucun objet en fer ou en bronze, pas
même la trace d’un clou. L’absence des mé-
taux est complète et caractéristique.
Les vases de terre cuite sont faits au tour.
Les plus communs sont de grands récipients
jaunâtres, à parois épaisses, ayant cent litres
de capacité. Us contenaient diverses graines
légumineuses. Ils sont identiques de forme,
de matière, de volume, aux vases dont on
s’est servi en Grèce, pendant l’antiquité,
pour conserver les céréales. D’autres vases,
plus petits et constituant des poteries plus
fines, sont de couleur claire et ornés de
bandes circulaires séparées par des traits
verticaux ou légèrement inclinés, espacés
régulièrement. La matière colorante, d’un
rouge plus ou moins foncé, y a été appli-
quée à l’état d’une pâte très-peu consis-
tante; elle était sûrement formée à l’aide
d’une argile ferrugineuse délayée dans
l’eau. Les dessins qu’elle ligure sont peu
variés et représentent toujours des cercles
ou des lignes droites artistement mélangées.
Ces vases ne peuvent être confondus avec
les vases grecs, étrusques ou égyptiens. On
ne pourrait les rapprocher que de deux
restes de poterie, l’un provenant de Syrie
(au musée du Louvre), l’autre trouvé aux
environs d’Autun (au musée de Saint-Ger-
main).
Les plus singuliers et les plus rares des
vases découverts à Thérasia sont pétris avec
une terre assez fine, d’un jaune clair, et
couverts de figures composées de points et
de lignes courbes entremêlés avec un goût
parfait; quelquefois elles représentent des
guirlandes de feuillage et indiquent une
grande habileté qui dénote presque un ar-
tiste.
Dans un autre ravin, à Acrotiri, on a dé-
couvert au milieu de fragments de vases,
d’instruments en obsidienne taillés par
éclats et non polis, deux petits anneaux
d’or qui paraissent avoir été les chaînons
d’un collier. Ils devaient être enfilés à la
suite les uns des autres; ils sont creux à
l’intérieur et fendus circulairement. L’or
qui les constitue ne montre aucune trace
d’alliage. Ils ont dû être fabriqués avec une
pépite d’or aplatie au martelage, réduite en
feuille mince circulaire, percée d’un trou,
puis repliée sur elle-même.
De tous ces faits et autres observés,
M. Fouqué conclut que cette population
était agricole et pastorale, qu’elle connais-
sait les céréales, l’usage des meules pour
réduire l’orge en farine, qu’elle savait ex-
traire l’huile des olives et tisser les étoffes.
Pourtant l’abondance des ustensiles délavé,
d’obsidienne, de silex, l’absence d’instru-
ments formés de métaux usuels, montrent
qu’on était encore en plein âge de la pierre.
Les vases dont cette primitive popula-
tion faisait usage ont été, pour la plupart,
apportés du dehors, car le sol de Santorin
et de Thérasia ne renferme aucune sub-
stance argileuse, et la lave volcanique qui y
abonde ne jouit d’aucune qualité plastique.
Ces poteries, les petits anneaux d’or d’Acro-
tiri, — l’or n’a jamais été trouvé à Santorin
ni dans les îles volcaniques qui l’environ-
nent, — les instruments de pierre, les
graines elles-mêmes, tout prouve l’existence
d’un commerce maritime contemporain de
l’âge de la pierre. Les caractères de la nou-
velle colonisation qui a repeuplé les restes
de l’île effondrée accusent également des
relations fréquentes entre ces habitants et
ceux des continents voisins. La population
contemporaine de l’effondrement a dû être
anéantie, dès le début de la catastrophe,
sous l’énorme masse de ponces lancée par
le volcan.
Quelle est la date précise de ce cata-
clysme? Quelque difficile que soit la solu-