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La chronique des arts et de la curiosité — 1869

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Nr. 4 (24 Janvier)
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https://doi.org/10.11588/diglit.26661#0023
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N* 4.

DIMANCHE 24 JANVIER.

1869.

ABONNEMENTS.

Paris. •..Un an : 15 fr.

—. Six mois : 8 fr.

Départements .... Un an : 18 fr.

— .... Six mois : 10 fr.

Un numéro : 20 cent.

Pour l’étranger, le port en sus.

Rédaction, 55, rue Vivienne.

Comptes rendus et annonces des ventes
publiques de tableaux, dessins, estampes,
bronzes, ivoires, médailles, livres rares,
autographes, émaux, porcelaines, armes,
objets de curiosité, etc.

Revue des Arts industriels.

CHRONIQUE

DES ARTS ET DE LA CURIOSITÉ

GUIDE SPÉCIAL DES ARTISTES ET DES AMATEURS
PARAISSANT LE DIMANCHE

ABONNEMENTS.

Paris.Un

Départements . . .

Un numéro :

Pour l’étranger, le port en sus.

Administration, 55, rue Vivienne.

_

Correspondances étrangères. — Nouvelles
des galeries publiques, des ateliers. —
Bibliographie des livres, articles de revues
et estampes, publiés en France et à
l’Etranger.


ADRIEN DAEZATS.

Adrien Dauzats, compatriote de Carie
Vernet, de Brascassat, de Diaz de la Pena,
de M,le Rosa Bonheur, est né à Bordeaux
le 27 messidor an xii (1804). Ses rapports
avec la meilleure société du dernier rè-
gne n’avaient fait qu’affiner son origina-
lité d’esprit et son urbanité d’humeur,
qualités distinctives du Bordelais. Dans
sa tenue, dans ses reparties, dans son
aptitude au travail, il avait conservé
comme une saveur de terroir d’un carac-
tère très-particulier. Ses nombreux voya-
ges dans l’Orient lui avaient enseigné
une sorte de stoïcisme, que ne purent
même entamer les crises accablantes et
redoublées d’une longue maladie de
cœur, compliquée d’un asthme. Trois
jours avant sa mort — qui arriva le
18 février 1868, — il s’asseyait, haletant
et fiévreux, devant son chevalet, et avan-
çait ce grand tableau de Simbad le Ma-
rin, qui, dans son inachevé, reste une de
ses œuvres les plus importantes, et qui
orne actuellement le musée de sa ville
natale.

Dauzats, après un court séjour à l’Ecole
des arts et métiers d’Angers, suivit l’Ecole
de dessin de Bordeaux, dirigée par un
vieil artiste, survivant du xvme siècle,
l’excellent et trop peu connu Lacour. Il
avait, pour la pratique des mathémati-
ques, des aptitudes qui, plus tard, éton-
naient Arago. Il fit de rapides progrès
dans la perspective, et, de 1821 à 1823,
il commença la décoration théâtrale sous
la direction du décorateur en chef du
Grand-Théâtre, Ollivier. Puis il vint à
Paris pour se perfectionner, et entra au
Théâtre des Italiens, chez Blanchard,
Mathis et Desroches. En 1814, il était
assez fort pour se charger, avec son ca-
marade Mazade, du théâtre de Pont-
Audemer.

Vers 1825, il entra dans l’atelier de
Michel-Julien Gué, et il s’est toujours
déclaré l’élève de ce paysagiste, en tant
que peintre de chevalet.

A ce moment, Charles Nodier, A. de
Cailleux et le baron Taylor entrepre-
naient une œuvre vraiment patriotique :
la publication des Voyages romantiques
et pittoresques dans l’ancienne France.

La lithographie était dans toute sa fleur
de nouveauté et de vogue. Le baron Tay-
lor demanda, pour orner ces magnifiques
in-folio, des paysages, des monuments,
des culs-de-lampe, à Bonington, à Géri-
cault, à Delacroix, à Horace Vernet, à
Ingres même. Fragonard le fils, E. Isabev,
Cicéri, Bouton, le général Athalin, les
Anglais Harding ét Fielding, furent les
collaborateurs les plus zélés. Dauzats fut
l’un des plus habiles. Taylor l’avait ac-
cepté sur quelques études faites pendant
une courte excqrsion en Suisse ; il l’en-
voya relever à l’aquarelle ou au crayon,
pour les lithographier au retour, tout ce
que renfermaient encore de monuments
pittoresques ou célèbres les hameaux et
les villes, les abbayes et les manoirs du
Languedoc, de la Franche-Comté, de
l’Auvergne et du Dauphiné. Ce tour de
France rompit son intelligence et sa main
à un dessin rapide, mais précis et roman-
tique dans la plus juste acception, je
veux dire, conservant à chaque chose sa
couleur, son détail et son effet d’ensem-
ble, son caractère local et sa vie intime.

Dauzats est un des peintres qui ont
découvert l’Orient. A peu près au temps
où Decamps allait à Smyrne, et Marilhat
en Turquie, il partait pour l’Égypte en
compagnie du baron Taylor, que le gou-
vernement envoyait à Louqsor veiller à
l’emballage de l’obélisque. Mais l’Égypte
ne rassasia point son enthousiasme et sa
curiosité !... Avec des peines que l’on ne
soupçonne plus aujourd’hui, il visita la
Judée, la Syrie, la Palestine.

Il a publié le récit de son voyage sous
ce titre : Quinze Jours au Sinaï. Alexan-
dre Dumas a signé ces deux amusants
volumes, pour les joindre à ses propres
Impressions de voyage, mais il a dit un
jour : « La vérité est que c’est dans les
cartons de Dauzats que j’ai vu la Pales-
tine. » Le mot est plaisant. 11 est parfai-
tement juste. En effet, parcourir les mille
dessins qui vont figurer dans la vente pos-
thumede Dauzats c’est suivrel’artiste sur le
bateau à vapeur le long des côtes semées
de villages, descendre le Nil en sa com-
pagnie ou se joindre à sa caravane, sur le
dos montueux d’un dromadaire. Les rues
du Caire aux toits dentelés, les sveltes
fontaines de Damas, les moucharabiehs
d’Alexandrie découpés comme des gui-

pures, les profils austères des murs.de
Jérusalem, les ex-voto cerclés d’or de la
chapelle Sainte-Hélène, tout cela parle
comme des notes de voyage et vit avec
une intensité d’aspect que n’atteindra
jamais la photographie.

Mais ce à quoi l’on s’attendait moins
d’un paysagiste et d’un décorateur, c’est
à la largeur des études de personnages.
Malgré la nouveauté du spectacle, Dau-
zats ne s’arrêtait point, dans ses croquis,
à la tournure sculpturale des burnous, à
la singularité des armes et des ustensiles,
à la saveur des silhouettes découpant le
ciel lumineux et coloré ; il pénétrait le
caractère distinctif de ces peuplades tan-
nées, bronzées ou noir d’ébène, étudiait
dans leur geste, dans leur attitude, dans
leur regard, leurs pensées et leurs mœurs.
Personne, après Eugène Delacroix, n’a
saisi plus juste la rêverie farouche et l’in-
différence fataliste du Mahométan.

On retrouve au même degré ces qua-
lités d’observation intelligente-dans les
études de personnages faites, plus tard,
en Portugal et en Espagne. La série des
curés et des sacristains madrilènes, des
camaldules, des capucins, des carmes
déchaux, des moines de la Merci, barbus
ou rasés, gras ou émaciés, épanouis ou
soupçonneux, mendiants ou cossus, est
naïve et ferme au possible. C’est le der-
nier chapitre de l’histoire monacale de
l'Espagne. Les façades ensoleillées ouïes
intérieurs sombres de couvents et de ca-
thédrales, de chapelles et de séminaires,
qu’il rapporta de Séville, de Cordoue, de
Tolède, de Grenade, de Barcelone, de
Saragosse, sont d’une exactitude scrupu-
leuse et large. Les tableaux n’en étaient
que la mise au net. Au premier coup sa
couleur était claire et juste, sa touche
adroite et pimpante; son sentiment des
ensembles était toujours essentiellement
artiste et décoratif.

En 1839, attaché comme artiste-histo-
riographe à la suite du duc d’Orléans
pendant l’expédition des Portes-de-Fer,
il partagea gaiement toutes les fatigues et
tous les dangers du corps d’armée qui,
pour la première fois depuis l’occupa-
tion, poussait jusqu’au cœur de l’Algérie.
A en juger par les aquarelles qu’il rap-
porta, ces défilés étaient d’une terrible
beauté : rien n’est plus surprenant que

de voir les régiments franchir, homme à-
homme, les corridors étranglés, et dis-
puter les hauteurs et les versants aux
Arabes. A son retour en France, le prince
royal le chargea d’orner de bois, avec
llaffet et Decamps, le récit de cette cam-
pagne, qu’avait rédigé Charles Nodier, et
de surveiller, à l’imprimerie royale, l’im-
pression et le tirage du livre *. De ce
moment datent, avec la famille d’Orléans,
des rapports auxquels Dauzats ne cessa
de demeurer fermement attaché.

Touriste acharné, il a parcouru encore
la Turquie, la Sicile, la Belgique, l’Alle-
magne, l’Angleterre. Les souffrances de
ses dernières années purent seules le
détourner de cette nostalgie des lointains
pays. Lors de l’Exposition universelle de
1862, il fût délégué à Londres pour veil-
ler au classement des envois des artistes
français. Il fit partie de tous les jurys
internationaux. Son nom sortait tou-
jours un des premiers de l’urne lors-
que les artistes avaient à se choisir un
juge.

Le Musée du Luxembourg et les Gale-
ries de Versailles possèdent de lui plu-
sieurs aquarelles, épisodes de ses voyages
au Sinaï et en Algérie. Il a obtenu une
deuxième médaille au Salon de 1831,
deux premières en 1835 et 1848, une
de première classe en 1835. Il'avait reçu
la croix de la Légion d’honneur en
1837.

Ce ne» sont pas là les seuls titres
d’Adrien Dauzats. Il fut plus qu’un pein-
tre habile : il eut à un rare degré le sen-
timent de la dignité de sa profession. Il
a fait plus que personne pour les intérêts
de ses camarades. En 1844, il est un des
dix-huit fondateurs de la Société des Ar-
tistes peintres, sculpteurs et graveurs,
dont la caisse soulage de si touchantes
infortunes. 11 réorganise, avec Scott et
Charroppin, la Société des Amis des Arts
de Bordeaux, et lui imprime une si vive
impulsion, qu’elle achète annuellement
pour plus de 80,000 francs d’objets d’art.
Il est de toutes les Commissions pour la
réorganisation des hautes études du des-
sin. Par sa discrétion, par son activité sou-
tenue, par sa connaissance des hommes,

1. Dauzats a encore publié, avec M. Pli. Blanchard,
la Relation de l'Expédition française au Mexique,
1840 ; 1 volume in-80.
 
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