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La chronique des arts et de la curiosité — 1869

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Nr. 38 (19 Septembre)
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https://doi.org/10.11588/diglit.26661#0207
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N° 38.

DIMANCHE 19 SEPTEMBRE.

1869.

CHRONIQUE

DES ARTS ET DE LA CURIOSITÉ

GUIDE SPÉCIAL DES ARTISTES ET DES AMATEURS

JOURNAL POLITIQUE PARAISSANT LE DIMANCHE

ABONNEMENTS.

Peins. »•••••. Un an • 15 fr.

—.Six mois : 8 fr.

Départements .... Un an : 18 fr,
— . . , . Six mois : 10 fr.

Un numéro : 20 cent.

Pour l’étranger, le port en sus.

Rédacti ON , 55, rue Vivienne.

Comptes rendus et annonces des ventes
publiques de tableaux, dessins, estampes,
bronzes, ivoires, médailles, livres rares,
autographes, émaux, porcelaines, armes,
objets de curiosité, etc.

Revue des Arts industriels.

DES SOCIÉTÉS D’ART EN PROVINCE.

On parle beaucoup en province de dé-
centralisation , mais trop souvent on s’y
conduit de manière à fortifier le pouvoir
central. Une société vient-elle à se con-
stituer, on la place sous le patronage de
M. le préfet; une assemblée doit-elle
avoir lieu, on supplie M. le préfet de
daignei' la présider. Comme de raison,
M. le préfet n’a garde de refuser, et
bientôt, sous son influence, les fonctions
de toutes les sociétés se trouvent enva-
hies par des hommes qui espèrent, toute
une vie, la récompense promise à leur
souplesse, ou par de petits jeunes gens
impatients d’attacher à leur boutonnière
le ruban qui doit les faire bien venir des
danseuses. Ainsi constituées, ces sociétés
tiennent des séances où l’on y lit vingt
mémoires sur le passage d’Annibal dans
les Gaules, où l’on se pâme à la lec-
ture d’un madrigal et où l’on voit re-
naître la dispute de Vadius à propos
du sonnet sur la fièvre qui tint la prin-
cesse Uranie. M. le préfet trouve ces so-
ciétés parfaites, — elles ne s’opposent à
aucun de ses desseins, ne manifestent
aucune volonté, — et la croix distingue
ceux qui pensent être les héritiers directs
de Molière ou de Seroux d’Agincourt, et
chaque année un tableau acheté quatre à
cinq cents francs par le ministère vient
récompenser la ville soumise qui, sans
mot dire, -payera pour cette œuvre insi-
gnifiante les frais de transport et un cadre
de deux cents francs. Quant à la popu-
lation, inutile de dire qu’elle reste froide,
insouciante à toutes ces vaines discus-
sions, bonnes tout au plus à occuper les
loisirs de quelques désœuvrés.

Les sociétés savantes ou d’art ont ce-
pendant un rôle important à remplir, et si
la province veut sérieusement la décen-
tralisation, il faut qu’elle rompe avec tous
ces usages funestes. Au lieu clejplacer tou-
tes ses institutions sous le patronage de
préfets arrivés depuis quelques mois dans
une ville qu’ ils aspirent à quitter le plus tôt
possible, de préfets ignorants de l’esprit
et des besoins d’une contrée à laquelle
rien ne les rattache, de préfets désireux
de ne faire qu’à leur fantaisie en étouffant
toutes les manifestations de l’opinion, il
importe que la province s’adresse à des

hommes éclairés, influents et indépen-
dants par leur position et leur caractère,
qu’elle ose enfin aborder les questions vi-
tales, les seules qui préoçcupent les popu-
lations. Il n’y a point de ville qui ne s’in- *
téresse à son histoire civile et politique,
qui ne compte de nombreux ouvriers
auxquels les arts du dessin ne soient
nécessaires à l’exercice de leur profes-
sion. Que les sociétés savantes, archéolo-
giques et des amis des arts s’occupent
donc moins à résoudre des difficultés
oiseuses qu’à se livrer à des travaux
vraiment utiles au pays, et bientôt elles
auront reconquis l’influence des ancien-
nes académies. Qu’elles prennent inté-
rêt à la direction des arts du dessin
dans les collèges et les écoles primaires ;
qu’elles fondent ou développent des mu-
sées et des bibliothèques en rapport avec
les sentiments et les industries du dé-
partement; quelles veillent activement
au sort des objets d’art confiés aux égli-
ses, aux municipalités, aux préfectures,
aux tribunaux..., que sur toutes ces ma-
tières elles adressent des rapports fré-
quents aux conseils municipaux et géné-
raux, quelles publientdans les journaux
des mémoires, et, nous en avons la certi-
tude, elles trouveront derrière elles l’ap-
pui moral et effectif d’une population
éclairée sur ses besoins. Fortes alors de
l’opinion publique, ces sociétés pourront
donner et faire écouter leurs avis dans
toutes lés questions qui relèvent d’elles.

A ce régime fortifiant, naîtront des carac-
tères virils, des esprits distingués, et
ainsi les sociétés d’art auront travaillé à
la renaissance de la province tuée par
une centralisation excessive. Ce n’est
point de notre part une simple assertion ;
les faits ont déjà démontré la valeur de
cette voie nouvelle. Il s’est rencontré, à
Limoges, des hommes assez dévoués à la
cause publique pour vouloir relever le
niveau très-abaissé de l’enseignement du
dessin et donner plus d’extension à la fa-
brication de la porcelaine, assez fermes
pour conserver à leurs institutions un
caractère entièrement municipal et indé-
pendant. A toutes les sollicitations, à
toutes les propositions en apparence avan-
tageuses du pouvoir central, ils ont su
résister, et, en quelques années, ils sont
parvenus à fonder une école prospère et

uù riche musée céramique. Ces hommes
n’ayant pas voulu remettre leurs fonda-
tions à la merci d’un pouvoir éloigné et
désintéressé, ils ont profité de l’action
directe de volontés multiples liées au
succès par intérêt, amour-propre et dé-
vouement. L’argent n’a point fait défaut;
aux motifs développés par ces quelques
hommes convaincus, toutes les bourses
se sont ouvertes, et la ville et le dépar-
tement ont largement financé. Actuelle-
ment le musée céramique, fondé en 18(57
à Limoges par la Société archéologique,
compte quatre mille pièces choisies de
faïence et de porcelaines européennes ou
orientales, anciennes ou modernes, et
l’école de dessin créée en 1868 est fré-
quentée par trois cent soixante-dix élè-
ves, quand la vieille école de Lyon, placée
sous la tutelle de l’État, n’est pas suivie
par deux cents élèves ! Des résultats aussi
surprenants, aussi complets, seront obte-
nus par toutes les sociétés qui, comme la
Société archéologique de Limoges, vou-
dront, tout en honorant les morts, vivre
avec les vivants. Aussi recommanderons-
nous aux membres des sociétés d’art la
lecture du rapport que M. Adrien Dubou-
ché vient d’adresser au jury des écoles
institué par l’Union centrale, avec l’es-
poir que cette lecture provoquera en
d’autres villes des efforts semblables à
ceux qui ont été à Limoges couronnés de
si grands succès.

Émile Galichon.

——

NOTICE

SUR LES

ÉCOLES GRATUITES DES BEAUX-ARTS

APPLIQUÉS A L’INDUSTRIE.

Messieurs les membres du jury.

Parmi les écoles qui prennent part au concours de
dessin, de modelage et de peinture sur porcelaine, ou-
verts par l’Union centrale, figurent les Écoles gra-
tuites des beaux-arts appliqués à l’industrie, fondées
à Limoges eu 1808 et que j’ai l’honneur de diriger.

Quoiqu’elles soient d’une création bien récente et
qu’elles n’aient pas encore atteint tous les dévelop-
pements que seuls peuvent lui donner le temps et
l’expérience, mes collègues et moi nous n’avons ce-
pendant pas hésité à les engager dans une lutte où
elles doivent se trouver en présence de nombreux et
redoutables adversaires.

En cela nous n’avons agi ni par présomption ni
par impatience; nous avons voulu seulement nous
faire connaître, planter notre drapeau et prendre
rang; le succès viendra plus tard, nous en sommes

ABONNEMENTS.

Paris. ....... Un an : 15 fr

— ........ Six mois : 8 fr

Départements. ... Un an : 18

— .... Six mois : 1

Un numéro : 20 cent.

Pour l’étranger, le port en sus.

'vvWWWWWVVWW

Administration, 55, rue Vivienne,

Correspondances étrangères. — Nouvelles

des galeries publiques, des ateliers. _

Bibliographie des livres, articles de revues
et estampes, publiés en France et à
l’Etranger.

Expositions de Province et de l’Étranger.

assurés, parce que le succès est le résultat loyal de la
bonne volonté et du travail.

Faut-il ajouter, messieurs, qu’un autre sentiment,
— sentiment tout patriotique, — nous a engagés à
appeler ainsi l’attention du jury, du public et de la
critique sur les Écoles gratuites des beaux-arts de
Limoges? Par suite de préventions qui n’ont peut-
être pas encore entièrement disparu, le Limousin a
longtemps passé pour un pays hostile à l’art et aux
choses de l’esprit. C’était une Béotie que, dans un
jour de mauvaise humeur, Molière avait jugée et
condamnée d’un trait de sa plume immortelle.
M. de Pourceaugnac a pour longtemps et injuste-
ment ridiculisé le Limousin.

Nous avions cependant pour nous notre passé. Nous
avions en fait d’art nos preuves de noblesse inscrites
dans le monde entier. Dès le ixe siècle, Limoges était
comme la pépinière de ces arts du moyen âge qu’on
a pendant si longtemps ignorés ou dédaignés. A côté
de l’école d’orfèvrerie que saint Éloi y avait établie
et à laquelle on doit le calice de Chelles, Limoges
avait sa ferronnerie, ses fabriques d’armes et ses dé-
licates limogiatures, rares et précieux tissus de soie
brodée dont le temps n’a pu effacer l’éclat.

Plus tard, du xie siècle à la fin du xv% se fonda et
se développa cette école d’orfèvrerie émaillée au
champlevé qui produisit tant de chefs-d’œuvre, parmi
lesquels nous avons le bonheur de posséder encore,
dans notre province, la châsse de Grammont, à Am-
bazac, les reliquaires de saint Sulpice, de saint Syl-
vestre, des Billanges, de Chàteauponsac, le buste de
saint Ferréol à Nexon.Faut-il citer encore les émaux
du tombeau de Geoffroy Plantagenet au Mans, et les
tombeaux émaillés des rois d'Angleterre?

A la fin du xve siècle surtout, la vie artistique dé-
borde à Limoges. Outre ses émailleurs, elle a ses
peintres-verriers, ses enlumineurs, ses imprimeurs
(les Barbou). C’est le temps où les Vénitiens, déjà,
depuis longtemps établis parmi nous, occupent tout
un quartier de Limoges, le bourg de Venise, qui de-
vient l’entrepôt de tous les produits du Limousin.

L’épanouissement complet de cette gloire artistique
eut lieu au xvie siècle. Les grands émaux peints font
alors leur apparition, et il suffit de citer les noms de
Nardon Pécinaut, de Léonard Limosin, de Courteix,
de Pierre Reymond, de Jehan Court, pour réveiller
dans les esprits le souvenir d’œuvres admirables que
l’Europe couvre d’or aujourd’hui et que l’on retrouve
partout... partout, hélas! excepté à Limoges.

Au XVIIe siècle commença avec les Laudin et les
Noalhier la décadence de l’émaillerie. Elle était com-
plète au xvm'. Mais Limoges a eu cette bonne fortune
qu’à l’industrie, qui avait fait sa gloire, une autre a
succédé qui fait sa richesse et qui refait sa réputa-
tion. Cette industrie, qui est celle de la porcelaine,
alimente une nombreuse population, et elle a déjà
transformé, en moins de quarante ans, une ville de
province de troisième ordre en un centre industriel
de 70,000 habitants.

Vers le milieu du xvme siècle, sous le règne de
M1”» de Pompadour, il y eut en France ce qu’on peut
appeler la folie de la porcelaine. Les importations de
la Compagnie des Indes en avaient donné le signal,
et la découverte de la porcelaine dure de Saxe ne fit
que l’augmenter. La France resta tributaire de la
Saxe jusqu’à la découverte singulière du kaolin des
gisements de Saint-Yrieix par Mmt Darnet, en 1700.

A ce moment, le Limousin avait pour intendant
Turgot, Turgot qui, d’une province pauvre et délais-
sée, fit un pays relativement riche en le reliant au
reste de la France par des routes encore aujourd’hui
regardées comme des modèles. C’est parmi nous que
ce grand homme, un des précurseurs de 1789, appli-
qua des idées qui, sous l’ancienne monarchie, le con-
duisirent à l’exil et-qui, vingt ans plus tard,l’auraient
fait juger digne de gouverner un peuple libre. Il com-
prit toute l’importance de la découverte du kaolin, et,
sous son impulsion, MM. Massié, Grellet et Fourney-
ras fondèrent la première fabrique de porcelaine de
 
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