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La chronique des arts et de la curiosité — 1869

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Nr. 15 (11 Avril)
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https://doi.org/10.11588/diglit.26661#0095
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N» I5,:

DIMANCHE I I AVRIL.

1869.

ABONNEMENTS.

Paris.Un an : 15 fr.

—.Six mois : 8 fr.

Départements . ... Un an : 18 fr.

— .... Six mois : 10 fr.

Un numéro : 20 cent.

Pour l’étranger, le port en sus.

Rédaction, 55, rue Vivienne.

Comptes rendus et annonces des ventes
publiques de tableaux, dessins, estampes,
bronzes, ivoires, médailles, livres rares,
autographes, émaux, porcelaines, armes,
objets de curiosité, etc.

Revue des Arts industriels.

GUIDE SPÉCIAL DES ARTISTES ET DES AMATEURS

JOURNAL POLITIQUE PARAISSANT LE DIMANCHE

CHRONIQUE

DES ARTS ET DE LA CURIOSITÉ

ABONNEMENTS.

Paris.Un an : 15 fr

—. Six mois : 8 fr

Départements .... Un an : 18 fr.

—’ .... Six mois : 10 fr.

Un numéro : 20 cent.

Pour l’étranger , le porc en sug.

Administration, 55, rue Vivienne.

Correspondances étrangères. — Nouvelles
des galeries publiques, des ateliers. —
Bibliographie des livres, articles de revues
et estampes, publiés en France et à
l’Etranger.

Expositions de Province et de l’Ef.anger. ï

DES DROITS DE LA NATION

SUR LES

MUSÉES DE LA LISTE CIVILE.

Le décret du 26 mars soulève des ques-
tions plus nombreuses et plus graves qu’on
ne pourrait le supposer au premier abord.
Il touche à la constitution, à la liste civile,
au domaine de l’État et à des intérêts géné-
raux, municipaux et privés considérables.
Vouloir, en un seul article, l’envisager sous
tous ses aspects à la fois, ce serait tenter
l’impossible. Même, en ne prenant que une
à une les diverses faces d’un sujet si com-
plexe, les difficultés seront grandes; cepen-
dant, nous ne chercherons à en éluder
aucune. Bien au contraire, malgré notre
insutlisance, nous les aborderons résolû-
ment, au risque de ne point en triom-
pher, mais avec le sentiment d'accomplir
un devoir en attirant l’attention des hommes
compétents sur des points de droit et d’en-
seignement mal définis, mal connus du
public et peut-être de nos administrateurs.

Pourquoi les musées ont-ils été créés?
Comment et dans quelles conditions ont-ils
été donnés en usufruit à la couronne?— Ce
seront les premières propositions que nous
examinerons pour arriver à fixer, dans un
prochain article, les principes d’après les-
quels suivant nous, MM. les membres de la
commission devraient choisir les œuvres
destinées à faire retour à la nation.

Pourquoi les musées ont-ils été créés? Ce
futavanttout pour mettre les diverses classes
de la société à même de s’élever à la com-
préhension du beau, et subsidiairement pour
retracer l’histoire de l’une des branches les
plus nobles de l’intelligence. L’Assemblée
constituante, en posant les principes, l’As-
semblée législative, en les consacrant, et la
Convention, en les appliquant, 11e firent pas
seulement un acte moral et intellectuel,
mais encore un acte de sage prévoyance. En
abolissant les corporations et le droit d’aî-
nesse, la Révolution multipliait les morcel-
lements et les aliénations de patrimoines, et,
par suite, la France était menacée de voir
ses trésors d’art passer peu à peu dans les
pays étrangers, où une aristocratie riche et
puissante pouvait les attirer et les retenir.
Tels sont les principes moraux et les motifs
conservateurs qui présidèrent à la formation
et aux développements de nos musées. L’é-
vidence est telle sur ces points que nous
n’insisterons pas davantage, assuré que nous
sommes de ne pas trouver de contradic-
teurs.

Mais comment ces musées, créés dans un
intérêt général, public, font-ils aujourd’hui
partie du domaine de la liste civile ? En les
plaçant au Louvre, palais dépendant de la
couronne, la Constituante a-l-elle commis
une inconséquence? A-t-elle eu l’intention,
comme on voudrait nous le faire croire, de
créer une galerie purement royale, ouverte
gracieusement, mais non officiellement, au
public, et dans laquelle la couronne pourrait
puiser selon l’exigence de ses^diffvrenls ser-
vices? Assurément non! — En 1791, lors de
la fixation de la première liste civile, le
Louvre renfermait déjà nombre de richesses
précieuses : des statues de grands hommes,
des galeries où des tableaux étaient entassés
sans ordre, comme en fait foi un discours
de Barrère. Louis XVI réclama, pour sa
liste civile, le Louvre; et l’Assemblée ne
voulut point lui refuser un palais qui avait
été élevé et habité par ses ancêtres. Mais où
placer les œuvres d’art que le Louvre
contenait? On ne le savait, la nation ne
possédait point de local propre à les re-
cevoir. Cet obstacle, et peut-être le désir
qu’on avait, —sans oser l’exprimer,—
d’amener le roi à fondre ses collections de
Versailles avec celles du Louvre, empê-
chèrent Barrère de mettre dans son rapport
toute la netteté nécessaire. Cependant il
ressort de ce rapport, et manifestement,
que des membres de la Constituante vou-
laient que le Louvre avec ses richesses n’eu-
trât point dans la liste civile, et que tous
entendaient fonder un musée national sur
lequel l’État conserverait des droits de sur-
veillance et de direction. C’est ce dont il
n’est point permis de douter quand on lit
attentivement le discours dans lequel Bar-
rère s’efforça de concilier le vœu du roi avec
les désirs de l’Assemblée :

« Décréter simplement, disait-il, que le Lou-
vresera dans le tableau des domaines réservés
au roi, a paru à vos comités une disposition
funeste, propre à rappeler les abus dans ce
qu’on appelait la surintendance des bâtiments,
à provoquer autour des rois des demandes
indiscrètes, à peupler son palais de parasites
dangereux et de courtisans perfides; enfin, à
intervertir 'et à profaner même P usage et l’em-
ploi des domaines nationaux. Mais, autant il
fallait éviter une disposition trop vaste et trop
arbitraire, autant il fallait déterminer l’esprit
de votre décret. — Non, ce n’est pas pour le
roi, ce n’est pas pour la superstition du trône,
que vous établirez cette représentation ma-
gnifique du pouvoir qui a si souvent cor-
rompu le cœur des rois et subjugué l’ima-
gination des peuples, c’est pour la nation
même que vous agirez. Le roi, chef ou
agent du pouvoir, délégué par la constitution,
n’est sans doute que le premier des fonction-

naires publics. Mais, assis sur le trône, habi-
tant au milieu de la capitale de l’empire, il
représente la dignité nationale; il est le signe
visible de la majesté de la nation; il faut donc
l’entourer d’objets qui appellent les hommages
publics, ün peuple libre ne confie ses desti-
nées qu’à lui-même, ses lois qu’à ses repré-
sentants, sa dignité qu’à un roi.

« Votre projet, conforme au désir du roi,
sera sans doute d’élever le palais des Sciences
et des Arts à côté du palais de la Royauté ; et
vous aurez ainsi placé dans la même enceinte
les bienfaits de la civilisation et l’institution
qui en est la gardienne...

« Ainsi, la restauration du Louvre et des
Tuileries, pour donner au roi constitutionnel
une habitation digne de la nation française, et
>our y faire un Muséum célèbre, demandera
des mesurés ultérieures qui seront concer-
tées avec le roi. Le génie des artistes, témoin
de ce que vous faites pour les arts, ouvrira
un concours libre pour en former les plans,
et nos successeurs en jugeront, et décréteront
l’exécution à mesure des besoins et des sommes
que la Nation pourra y consacrer. »

Les phrases par lesquelles Barrère termine
son rapport, ne permettent point de douter
des intentions de la Constituante. Elle vou-
lait certainement la création d’un musée na-
tional ; si elle consentait à le placer dans le
Louvre, à côté du palais de la royauté, pour
en rehausser la dignité, elle entendait ce-
pendant réserver la propriété et la direction
du Muséum à l’État qui devait, en s’enten-
dant avec le roi, en juger et en. décréter
l’exécution à mesure des besoins et des sommes
que la Nation pourrait y consacrer. Voilà ce
que dit le rapport de Barrère, et voilà ce
que nous dira aussi la loi votée.

« Art. 6. Il sera dressé un inventaire des
diamants appelés de la Couronne, perles, pier-
reries, tableaux, pierres gravées et autres mo-
numents des arts et des sciences, dont un
double sera déposé aux archives de la Nation ;
l’assemblée se réservant de statuer, de concert
avec le roi, sur le lieu où lesdits monuments
seront déposés à l'avenir, et néanmoins les
pierres gravées et autres pierres antiques se-
ront, dès à présent, remises au Cabinet des
médailles. »

Art. 1er du second décret. « Le Louvre et
les Tuileries réunis seront destinés à l’habita-
tion du roi, à la réunion de tous les monu-
ments des sciences et des arts, et aux princi-
paux établissements de Vinstruction publique ;
se réservant, l’Assemblée nationale, de pour-
voir aux moyens de rendre cet établissement
digne de sa destination, et de se concerter avec
le roi, sur ce sujet. »

Point de doute à cet égard. Le Louvrq
devait être un palais consacré, dans un inté-
rêt public, aux sciences et aux arts, et
l’État en restait le vrai maître, puisque c’é-
tait lui qui conservait la charge et le soin
de pourvoir aux moyens de le rendre digne

de sa destination, après s’être simplement
concerté avec le roi.

La Révolution, en renversant peu après le
trône, et en faisant disparaître la liste ci-
vile, rendit inutile tout concert entre l’as-
semblée et le roi, et nous a empêché de
connaître comment auraient fonctionné si-
multanément les deux pouvoirs. Le Louvre,
décrété Palais national, reçut alors, pour en
faire jouir tous les Français, les trésors con-
servés dans les palais royaux, dans les mo-
numents publics, dans les dépôts et dans les
hôtels des émigrés dont les biens furent
séquestrés.

En 1804, lors de la reconstitution de la
liste civile au bénéfice de l’empereur Na-
poléon 1er, le Louvre fit retour à la cou-
ronne aux termes fixés en 1791 et par suite
la Nation conserva tous ses droits sur les
œuvres d’art réunies dans ce palais. Mais,
l’Empereur, devenu le maître omnipotentdes
peuples et des rois de l’Europe, ne pouvait
admettre longtemps les idées qui avaient
servi à établir la liste civile de Louis XVI et
supporter, dans un de ses palais, l’interven-
tion'presque souveraine de l’État. En 1791,
la Constituante avait décidé que la couronne
n’aurait que l’usufruit de biens dont la pro-
priété restait à l’État; en 1810, le Sénat dé-
clara que la couronne était propriétaire des
domaines affectés à la liste civile et l'Empe-
reur usufruitier.

Cette importante modification introduite
dans l’esprit de la Constitution demandait
nécessairement la révision de l’article qui
concernait les œuvres d’art placées au
Louvre, et il fut dit alors que :

« Les diamants, -perles, pierreries, tableaux,
statues, pierres gravées et autres monuments
des arts qui sont, soit dans les musées des arts,
soit dans les palais impériaux, font partie de
la dçtation de la couronne. »

Par cet article, tous les droits que la Na-
tion s’était réservés en 1791 sur nos musées
sont effacés. Le Louvre cesse d’être la pro-
priété de l’État pour entrer dans le domaine
constitué de la couronne; et l’Empereur,
usufruitier des œuvres considérées isolément
et placées soit dans les musées, soit dans les
palais impériaux, peut à son gré les trans-
porter individuellement à Versailles, à Saint-
Cloud ou dans toutes autres résidences,
pourvu toutefois qu’il laisse subsister les
musées.

Ces mêmes pouvoirs furent maintenus à
Louis XVIIJ par la loi de 1814. Mais en 1832
tout change. La nouvelle liste civile est
discutée avec un soin extrême, et par le rap-
port de Schonen, nous savons que des
 
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