8* Année.
- N° 47 —
2i Novembre 1869.
LA CHRONIQUE
TOLITIQJJE
DES ARTS ET DE LA CURIOSITÉ
Paraissant tous les Dimanches
ABONNEMENTS :
Paris, un an. 15 fr.
■— six mois. 8 fr.
UN NUMÉRO 2 0 CENT.
RÉDACTION : Rue Vivienne} 55} Paris
Comptes rendus & annonces de ventes publiques de tableaux
dessins, estampes, bronzes, ivoires, médailles, livres rares, autographes
émaux, porcelaines, armes, objets de curiosité, &c., &c.
■ Nouvelles des galeries publiques, des ateliers. — Correspondances étrangères
Bibliographie des livres, articles de revues & estampes
publiées en France & à l’Etranger. — Revue des arts industriels
Expositions de Province & de l’Etranger
Paraissant tous les Dimanche?
ABONNEMENTS :
Departements, un an. 18 fr.
— six mois. 10 fr.
Etranger, le porc en sus.
ADMINISTRATION : Rue Vivienne} 55, Paris
MUSÉE CÉRAMIQUE DE LILLE.
LA SALLE DU CONCLAVE.
Lille, qui joue un rôle si considérable
dans l’industrie du xix° siècle, et qui, au
milieu de ses immenses préoccupations
manufacturières, n’oublie ni les écoles
de dessin, ni les musées, ni les collec-
tions, ni les réunions littéraires, ni les
sociétés savantes, Lille, par la création et
par l’installation toute récente, dans la
salle dite du Conclave, d’un musée de
céramique et d’archéologie, vient de don-
ner un exemple et une leçon à certaines
cités industrielles que nous ne voulons
pas nommer et où il y a tant à faire en-
core pour l’art, les collections publiques,
les écoles et les réunions artistiques.
Dans la première édition de sa con-
sciencieuse Histoire de la Céramique
lilloise, M. J. Houdoy regrettait que, de-
puis le commencement de ce siècle, la
ville de Lille n’eût pas créé, comme
Rouen et Nevers, à côté des riches mu-
sées quelle possède, un musée de céra-
mique et d’archéologie. Elle eût ainsi re-
cueilli et sauvé bien des pièces précieuses
pour l’histoire locale qui se sont épar-
pillées soit dans les musées étrangers,
soit dans les collections particulières. Ce
regret, M. J. Houdoy ne le formule plus
dans la nouvelle édition de son ex-
cellent livre, car l’administration muni-
cipale, non contente de voter des fonds
pour la création de ce musée, a mis, de
plus, un magnifique local à la disposition
de la commission chargée de sa direc-
tion.
La réunion de Lille à la France, en
1667, fut pour cette cité le point de dé-
part d’une véritable renaissance indus-
trielle. Si, après cette annexion, la ville
se mit à fabriquer activement des choses
de luxe, telles que les velours, les soie-
ries, le linge de table damassé, les ta-
pisseries de haute lisse, les étoffes et ru-
bans d’or et d’argent, lescuirs dorés, etc.,
elle se préoccupait également de la fabri-
cation de la faïence, de la porcelaine,
des verres et des cristaux. — Jacques
Febvrier et Jean Bossut fondaient dans
ses murs, en 1696, la première faïencerie
dont les archives lilloises fassent men-
tion. Après l’importante fabrique de Feb-
vrier, viennent, par ordre d’ancienneté,
celle de Barthélémy Dorez, qui travaillait
en 1711, et celle que montait, en 1740,
Jean-Baptiste Wamps et que J. Masque-
lier reprenait en 1755. Saris chercher à
entrer dans des détails historiques trop
circonstanciés, disonsf néanmoins que la
fabrique de faïence établie en 1696 par
Jacques Febvrier fonctionnait encore en
1802. Ces quelques dates suffisent pour
prouver l’importance de cette fabrication
à Lille, de la fin du xvne siècle au com-
mencement du XIXe.
La salle du Conclave, consacrée par la
ville à ses nouvelles collections d’archéo-
logie et de céramique, est la seule partie
qui subsiste encore de l’ancien palais de
Rihour, bâti vers 1459, par Philippe le
Bon, et achevé en 1664, par le Magistrat,
à Philippe IV d’Espagne, pour y établir
l’hôtel de ville. Cette salle, magnifique-
ment lambrissée en 1717 d’une belle boi-
serie de chêne sculpté par Claude Fran-
chomme et Philippe-André Cuvelier, avait
été, vers 1711, ornée de plusieurs gran-
des peintures dues au pinceau d’Arnould
de Wuez, artiste dont s’honore la ville de
Lille.
Les musées en création seront digne-
ment placés, et la splendeur de leur ins-
tallation excitera, il n’en faut pas douter,
l’émulation des donateurs, car la ville de
Lille, qui a beaucoup d’autres devoirs à
remplir, ne peut mettre que des res-
sources restreintes à la disposition de ses
commissions. Quelques terres cuites gallo-
romaines, des vases remarquables donnés
par le gouvernement et provenant de la
collection Campana, des objets en grès
cérame, et des faïences peu nombreuses
appartenant d’ancienne date à la ville, ou
offertes récemment par des amateurs,
certaines pièces de choix achetées et gé-
néreusement données par la commune :
tels sont les premiers éléments d’une col-
lection naissante, qui s’enrichira certai-
nement avec les années, et à la création
de laquelle applaudiront tous les amis des
arts.
*
Cet exemple que vient de donner la
cité de Lille, d’autres .villes l’avaient déjà
donné de leur côté. Rouen, Nevers,
Colmar, Limoges, possèdent aussi des
collections de différente nature dont elles
s’enorgueillissent à bon droit.
Les médailles, les faïences, les tableaux,
ne forment pas toujours et indispensable-
ment le fond de ces collections, témoin la
ville du Puy qui, indépendamment de
son musée, fondé en 1829 par la Société
d’agriculture, des sciences, arts et com-
merce, possède, dans une salle bâtie aux
frais de M. Théodore Falcon, une riche
collection de dentelles réunie par les soins
de cet honorable fabricant.
Que les villes encore dépourvues de
collections et de musées s’empressent
d’imiter les intelligentes initiatives que
nous venons de citer. La province, par ce
moyen, facilitera et activera la décentra-
lisation qu’elle désire, et donnera à la
nouvelle génération une source salutaire
de distractions aussi honnêtes qu’instruc-
tives; car, si la vie de Paris a des dan-
gers nombreux pour la jeunesse, la vie
de province a aussi les' siens, engendrés
par le désœuvrement et l’ennui. « Créez
pour la jeunesse des plaisirs honnêtes et
intelligents, a dit quelque part George
Sand, encouragez les artistes, ouvrez
des conférences, organisez des lectures,
ayez des collections d’histoire naturelle
et des ouvrages qui permettront aux vo-
cations de prendre tous les chemins... »
Nous ne pouvons mieux finir que par
cette invitation que notre grand écrivain
adresse à la province. A cette dernière de
s’en émouvoir et d’y répondre au plus
vite par des créations semblables à celle
de la Salle du Conclave.
Louis Desprez.
——
CORRESPONDANCE D’ALLEMAGNE b
Vienne.
/
COLLECTIONS PARTICULIÈRES. - CLOUET A VIENNE.
Les deux collections particulières les plus
importantes de Vienne et peut-être du
monde entier, la galerie Lichtenstein et
VAlbertina, ont traversé une petite révolu-
tion dont les propriétaires et le public n’ont
également qu’à se louer : chacune d’elles
vient de recevoir un nouveau directeur.
M. Falke, conservateur du Musée autri-
chien, écrivain spirituel et fin connaisseur
en matière d’art industriel, a été placé à la
tête de la première, et déjà il a comblé des
lacunes ou remédié à des abus. Grâce à lui
une maison de Vienne s’occupe de photo-
graphier les tableaux les plus importants ;
les premiers essais sont fort satisfaisants, et
combattent victorieusement le préjugé si
répandu en Allemagne qu’on ne saurait
photographier directement les originaux. Je
reviendrai sur cette entreprise quand elle
sera plus avancée. —- Le catalogue de la
galerie ne se fera pas attendre non plus, à
ce que j’apprends, et il mettra fin à ce non-
sens : une galerie de plus de quatorze cents
tableaux sans catalogue! Jusqu’ici l’absénce,
1, Voir la Chronique du 20 août.
de numérotage des toiles et même des salles
de cet immense palais rendait toute re-
cherche des plus pénibles; au lieu de dési-
gner une œuvre par son titre ou son numéro,
vous étiez forcé de la décrire minutieuse-
ment pour pouvoir plus tard la retrouver,
ou la faire retrouver à ceux qui voulaient
profiter de vos notes. Le catalogue appor-
tera en outre maints renseignements précieux
sur l’histoire des écoles italienne, flamande et
allemande, si brillamment représentées dans
cette galerie. Enfin nous espérons que le
nouveau directeur fera procéder le plus tôt
possible à la restauration des nombreux
ouvrages que le manque d’entretien a pres-
que ruinés.
A la tête de la collection de l’archiduc
Albert se trouve aujourd’hui M. Maurice
Thausing. C’est un directeur modèle, il
utilise pour l’avancement de la science les
trésors confiés à sa garde, et il en facilite
l’usage aux autres savants avec une libéra-
lité, une abnégation dignes des plus grands
éloges. Des découvertes capitales sur la vie
et l’œuvre de Dürer ont été.le fruit de ses
propres travaux, et l’hospitalité qu’il pra-
tique envers les travailleurs sérieux mérite-
rait d’être citée comme exemple à plus
d’un conservateur de collections publiques.
L’Albertina leur est ouverte, non pas deux
fois par semaine, comme le porte le règle-
ment, mais tous les jours, et aussi long-
temps qu’ils le désirent. M. Thausing a en
outre imprimé une nouvelle vie à la collec-
tion qu’il dirige; de nombreuses acquisi-
tions (notamment de gravures) sont venues
s’ajouter aux anciens trésors, et les photo-
graphiesde M.Braun,deDornach, (l,098n°‘!)
ont répandu au loin une partie des admi-
rables dessins de l’archiduc Albert.
Je ne dirai qu’un mot des autres collec-
tions particulières de Vienne : la disparition
de deux des principales galeries a causé un
vide qui n’est pas encore comblé. En effet la
galerie Esterhazy a, comme on sait, émigré
de Vienne à Pesth, et la galerie Schônbronn
a été vendue. Mais celle du comte Harrach
et celle du comte Czernin nous restent, et
offrent toujours à notre admiration, l’une
ses tableaux de l’école napolitaine, l’autre
ses deux grands chefs-d’œuvre, le Paul Pot
1er, et.le van der Meer (que le catalogue
s’obstine à nommer Pietre de Hoogh). Puis,
viennent une foule d’autres collections,
toutes assez connues pour que je puisse
me dispenser d’en parler. Je ne les invo-
querai ici que pour l’hospitalité qu’elles
offrent aux étrangers, et pour la manière
large et noble dont leurs possesseurs en-
tendent le droit de propriété en matière
artistique. Leurs portes s’ouvrent au publicà
certains jours de la semaine, sans qu’il soit
nécessaire de solliciter l’entrée, ou de se
faire recommander ; on vous confie un droit
plutôt qu’on ne vous accorde une faveur
- N° 47 —
2i Novembre 1869.
LA CHRONIQUE
TOLITIQJJE
DES ARTS ET DE LA CURIOSITÉ
Paraissant tous les Dimanches
ABONNEMENTS :
Paris, un an. 15 fr.
■— six mois. 8 fr.
UN NUMÉRO 2 0 CENT.
RÉDACTION : Rue Vivienne} 55} Paris
Comptes rendus & annonces de ventes publiques de tableaux
dessins, estampes, bronzes, ivoires, médailles, livres rares, autographes
émaux, porcelaines, armes, objets de curiosité, &c., &c.
■ Nouvelles des galeries publiques, des ateliers. — Correspondances étrangères
Bibliographie des livres, articles de revues & estampes
publiées en France & à l’Etranger. — Revue des arts industriels
Expositions de Province & de l’Etranger
Paraissant tous les Dimanche?
ABONNEMENTS :
Departements, un an. 18 fr.
— six mois. 10 fr.
Etranger, le porc en sus.
ADMINISTRATION : Rue Vivienne} 55, Paris
MUSÉE CÉRAMIQUE DE LILLE.
LA SALLE DU CONCLAVE.
Lille, qui joue un rôle si considérable
dans l’industrie du xix° siècle, et qui, au
milieu de ses immenses préoccupations
manufacturières, n’oublie ni les écoles
de dessin, ni les musées, ni les collec-
tions, ni les réunions littéraires, ni les
sociétés savantes, Lille, par la création et
par l’installation toute récente, dans la
salle dite du Conclave, d’un musée de
céramique et d’archéologie, vient de don-
ner un exemple et une leçon à certaines
cités industrielles que nous ne voulons
pas nommer et où il y a tant à faire en-
core pour l’art, les collections publiques,
les écoles et les réunions artistiques.
Dans la première édition de sa con-
sciencieuse Histoire de la Céramique
lilloise, M. J. Houdoy regrettait que, de-
puis le commencement de ce siècle, la
ville de Lille n’eût pas créé, comme
Rouen et Nevers, à côté des riches mu-
sées quelle possède, un musée de céra-
mique et d’archéologie. Elle eût ainsi re-
cueilli et sauvé bien des pièces précieuses
pour l’histoire locale qui se sont épar-
pillées soit dans les musées étrangers,
soit dans les collections particulières. Ce
regret, M. J. Houdoy ne le formule plus
dans la nouvelle édition de son ex-
cellent livre, car l’administration muni-
cipale, non contente de voter des fonds
pour la création de ce musée, a mis, de
plus, un magnifique local à la disposition
de la commission chargée de sa direc-
tion.
La réunion de Lille à la France, en
1667, fut pour cette cité le point de dé-
part d’une véritable renaissance indus-
trielle. Si, après cette annexion, la ville
se mit à fabriquer activement des choses
de luxe, telles que les velours, les soie-
ries, le linge de table damassé, les ta-
pisseries de haute lisse, les étoffes et ru-
bans d’or et d’argent, lescuirs dorés, etc.,
elle se préoccupait également de la fabri-
cation de la faïence, de la porcelaine,
des verres et des cristaux. — Jacques
Febvrier et Jean Bossut fondaient dans
ses murs, en 1696, la première faïencerie
dont les archives lilloises fassent men-
tion. Après l’importante fabrique de Feb-
vrier, viennent, par ordre d’ancienneté,
celle de Barthélémy Dorez, qui travaillait
en 1711, et celle que montait, en 1740,
Jean-Baptiste Wamps et que J. Masque-
lier reprenait en 1755. Saris chercher à
entrer dans des détails historiques trop
circonstanciés, disonsf néanmoins que la
fabrique de faïence établie en 1696 par
Jacques Febvrier fonctionnait encore en
1802. Ces quelques dates suffisent pour
prouver l’importance de cette fabrication
à Lille, de la fin du xvne siècle au com-
mencement du XIXe.
La salle du Conclave, consacrée par la
ville à ses nouvelles collections d’archéo-
logie et de céramique, est la seule partie
qui subsiste encore de l’ancien palais de
Rihour, bâti vers 1459, par Philippe le
Bon, et achevé en 1664, par le Magistrat,
à Philippe IV d’Espagne, pour y établir
l’hôtel de ville. Cette salle, magnifique-
ment lambrissée en 1717 d’une belle boi-
serie de chêne sculpté par Claude Fran-
chomme et Philippe-André Cuvelier, avait
été, vers 1711, ornée de plusieurs gran-
des peintures dues au pinceau d’Arnould
de Wuez, artiste dont s’honore la ville de
Lille.
Les musées en création seront digne-
ment placés, et la splendeur de leur ins-
tallation excitera, il n’en faut pas douter,
l’émulation des donateurs, car la ville de
Lille, qui a beaucoup d’autres devoirs à
remplir, ne peut mettre que des res-
sources restreintes à la disposition de ses
commissions. Quelques terres cuites gallo-
romaines, des vases remarquables donnés
par le gouvernement et provenant de la
collection Campana, des objets en grès
cérame, et des faïences peu nombreuses
appartenant d’ancienne date à la ville, ou
offertes récemment par des amateurs,
certaines pièces de choix achetées et gé-
néreusement données par la commune :
tels sont les premiers éléments d’une col-
lection naissante, qui s’enrichira certai-
nement avec les années, et à la création
de laquelle applaudiront tous les amis des
arts.
*
Cet exemple que vient de donner la
cité de Lille, d’autres .villes l’avaient déjà
donné de leur côté. Rouen, Nevers,
Colmar, Limoges, possèdent aussi des
collections de différente nature dont elles
s’enorgueillissent à bon droit.
Les médailles, les faïences, les tableaux,
ne forment pas toujours et indispensable-
ment le fond de ces collections, témoin la
ville du Puy qui, indépendamment de
son musée, fondé en 1829 par la Société
d’agriculture, des sciences, arts et com-
merce, possède, dans une salle bâtie aux
frais de M. Théodore Falcon, une riche
collection de dentelles réunie par les soins
de cet honorable fabricant.
Que les villes encore dépourvues de
collections et de musées s’empressent
d’imiter les intelligentes initiatives que
nous venons de citer. La province, par ce
moyen, facilitera et activera la décentra-
lisation qu’elle désire, et donnera à la
nouvelle génération une source salutaire
de distractions aussi honnêtes qu’instruc-
tives; car, si la vie de Paris a des dan-
gers nombreux pour la jeunesse, la vie
de province a aussi les' siens, engendrés
par le désœuvrement et l’ennui. « Créez
pour la jeunesse des plaisirs honnêtes et
intelligents, a dit quelque part George
Sand, encouragez les artistes, ouvrez
des conférences, organisez des lectures,
ayez des collections d’histoire naturelle
et des ouvrages qui permettront aux vo-
cations de prendre tous les chemins... »
Nous ne pouvons mieux finir que par
cette invitation que notre grand écrivain
adresse à la province. A cette dernière de
s’en émouvoir et d’y répondre au plus
vite par des créations semblables à celle
de la Salle du Conclave.
Louis Desprez.
——
CORRESPONDANCE D’ALLEMAGNE b
Vienne.
/
COLLECTIONS PARTICULIÈRES. - CLOUET A VIENNE.
Les deux collections particulières les plus
importantes de Vienne et peut-être du
monde entier, la galerie Lichtenstein et
VAlbertina, ont traversé une petite révolu-
tion dont les propriétaires et le public n’ont
également qu’à se louer : chacune d’elles
vient de recevoir un nouveau directeur.
M. Falke, conservateur du Musée autri-
chien, écrivain spirituel et fin connaisseur
en matière d’art industriel, a été placé à la
tête de la première, et déjà il a comblé des
lacunes ou remédié à des abus. Grâce à lui
une maison de Vienne s’occupe de photo-
graphier les tableaux les plus importants ;
les premiers essais sont fort satisfaisants, et
combattent victorieusement le préjugé si
répandu en Allemagne qu’on ne saurait
photographier directement les originaux. Je
reviendrai sur cette entreprise quand elle
sera plus avancée. —- Le catalogue de la
galerie ne se fera pas attendre non plus, à
ce que j’apprends, et il mettra fin à ce non-
sens : une galerie de plus de quatorze cents
tableaux sans catalogue! Jusqu’ici l’absénce,
1, Voir la Chronique du 20 août.
de numérotage des toiles et même des salles
de cet immense palais rendait toute re-
cherche des plus pénibles; au lieu de dési-
gner une œuvre par son titre ou son numéro,
vous étiez forcé de la décrire minutieuse-
ment pour pouvoir plus tard la retrouver,
ou la faire retrouver à ceux qui voulaient
profiter de vos notes. Le catalogue appor-
tera en outre maints renseignements précieux
sur l’histoire des écoles italienne, flamande et
allemande, si brillamment représentées dans
cette galerie. Enfin nous espérons que le
nouveau directeur fera procéder le plus tôt
possible à la restauration des nombreux
ouvrages que le manque d’entretien a pres-
que ruinés.
A la tête de la collection de l’archiduc
Albert se trouve aujourd’hui M. Maurice
Thausing. C’est un directeur modèle, il
utilise pour l’avancement de la science les
trésors confiés à sa garde, et il en facilite
l’usage aux autres savants avec une libéra-
lité, une abnégation dignes des plus grands
éloges. Des découvertes capitales sur la vie
et l’œuvre de Dürer ont été.le fruit de ses
propres travaux, et l’hospitalité qu’il pra-
tique envers les travailleurs sérieux mérite-
rait d’être citée comme exemple à plus
d’un conservateur de collections publiques.
L’Albertina leur est ouverte, non pas deux
fois par semaine, comme le porte le règle-
ment, mais tous les jours, et aussi long-
temps qu’ils le désirent. M. Thausing a en
outre imprimé une nouvelle vie à la collec-
tion qu’il dirige; de nombreuses acquisi-
tions (notamment de gravures) sont venues
s’ajouter aux anciens trésors, et les photo-
graphiesde M.Braun,deDornach, (l,098n°‘!)
ont répandu au loin une partie des admi-
rables dessins de l’archiduc Albert.
Je ne dirai qu’un mot des autres collec-
tions particulières de Vienne : la disparition
de deux des principales galeries a causé un
vide qui n’est pas encore comblé. En effet la
galerie Esterhazy a, comme on sait, émigré
de Vienne à Pesth, et la galerie Schônbronn
a été vendue. Mais celle du comte Harrach
et celle du comte Czernin nous restent, et
offrent toujours à notre admiration, l’une
ses tableaux de l’école napolitaine, l’autre
ses deux grands chefs-d’œuvre, le Paul Pot
1er, et.le van der Meer (que le catalogue
s’obstine à nommer Pietre de Hoogh). Puis,
viennent une foule d’autres collections,
toutes assez connues pour que je puisse
me dispenser d’en parler. Je ne les invo-
querai ici que pour l’hospitalité qu’elles
offrent aux étrangers, et pour la manière
large et noble dont leurs possesseurs en-
tendent le droit de propriété en matière
artistique. Leurs portes s’ouvrent au publicà
certains jours de la semaine, sans qu’il soit
nécessaire de solliciter l’entrée, ou de se
faire recommander ; on vous confie un droit
plutôt qu’on ne vous accorde une faveur