ALESSANDRO LEOPARDI
st-il sculpteur, architecte ou fondeur ? Il a pratiqué
certainement chacun de ces trois arts, mais dans quelle
mesure le praticien a-t-il été l'inventeur des monu-
ments de bronze qu'admire la postérité ?
Sans parler de ce triple talent de peintre, de sculp-
teur et d'architecte, qui se rencontre chez presque
tous les artistes de la Renaissance, nous allons nous
trouver en face d'un homme, — né dans la seconde
moitié du xv° siècle, et mort avant If4f, — qui peut
certainement passer pour un des artistes doués du
goût le plus pur, du tact le plus exquis, de la science
la plus accomplie du modelé de la figure humaine,
qui joint encore à cela les connaissances pratiques
indispensables à celui qui veut couler en bronze les
monuments les plus importants et les plus colossaux
dans leur genre, et qui cependant s'intitule modeste-
ment, comme plus tard les Alberghetti : « Fondeur de la République ».
Ce travail habituel de la fonte, qui exige une collaboration pour ainsi dire musculaire, une
dépense de force matérielle considérable, une fatigue et une tension terrible dont nous pouvons
juger par les pages vivantes et colorées des mémoires de Benvenuto Cellini, et par ces divines
lettres où le grand Michel-Ange raconte les déceptions qu'il a éprouvéqs dans la fonte de ses chefs-
d'œuvre, devrait à la longue faire contracter à la main délicate qui trace de charmants contours ce
calus que la main du rude ouvrier contracte au labeur quotidien. Il n'en est rien cependant, car le
Leopardi reste aussi élégant, aussi pur, aussi châtié que le plus illustre des Lombardi. Je voudrais
qu'un chercheur qui serait à la fois un habile archiviste, un écrivain preste et un amoureux des
choses de l'art, nous fît pénétrer, à l'aide des documents, dans la vie de ces grands artistes du
i. On sait le; grand et légitime succès de l'ouvrage de M. Charles Yriarte : La Vie d'un Patricien de Venise au XVIe siècle, succès consacré
par les suffrages de l'Académie française qui a couronné l'ouvrage de notre collaborateur. Un éditeur intelligent, M. J. Rothschild, a demandé à
M. Charles Yriarte un livre que nul n'était mieux à même de faire avec autorité, une étude complète sur Venise. Les premières livraisons
de Venise — Histoire, Arts, Industrie, la Ville, la Vie — viennent de paraître, imprimées chez Chamerot; nous devons à l'obligeance de l'auteur
son chapitre inédit consacré au Leopardi. L'éditeur a gracieusement mis à notre disposition trois dos gravures qui accompagnent ce cha-
pitre : le portrait, communiqué à M. Yriarte par M. Stefani, le Tombeau du Doge Vendramin et le marteau de porte du Sansovino. De notre
côté nous avons fait reproduire, pour illustrer cette remarquable étude, la base de bronze d'un des mâts de la place Saint-Marc, un des puits
du Palais Ducal, la statue de Colleoni par Andréa del Verrocchio et le monument complet dont Leopardi a composé l'élégant piédestal.
(Note de la Rédaction.)
st-il sculpteur, architecte ou fondeur ? Il a pratiqué
certainement chacun de ces trois arts, mais dans quelle
mesure le praticien a-t-il été l'inventeur des monu-
ments de bronze qu'admire la postérité ?
Sans parler de ce triple talent de peintre, de sculp-
teur et d'architecte, qui se rencontre chez presque
tous les artistes de la Renaissance, nous allons nous
trouver en face d'un homme, — né dans la seconde
moitié du xv° siècle, et mort avant If4f, — qui peut
certainement passer pour un des artistes doués du
goût le plus pur, du tact le plus exquis, de la science
la plus accomplie du modelé de la figure humaine,
qui joint encore à cela les connaissances pratiques
indispensables à celui qui veut couler en bronze les
monuments les plus importants et les plus colossaux
dans leur genre, et qui cependant s'intitule modeste-
ment, comme plus tard les Alberghetti : « Fondeur de la République ».
Ce travail habituel de la fonte, qui exige une collaboration pour ainsi dire musculaire, une
dépense de force matérielle considérable, une fatigue et une tension terrible dont nous pouvons
juger par les pages vivantes et colorées des mémoires de Benvenuto Cellini, et par ces divines
lettres où le grand Michel-Ange raconte les déceptions qu'il a éprouvéqs dans la fonte de ses chefs-
d'œuvre, devrait à la longue faire contracter à la main délicate qui trace de charmants contours ce
calus que la main du rude ouvrier contracte au labeur quotidien. Il n'en est rien cependant, car le
Leopardi reste aussi élégant, aussi pur, aussi châtié que le plus illustre des Lombardi. Je voudrais
qu'un chercheur qui serait à la fois un habile archiviste, un écrivain preste et un amoureux des
choses de l'art, nous fît pénétrer, à l'aide des documents, dans la vie de ces grands artistes du
i. On sait le; grand et légitime succès de l'ouvrage de M. Charles Yriarte : La Vie d'un Patricien de Venise au XVIe siècle, succès consacré
par les suffrages de l'Académie française qui a couronné l'ouvrage de notre collaborateur. Un éditeur intelligent, M. J. Rothschild, a demandé à
M. Charles Yriarte un livre que nul n'était mieux à même de faire avec autorité, une étude complète sur Venise. Les premières livraisons
de Venise — Histoire, Arts, Industrie, la Ville, la Vie — viennent de paraître, imprimées chez Chamerot; nous devons à l'obligeance de l'auteur
son chapitre inédit consacré au Leopardi. L'éditeur a gracieusement mis à notre disposition trois dos gravures qui accompagnent ce cha-
pitre : le portrait, communiqué à M. Yriarte par M. Stefani, le Tombeau du Doge Vendramin et le marteau de porte du Sansovino. De notre
côté nous avons fait reproduire, pour illustrer cette remarquable étude, la base de bronze d'un des mâts de la place Saint-Marc, un des puits
du Palais Ducal, la statue de Colleoni par Andréa del Verrocchio et le monument complet dont Leopardi a composé l'élégant piédestal.
(Note de la Rédaction.)