N* 28.
DIMANCHE I I JUILLET
1869.
ABONNEMENTS.
Paris.Un an : 1 5 fr.
—.Six mois : 8 fr.
Départements .... Un an : 18 fr.
— .... Six mois : 10 fr.
Un numéro : 20 cent.
Pour l'étranger, le port en sus.
Rédaction, 55, rue Vivienne.
Comptes rendus et annonces des ventes
publiques de tableaux, dessins, estampes,
bronzes, ivoires, médailles, livres rares,
autographes, émaux, porcelaines, armes,
objets de curiosité, etc.
Revue des Arts industriels.
CHRONIQUE
DES ARTS ET DE LA CURIOSITÉ
GUIDE SPÉCIAL DES ARTISTES ET DES AMATEURS
JOURNAL POLITIQUE PARAISSANT LE DIMANCHE
ABONNEMENTS.
Paris.Un an : 15 fr
—.Six mois : 8 fr
Départements .... Un an : 18 fr.
— .... Six mois : 10 fr.
Un numéro : 20 cent.
Pour l’étranger, le port en sus.
Administration, 55, rue Vivienne.
Correspondances étrangères. — Nouvelles
des galeries publiques, des ateliers. —
Bibliographie des livres, articles de revues
et estampes, publiés en France et à
l’Étranger.
Expositions de Province et de l’Et! singer
LIS POUVOIR PERSONNEL
DANS
L’ADMINISTRATION DES BEAUX-ARTS.
Au moment où la France se prononce
contre le pouvoir personnel, M. Fran-
cisque Sarcey publie, clans le Gaulois, un
article par lequel il soutient l’omnipotence
dans les arts, et approuve M. le surin-
tendant d’avoir refusé', par un acte de
dictature, le don gratuit et généreux
que M. Chenavard voulait faire à l’Etat
de son tableau : Divina tragedia. Ce
refus nous l’avons blâmé, parce que nous
croyons dangereux qu’un homme seul
décide et prononce pour tous. Si M. le
surintendant trouve mauvais le tableau
de M. Chenavard, beaucoup de criti-
ques éminents ont donné des louanges
à cette œuvre. Plusieurs pensent même
que cette composition, ainsi que les car-
tons de Y Histoire de l’Humanité, roulés
dans un coin du dépôt des marbres de-
puis qu’un jury européen leur a dé-
cerné la première médaille, figurerait
plus honorablement au Luxembourg que
maintes toiles faciles à citer. Pour nous,
nous admirons, dans la Divina tragedia,
un effort rare à notre époque sans tempé-
rament, des attitudes grandes et fières,
un dessin serré et ferme qui décèlent un
artiste appartenant à une race plus virile
que celle à laquelle s’adresse d’ordinaire
le ministère de la Maison de l’Empereur
et des Beaux-Arts pour ses commandes
et ses acquisitions. Mais, lorsque nous
exprimons avec franchise notre senti-
ment, nous admettons volontiers la con-
tradiction, car nous ne pensons pas à
dicter des décisions sacrées. S’il y a dés
matières sur lesquelles un homme ne peut
prétendre à parler au nom de tous, ce
sont certainement celles qui touchent aux
manifestations les plus élevées de l’es-
prit humain. Sur un livre, sur une œuvre
d’art que d’opinions diverses, que de
jugements opposés ! et c’est à cause de
cette divergence d’idées que nous re-
prochons à M. le surintendant d’avoir
repoussé une donation en usant d’un pou-
voir discrétionnaire. Certes, personne
11’accusera M. le préfet de la Seine de
n’avoir point un penchant assez décidé
pour l’omnipotence, et cependant il n’a
pas voulu assumer sur lui seul la respon-
sabilité des commandes que la ville fait
aux artistes, et il a cru devoir s’entourer
d’hommes spéciaux pour les consulter sili-
ces questions délicates. Ce comité fonc-
tionne depuis plusieurs années et on s’en
applaudit fort. M. Walewski, ministre
d’Ëtat et des Beaux-Arts, eut la même
pensée. En 1.862, il avait institué ûne com-
mission consultative pour lui donner des
avis « 1° sur les commandes à ordonner,
« les artistes qui doivent en être chargés
« et la réception des travaux exécutés,
« 2° sur les souscriptions aux publications
a qui concernent les arts, 3° sur les achats
« à faire, 4° sur les récompenses à accor-
(i der aux artistes, 5° sur les améliorations
« à introduire dans les établissements des
« Beaux-Arts... » Cette commission, qui
déplut fort aux fonctionnaires dont elle
limitait les pouvoirs, fut, il est vrai, peu
souvent réunie, et elle cessa même tout à
fait de l’être lorsque, par un décret du
23 juin 1863, l’Empereur rapprocha de la
couronne l’administration des Beaux-Arts
en créant une surintendance et en réunis-
sant la direction des Beaux-Arts au mi-
nistère de la Maison de l’Empereur. A
cette création, à ce rapprochement les
arts ont-ils bénéficié? Que les faits ré-
pondent.
Depuis le décret qui a fortifié dans les
arts le pouvoir personnel, des tableaux
sont sortis du Louvre pour aller décorer
les salons du Cercle impérial,; de nom-
breuses salles se sont fermées au Louvre
les jours de réception de M. le surinten-
dant; des écuries, des magasins à four-
rage et des logements de palefreniers
ont été tolérés, au mépris de la loi du
1er décembre 179/i, sous la grande gale-
rie qui. renferme tous les chefs-d’œuvre
de la France ; des centaines de peintures
ont été retirées des salles où le public
pouvait les étudier! Depuis cette époque,
la valeur des objets d’art n’a cessé de s’é-
lever, et cependant le prix moyen des
toiles achetées par le ministère est des-
cendu de. 3,Zil3 francs qu’il était en 1863
à 1,840 francs, et le prix moyen des toiles
commandées est tombé de 1,659 francs
à 1,183 francs ! Est-ce tout? Non. Le mi-
nistère d’État et des Beaux-Arts comp-
tait au Salon de 1863 cinquante-trois
tableaux commandés par lui, et, en 1869,
un jury bienveillant, composé pour un
tiers par l’administration, n’a admis au
Salon que cinq toiles dues à l’initiative
du ministère de la Maison de l’Empereur
et des Beaux-Arts ! Tels sont les faits, et
voilà pourquoi nous ne voulons plus
qu’un homme représente seul les arts,
que seul il décide des commandes et des
acquisitions, que seul il accepte ou refuse
des donations en prenant, pour base
unique de ses jugements, son goût et
son sentiment personnels ; voilà pourquoi,
enfin, nous demandons que la commis-
sion, qui n’a point été dissoute, soit con-
sultée sur tous les actes importants d’une
administration essentiellement publique,
d’une administration que des rapports
trop intimes avec la Maison de l’Empereur
ne peuvent autoriser à ne prendre d’autres
décisions que celles inspirées par les ca-
prices du bon plaisir.
Émile Gauciion.
Nous prions instamment tous les artistes
et amateurs de vouloir bien nous faire par-
venir, le plus prochainement possible, les
observations, corrections et renseignements
nouveaux, relatifs à l'Annuaire que la Gazette
des Beaux-Arts vient de publier. Il est im-
portant que cet ouvrage soit aussi complet
et aussi exact que possible, et pour cela il
est nécessaire que tous les intéressés contri-
buent à son perfectionnement.
Nous demanderons aux Sociétés savantes
de vouloir bien nous transmettre leurs sta-
tuts et les livrets des expositions provin-
ciales, qui renferment tant de documents.
——-
L’ART EN PROVINCE.
J!ai lu dans la Chronique du 27 juin
votre article sur la publicité « à donner aux
« acquisitions du ministère des Beaux-Arts. »
Cette idée est excellente, car, comme vous
le dites fort bien, « les artistes y trouve-
« raient une récompense et un encourage-
« ment bien supérieur aux médailles, l’ad-
« ministration y puiserait la force nécessaire
« pour résister à des influences qui souvent
« déterminent des acquisitions insignifiantes
« ou ridicules, et, par suite, l’art y gagnerait
« considérablement, » et nous ajouterons :
« les musées de province ne seraient pas
encombrés de toiles inconvenantes ou très-
médiocres qui, au lieu de favoriser l’amour
du beau, l’entravent et le corrompent. »
Nous serions curieux de savoir comment
l’administration des Beaux-Arts procède
dans Je choix des toiles qui doivent orner
les musées de Toulouse ou de Nantes, de
Strasbourg ou de Nîmes. Tel tableau qui
serait apprécié dans le nord, l’est très-peu
dans le midi. Peut-être dans les départe-
ments voisins de Paris est-on familiarisé
avec les femmes couchées, les scènes sca-
breuses ou piquantes par leur nudité?mais,
. à coup sûr, dans certains départements, on
on en est scandalisé, et une Vénus du Titien,
n’aurait pas plus de succès que tel tableau
que nous avons entendu blâmer par bien
des gens, pleins de scrupules, et qui 11e
savent pas s’élever dans les hautes régions
de l’art. Quant à la perfection artistique du
tableau, elle devrait être obligatoire, car on
ne peut mettre un modèle plus que mé-
diocre sous les yeux des élèves, et employer
aussi mal les finances de la nation. Il n’est
pas inutile de le redire après vous, mon-
sieur : ces dons de l’Empereur sont dus au
vote de la Chambre et c’est nous tous qui
les payons.
Il faudrait donc que le public pût ju-
ger les achats de l’administration, et il se-
rait aussi très-utile de faire participer, au
choix des tableaux, un certain nombre des
amateurs de l’art qui restent en province.
Mais, dira-t-on, ces provinciaux sont trop
heureux de recevoir de temps en temps un
tableau donné par l’Empereur, et ils ne doi-
vent pas regarder de travers les cadeaux
quels qu’ils soient ! Ce n’est pas une faveur
que réclament les musées, mais un droit.
Tous des Français aiment, ou doivent aimer
le beau, et ils payent assez cher pour qu’on
leur en donne pour leur argent.
Il est vrai qu’on s’occupe très-peu de l’en-
seignement du dessin en France. Les écoles
communales, quand il y en a, dépendent du
goût du tout puissant monsieur le maire,
et, 11e l’oublions pas, sont écrasées par les
écoles rivales des corporations religieuses.
Nous croyons qu’une enquête sur ce sujet
serait des plus intéressantes et, surtout, des
plus utiles. Tout ne peut se centraliser à
Paris. L’enseignement du dessin moins que
tout autre. Tous les ouvriers ne peuvent
même pas se rendre dans les grandes villes
de province, pour profiter des leçons qui
leur sont indispensables. Beaucoup seraient
capables de mieux faire, s’ils étaient mieux
dirigés. Mais qui ne sait que dans bien des
écoles, on enseigne à calquer et à ombrer
avec patience, pour éblouir le public par
DIMANCHE I I JUILLET
1869.
ABONNEMENTS.
Paris.Un an : 1 5 fr.
—.Six mois : 8 fr.
Départements .... Un an : 18 fr.
— .... Six mois : 10 fr.
Un numéro : 20 cent.
Pour l'étranger, le port en sus.
Rédaction, 55, rue Vivienne.
Comptes rendus et annonces des ventes
publiques de tableaux, dessins, estampes,
bronzes, ivoires, médailles, livres rares,
autographes, émaux, porcelaines, armes,
objets de curiosité, etc.
Revue des Arts industriels.
CHRONIQUE
DES ARTS ET DE LA CURIOSITÉ
GUIDE SPÉCIAL DES ARTISTES ET DES AMATEURS
JOURNAL POLITIQUE PARAISSANT LE DIMANCHE
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Paris.Un an : 15 fr
—.Six mois : 8 fr
Départements .... Un an : 18 fr.
— .... Six mois : 10 fr.
Un numéro : 20 cent.
Pour l’étranger, le port en sus.
Administration, 55, rue Vivienne.
Correspondances étrangères. — Nouvelles
des galeries publiques, des ateliers. —
Bibliographie des livres, articles de revues
et estampes, publiés en France et à
l’Étranger.
Expositions de Province et de l’Et! singer
LIS POUVOIR PERSONNEL
DANS
L’ADMINISTRATION DES BEAUX-ARTS.
Au moment où la France se prononce
contre le pouvoir personnel, M. Fran-
cisque Sarcey publie, clans le Gaulois, un
article par lequel il soutient l’omnipotence
dans les arts, et approuve M. le surin-
tendant d’avoir refusé', par un acte de
dictature, le don gratuit et généreux
que M. Chenavard voulait faire à l’Etat
de son tableau : Divina tragedia. Ce
refus nous l’avons blâmé, parce que nous
croyons dangereux qu’un homme seul
décide et prononce pour tous. Si M. le
surintendant trouve mauvais le tableau
de M. Chenavard, beaucoup de criti-
ques éminents ont donné des louanges
à cette œuvre. Plusieurs pensent même
que cette composition, ainsi que les car-
tons de Y Histoire de l’Humanité, roulés
dans un coin du dépôt des marbres de-
puis qu’un jury européen leur a dé-
cerné la première médaille, figurerait
plus honorablement au Luxembourg que
maintes toiles faciles à citer. Pour nous,
nous admirons, dans la Divina tragedia,
un effort rare à notre époque sans tempé-
rament, des attitudes grandes et fières,
un dessin serré et ferme qui décèlent un
artiste appartenant à une race plus virile
que celle à laquelle s’adresse d’ordinaire
le ministère de la Maison de l’Empereur
et des Beaux-Arts pour ses commandes
et ses acquisitions. Mais, lorsque nous
exprimons avec franchise notre senti-
ment, nous admettons volontiers la con-
tradiction, car nous ne pensons pas à
dicter des décisions sacrées. S’il y a dés
matières sur lesquelles un homme ne peut
prétendre à parler au nom de tous, ce
sont certainement celles qui touchent aux
manifestations les plus élevées de l’es-
prit humain. Sur un livre, sur une œuvre
d’art que d’opinions diverses, que de
jugements opposés ! et c’est à cause de
cette divergence d’idées que nous re-
prochons à M. le surintendant d’avoir
repoussé une donation en usant d’un pou-
voir discrétionnaire. Certes, personne
11’accusera M. le préfet de la Seine de
n’avoir point un penchant assez décidé
pour l’omnipotence, et cependant il n’a
pas voulu assumer sur lui seul la respon-
sabilité des commandes que la ville fait
aux artistes, et il a cru devoir s’entourer
d’hommes spéciaux pour les consulter sili-
ces questions délicates. Ce comité fonc-
tionne depuis plusieurs années et on s’en
applaudit fort. M. Walewski, ministre
d’Ëtat et des Beaux-Arts, eut la même
pensée. En 1.862, il avait institué ûne com-
mission consultative pour lui donner des
avis « 1° sur les commandes à ordonner,
« les artistes qui doivent en être chargés
« et la réception des travaux exécutés,
« 2° sur les souscriptions aux publications
a qui concernent les arts, 3° sur les achats
« à faire, 4° sur les récompenses à accor-
(i der aux artistes, 5° sur les améliorations
« à introduire dans les établissements des
« Beaux-Arts... » Cette commission, qui
déplut fort aux fonctionnaires dont elle
limitait les pouvoirs, fut, il est vrai, peu
souvent réunie, et elle cessa même tout à
fait de l’être lorsque, par un décret du
23 juin 1863, l’Empereur rapprocha de la
couronne l’administration des Beaux-Arts
en créant une surintendance et en réunis-
sant la direction des Beaux-Arts au mi-
nistère de la Maison de l’Empereur. A
cette création, à ce rapprochement les
arts ont-ils bénéficié? Que les faits ré-
pondent.
Depuis le décret qui a fortifié dans les
arts le pouvoir personnel, des tableaux
sont sortis du Louvre pour aller décorer
les salons du Cercle impérial,; de nom-
breuses salles se sont fermées au Louvre
les jours de réception de M. le surinten-
dant; des écuries, des magasins à four-
rage et des logements de palefreniers
ont été tolérés, au mépris de la loi du
1er décembre 179/i, sous la grande gale-
rie qui. renferme tous les chefs-d’œuvre
de la France ; des centaines de peintures
ont été retirées des salles où le public
pouvait les étudier! Depuis cette époque,
la valeur des objets d’art n’a cessé de s’é-
lever, et cependant le prix moyen des
toiles achetées par le ministère est des-
cendu de. 3,Zil3 francs qu’il était en 1863
à 1,840 francs, et le prix moyen des toiles
commandées est tombé de 1,659 francs
à 1,183 francs ! Est-ce tout? Non. Le mi-
nistère d’État et des Beaux-Arts comp-
tait au Salon de 1863 cinquante-trois
tableaux commandés par lui, et, en 1869,
un jury bienveillant, composé pour un
tiers par l’administration, n’a admis au
Salon que cinq toiles dues à l’initiative
du ministère de la Maison de l’Empereur
et des Beaux-Arts ! Tels sont les faits, et
voilà pourquoi nous ne voulons plus
qu’un homme représente seul les arts,
que seul il décide des commandes et des
acquisitions, que seul il accepte ou refuse
des donations en prenant, pour base
unique de ses jugements, son goût et
son sentiment personnels ; voilà pourquoi,
enfin, nous demandons que la commis-
sion, qui n’a point été dissoute, soit con-
sultée sur tous les actes importants d’une
administration essentiellement publique,
d’une administration que des rapports
trop intimes avec la Maison de l’Empereur
ne peuvent autoriser à ne prendre d’autres
décisions que celles inspirées par les ca-
prices du bon plaisir.
Émile Gauciion.
Nous prions instamment tous les artistes
et amateurs de vouloir bien nous faire par-
venir, le plus prochainement possible, les
observations, corrections et renseignements
nouveaux, relatifs à l'Annuaire que la Gazette
des Beaux-Arts vient de publier. Il est im-
portant que cet ouvrage soit aussi complet
et aussi exact que possible, et pour cela il
est nécessaire que tous les intéressés contri-
buent à son perfectionnement.
Nous demanderons aux Sociétés savantes
de vouloir bien nous transmettre leurs sta-
tuts et les livrets des expositions provin-
ciales, qui renferment tant de documents.
——-
L’ART EN PROVINCE.
J!ai lu dans la Chronique du 27 juin
votre article sur la publicité « à donner aux
« acquisitions du ministère des Beaux-Arts. »
Cette idée est excellente, car, comme vous
le dites fort bien, « les artistes y trouve-
« raient une récompense et un encourage-
« ment bien supérieur aux médailles, l’ad-
« ministration y puiserait la force nécessaire
« pour résister à des influences qui souvent
« déterminent des acquisitions insignifiantes
« ou ridicules, et, par suite, l’art y gagnerait
« considérablement, » et nous ajouterons :
« les musées de province ne seraient pas
encombrés de toiles inconvenantes ou très-
médiocres qui, au lieu de favoriser l’amour
du beau, l’entravent et le corrompent. »
Nous serions curieux de savoir comment
l’administration des Beaux-Arts procède
dans Je choix des toiles qui doivent orner
les musées de Toulouse ou de Nantes, de
Strasbourg ou de Nîmes. Tel tableau qui
serait apprécié dans le nord, l’est très-peu
dans le midi. Peut-être dans les départe-
ments voisins de Paris est-on familiarisé
avec les femmes couchées, les scènes sca-
breuses ou piquantes par leur nudité?mais,
. à coup sûr, dans certains départements, on
on en est scandalisé, et une Vénus du Titien,
n’aurait pas plus de succès que tel tableau
que nous avons entendu blâmer par bien
des gens, pleins de scrupules, et qui 11e
savent pas s’élever dans les hautes régions
de l’art. Quant à la perfection artistique du
tableau, elle devrait être obligatoire, car on
ne peut mettre un modèle plus que mé-
diocre sous les yeux des élèves, et employer
aussi mal les finances de la nation. Il n’est
pas inutile de le redire après vous, mon-
sieur : ces dons de l’Empereur sont dus au
vote de la Chambre et c’est nous tous qui
les payons.
Il faudrait donc que le public pût ju-
ger les achats de l’administration, et il se-
rait aussi très-utile de faire participer, au
choix des tableaux, un certain nombre des
amateurs de l’art qui restent en province.
Mais, dira-t-on, ces provinciaux sont trop
heureux de recevoir de temps en temps un
tableau donné par l’Empereur, et ils ne doi-
vent pas regarder de travers les cadeaux
quels qu’ils soient ! Ce n’est pas une faveur
que réclament les musées, mais un droit.
Tous des Français aiment, ou doivent aimer
le beau, et ils payent assez cher pour qu’on
leur en donne pour leur argent.
Il est vrai qu’on s’occupe très-peu de l’en-
seignement du dessin en France. Les écoles
communales, quand il y en a, dépendent du
goût du tout puissant monsieur le maire,
et, 11e l’oublions pas, sont écrasées par les
écoles rivales des corporations religieuses.
Nous croyons qu’une enquête sur ce sujet
serait des plus intéressantes et, surtout, des
plus utiles. Tout ne peut se centraliser à
Paris. L’enseignement du dessin moins que
tout autre. Tous les ouvriers ne peuvent
même pas se rendre dans les grandes villes
de province, pour profiter des leçons qui
leur sont indispensables. Beaucoup seraient
capables de mieux faire, s’ils étaient mieux
dirigés. Mais qui ne sait que dans bien des
écoles, on enseigne à calquer et à ombrer
avec patience, pour éblouir le public par